L'externalisation devient une alternative
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Dans le contexte économique actuel, externaliser une plus grande partie de ses activités peut devenir tentant. La quasi-totalité de ces dernières est désormais concernée, grâce aux évolutions technologiques et informatiques notamment.
Sous-traitance, externalisation et maintenant BPO - Business Process Outsourcing : qu'est-ce qui explique ces nouvelles tendances ? Si la sous-traitance ne date pas d'hier, plusieurs raisons motivent sa croissance.
Sur le plan financier d'abord et dans le contexte économique actuel, les prestataires proposent, du moins en théorie, des coûts de production moins élevés que les entreprises parce qu'ils restent spécialisés dans un seul domaine. Ce qui leur permet de mutualiser les coûts d'infrastructure et de ressources humaines au bénéfice de leurs clients. Toujours lié à des motivations financières, le recours à l'externalisation évite aussi d'embaucher directement et donc d'augmenter la masse salariale et les effectifs. Un argument auquel bon nombre d'entreprises sont sensibles aujourd'hui. La logique sous-jacente peut consister également à se recentrer sur son métier de base. Mais si l'actualité économique met ces arguments en exergue, elle ne suffit pas à expliquer la montée en puissance de ces pratiques.
L'impact du numérique
La banalisation du numérique est un facteur pas forcément visible mais essentiel dans nombre de projets d'externalisation. L’externalisation d’un processus métier, le règlement d’un dossier de sinistre, un service support, la finance, le recrutement ou la gestion documentaire par exemple, supposent forcément de nombreux échanges entre l'entreprise et son prestataire. Depuis des années, le remplacement partiel des réunions physiques et des courriers par des emails a fluidifié ces échanges et les a rendu quasi instantanés. Les entreprises et leurs collaborateurs sont habitués aux usages du web et des nouvelles technologies de communication, du moins basiques. Et ce, sans qu'un investissement lourd dans l'informatique ou dans les télécoms soit désormais nécessaire pour les PME. Des échanges numériques qui ne se limitent pas aux courriels. Sur le terrain, nombre d'entreprises qui avaient initialement mis en place des intranet destinés à leurs seules équipes ont ouvert ces sites web à leurs fournisseurs. De là à déléguer le réapprovisionnement des stocks dans la grande distribution, par exemple, le pas a été vite franchi.
Activités supports …
Toutes les activités supports ou métiers sont désormais concernées. Côté support, on trouve l'informatique bien sûr, mais aussi les télécoms, la restauration collective ou encore la paie, la comptabilité, les finances et les ressources humaines. Pour toutes ces activités, l'externalisation ne touche plus seulement les grandes entreprises. Spécialisé dans le recrutement, le cabinet Robert Walters travaille pour des grands comptes comme Alstom Power mais aussi pour des entreprises plus modestes comme le groupe HN, (une société de services informatique qui compte 400 personnes). Ce prestataire prend en charge à l'année le recrutement pour le compte de ses clients. Seule limite, ces pratiques varient selon les pays. « La plupart des banques anglaises, autour de 80 %, ont externalisé non seulement le recrutement, en totalité, mais aussi d'autres activités RH comme la mobilité interne », souligne Virginie Groussard, département externalisation des processus de recrutement au sein du cabinet Robert Walters (voir retour terrain p. 43). Pour l'informatique et les télécoms, l'externalisation demeurait jusqu'à présent surtout technique. Il s'agissait, notamment, de confier à des prestataires spécialisés, la maintenance des équipements. Mais la banalisation des projets de dématérialisation du papier s'est traduite par l'externalisation de nouveaux services. Par exemple, l'offre BPO de Docapost remplace tout ou partie des services courriers de ses clients.
…et métiers
Une démarche qui ne s'arrête pas au service courrier. Il y a deux ou trois ans, les prestataires ne proposaient que la numérisation et les opérations de saisie et de validation des informations, par exemple de dossiers de crédit. À partir de liens avec les applications informatiques métiers de leurs clients, ils proposent désormais de plus en plus souvent de prendre en charge des processus métiers entiers comme le règlement de ces mêmes dossiers de crédit. Par exemple, Tessi prend intégralement en charge ce processus pour la Caisse d'Epargne. Outre la saisie des données, le prestataire assure la vérification de la complétude des dossiers de crédit, des contrôles visuels des signatures et va jusqu'à l'intégration des données dans l'application métier qui déclenche les paiements. « Nous avons un accès direct à l'application métier via réseau sécurisé », explique Eric Jamet, directeur marketing de Tessi. En d'autres mots, les prestataires techniques proposent désormais de réaliser, à distance ou sur site, une partie du métier de leurs clients. Des offres qui justifient l'appellation BPO. Ces prestations se déclinent également pour les services de relation clients. Directrice de production du Call Center Everial, Laurence Periovizza rappelle : « À l'origine, il y a une vingtaine d'années, notre société était spécialisée dans la gestion d'abonnés et dans les appels téléphoniques sortants ». Depuis quelques années, le Call Center Everial gère à l'année le standard et les appels entrants des services clients de titres de presse, « comme Rustica ou le groupe Marie Claire », illustre Laurence Periovizza. Ou encore, le standard d'associations, comme l'Association des Paralysés de France, ou d'entreprises comme Véolia Propreté. « Une prise en charge qui nous amène à offrir au client un numéro gratuit, à expliquer comment faire un don à l'APF ou encore, à préciser quand repassera la tournée de ramassage des encombrants », décrit en souriant Laurence Periovizza.
Quelles limites ?
Si les avantages sont nombreux et évidents, le choix de l'externalisation fait tout de même courir quelques risques. Des risques qui se présentent sous plusieurs aspects. Détenue par des professionnels extérieurs à l'entreprise, la compétence métier reste plus volatile. Aucune entreprise n'est à l'abri de la démission de collaborateurs expérimentés, mais dans le cas du BPO, il peut s'agir du départ d'équipes complètes suite à un changement de prestataire. Dans le registre juridique, la présence quotidienne sur un site de collaborateurs externes à l'entreprise peut amener un conseil des prud'hommes à requalifier les contrats de travail. Enfin, si les offres informatiques sont généralement matures sur le plan technologique, l'interopérabilité, en d'autres mots la possibilité de récupérer immédiatement ses données, ses factures et autres documents en vue de changer de fournisseur, demeure un mythe. Et ce, malgré la présence de multiples normes. Ces risques peuvent être limités par l'établissement de contrats encadrant précisément ces points.
Par Patrick BRÉBION
Externaliser une partie du traitement des factures Evelyne Michaud, Directrice organisation de Foncia Foncia est une société spécialisée dans la gestion locative, de copropriétés, de biens et dans les ventes pour le compte de tiers. Présente avec 500 agences en France, cette activité l'amène à travailler avec environ 120 cabinets d'administrateurs de biens et de syndics. « On gère beaucoup de factures, des factures d'eau à l'entretien des ascenseurs en passant par la tonte des pelouses, détaille Evelyne Michaud, directrice organisation de Foncia. Au total, cela représente plus de deux millions et demi de factures par an ». Une gestion très lourde qui a motivé Foncia pour dématérialiser ses factures et, au passage, pour externaliser une partie de leur traitement. Démarré en 2011, le projet a d'abord délimité la partie des activités externalisées. Dans un deuxième temps, deux ou trois cabinets pilotes ont été choisis. Le prestataire Numen a été sélectionné pour les étapes de dématérialisation, de capture des données comptables, de gestion et de stockage des factures. « On savait que cela serait un changement assez fort pour les cabinets », rappelle Evelyne Michaud. Mais, bonne surprise, les premiers utilisateurs maîtrisent rapidement et sans souci l'application. « À partir de l'accès en ligne, il est plus facile qu'auparavant de savoir à quel stade en est la facture, (réception, validation, paiement). Un accès immédiat pour tout collaborateur habilité. La traçabilité est bien meilleure », résume Evelyne Michaud. Déjà avancé, le déploiement est en cours chez tous les clients de Foncia. |
Un recrutement externalisé qui reste dans les locaux des clients Virginie Groussard, Responsable département externalisation des processus de recrutement du cabinet Robert Walters Le cabinet Robert Walters propose des recrutements à la demande ou des offres complètes d'externalisation du recrutement et de mobilité interne. « L'offre est moins aboutie en France que dans des pays anglo-saxons. Elle demeure plus parcellaire et sur mesure. Elle n'inclut pas forcément, par exemple, la mobilité interne. Les raisons ne tiennent pas à Robert Walters mais à des aspects culturels différents entre la France et les pays anglo-saxons. Contrairement à ces derniers, les entreprises françaises ont du mal à externaliser complètement ces processus », explique Virginie Groussard, responsable du département externalisation des processus de recrutement. L'externalisation fait l'objet de contrats annuels, ou au minimum semestriels, avec la présence dans les locaux des clients, de prestataires de Robert Walters. « Il s'agit souvent de sourcing, de chercher les bons profils sur les 'CVthèques' mais aussi sur les réseaux sociaux », décrit Virginie Groussard. La mission inclut également les préqualifications téléphoniques, l'organisation des entretiens, le débriefing et va parfois jusqu'à faire l'offre au candidat. « J'accompagne aussi les équipes des ressources humaines à monter en compétence sur le sourcing. Il s'agit non seulement de trouver des candidats, mais aussi de filtrer ceux correspondant à la demande, et qui vont rester suffisamment longtemps dans le poste, une notion baptisée taux de rétention, pour éviter un manque à gagner pour le client », ajoute Virginie Groussard. Un accompagnement qui se déroule souvent sur le site du client. « Travailler sur site permet de bien cerner la culture de nos clients », conclut Virginie Groussard. |
Externaliser sa relation clients
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Patrick Brébion
Après des débuts dans le développement logiciel, Patrick est devenu journaliste dans les années 90. Depuis, il couvre de nombreux sujets pour la presse BtoB avec une prédilection pour les technologies de l’information.