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Faut-il avoir un nouveau regard sur la fonction « achats » ?

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Tout dirigeant sait que la contribution des achats à la compétitivité de son entreprise est importante, voire stratégique. Aujourd’hui, un directeur des achats doit avoir une vision globale des objectifs de l'entreprise, en intégrant pleinement l’ensemble de son écosystème. L’évolution de ce métier impose-t-elle un nouveau regard ? Eléments de réponse.


Ce n’est pas d’hier que la fonction Achats poursuit son évolution. On l’oublie souvent, mais elle fut l’une des toutes premières dont les acteurs et professionnels se réunirent en associations, avec des objectifs clairs : valoriser, rationaliser et faire évoluer le métier.


Préambule historique
Aux États-Unis, en 1916, est fondée la première association professionnelle d’acheteurs ; le Royaume-Uni lui emboîte le pas en 1921.
En France, c’est seulement en 1935 que l’on commence à parler, non d’Achats, mais d’optimisation des approvisionnements pour accéder « aux meilleures conditions possibles ». Et c’est finalement en 1944 qu’est créée la CDAF (Compagnie des Dirigeants et Acheteurs de France), aujourd’hui toujours l’association majeure du secteur.  
Le 24 septembre 1945, la CDAF publiait un Code d’éthique visant à moraliser la profession. La lecture de ce document d’une page est très intéressante. Elle révèle immédiatement que ce code était manifestement destiné à lutter contre des pratiques douteuses d’acheteurs abusant de leur situation.: « N’accepter aucun avantage personnel » et « Respecter les règles générales d’honorabilité ». Intéressant. Car en juillet 2011, un projet de loi touchant partiellement aux achats était déposé au Parlement au motif suivant : « Trop nombreuses pratiques abusives dans les relations commerciales ». Ce n’est pas notre sujet, mais difficile de ne pas poser une question : l’éthique a-t-elle fait si peu de progrès en 57 ans, qu’il faille envisager une nouvelle loi pour régler quelques anomalies de fonctionnement ?
Ce bref rappel historique explique peut-être qu’en France, la fonction « achats » ait mis des décennies pour obtenir cette indispensable confiance lui permettant enfin de s’imposer dans la gestion et le management de l’entreprise.

Les achats, une question de maturité
Accueil, standard, plate-forme téléphonique, propreté-hygiène, restauration, transports, coursiers, logistique, maintenance informatique, archivage physique ou numérique, sécurité, entretien des espaces verts, etc… Dresser ici une liste exhaustive des produits et des services tombant dans le giron d’un service achats et des externalisations possibles est virtuellement impossible.
Certes, il s’agit de contribuer à la compétitivité mais tout dirigeant connaît quasi intuitivement les postes où il peut agir. Selon le secteur d’activité, les achats (production + hors production) représentent entre 40 et 60 % du chiffre d’affaires1 ; toute optimisation ayant, ipso facto, une forte incidence sur la performance.
Jetons plutôt un éclairage sur les évolutions stratégiques des missions et du positionnement dans l’entreprise de la fonction « achats ».
Il fût une époque où certaines directions des achats affichaient une forte propension à devenir un état dans l’état. « Ils pensaient pouvoir tout mettre en abaques, quels que soient les produits ou les services des fournisseurs. C’est facile et possible pour des boulons, mais comment estimer les véritables et justes valeurs d’un travail strictement intellectuel, de conseils ou de création ? » nous dit Philippe Rouer, ancien expert-comptable de grands groupes industriels.
« Il existe encore des directeurs des achats qui raisonnent de manière terre à terre. Ceux-là se sentent parfois investis d’un mandat du « tout rationalisation » avec un focus sur la stricte réduction des prix. C’est une grave erreur contre- productive », nous dit Leila Cardot-Fahas, associée de Logica Business Consulting, en charge de la Business Team achats et Performance, qui ajoute immédiatement : « …heureusement, la plupart des directions des achats sont aujourd’hui matures. Elles sont investies d’un mandat qui n’est plus centré sur la réduction faciale des coûts. Leurs missions s’inscrivent désormais dans la gestion d’un écosystème dans sa globalité ».

Aller bien au-delà du prix et même du coût
On parle depuis longtemps de coûts globaux et non plus de prix, dont l’intérêt apparaît finalement de plus en plus relatif. À quoi bon, par exemple, négocier à l’extrême si le fournisseur finit par rogner sa marge au point, sans l’avouer ou oser le dire, de n’être plus en mesure d’assurer la qualité, voire de garantir la pérennité de son entreprise !

En outre, pourquoi payer le moins cher possible, si cela vient altérer la satisfaction des clients internes ? Aujourd’hui, parmi ses nouveaux challenges, un service « achats » doit en effet pouvoir répondre aux attentes des différents clients internes : commercial, marketing, développement, production, logistique, etc... Il doit maîtriser l'ensemble des démarches relatives aux achats : gestion du suivi des commandes, des stocks, des budgets, mesure de la performance globale. Il doit encore choisir les fournisseurs, en osmose avec les critères définis par ses collègues de tous les départements de l’entreprise. Un bon service « achats » est au service de ses clients internes. (exemple : participer à la rédaction d’un cahier des charges).
L'acheteur doit enfin établir une veille technologique en scrutant les dernières innovations proposées par le marché. Il doit analyser en permanence les tendances du marché fournisseurs. « Les achats ont une contribution cruciale à l’innovation, démarche vers laquelle ils doivent attirer les fournisseurs » affirme Leila Cardot-Fahas.

On le constate, le champ des responsabilités des achats représente un lourd travail de compilation d’informations hétérogènes. Conséquence : la direction des « achats » se retrouve mécaniquement en situation transverse, tant en interne qu’en externe. Elle est de fait un carrefour et même plus.
« … Les achats doivent être un catalyseur… Ils doivent développer un vrai talent d’adaptation en comprenant précisément les besoins en interne. Aujourd’hui, on demande aux acheteurs d’être des facilitateurs, des animateurs… » nous dit l’associée de Logica Business Consulting.

Bien positionner les achats dans l’entreprise
Dans les années 90, le directeur des achats ne rentrait pratiquement jamais dans le cercle fermé des membres du Board ou du Comité Exécutif de l’entreprise. Aujourd’hui, les choses ont évolué. C’est ainsi que dans les entreprises du CAC 40, onze groupes ont intégré le directeur des achats dans leurs instances décisionnelles, bien que généralement sous la coupe de la Direction Financière. Autre indice1, en 2010, sur ces mêmes sociétés du CAC 40, 60 % évoquent la Direction des achats dans leur rapport annuel, et 97,5 % soulignent leur implication lorsqu’est abordé le sujet du développement durable.
Il apparaît que l’influence des achats soit grandissante, mais à une condition : que sa road map - la stratégie générale - soit calée sur celle de l’entreprise. Mais pour y parvenir apparaît alors un autre pré requis. La Direction des achats doit obtenir de la Direction Générale un mandat clair et précis. « On a vu des cas où une Direction des achats était recrutée plus pour rassurer et faire plaisir aux actionnaires que pour véritablement améliorer la performance » précise Leila Cardot-Fahas.  
Les Achats, n’ayant pas un mandat clair, ne trouvent pas leur place dans l’entreprise, leur fonction étant alors facilement remise en cause. A contrario, lorsque la Direction Générale fournit le cap aux achats, avec une définition très précise des enjeux stratégiques, ils sont en mesure de déployer efficacement leur savoir-faire. « Lorsque ces conditions sont réunies, les achats justifient pleinement leur présence dans les instances décisionnelles de l’entreprise », insiste Leila Cardot-Fahas.

Quel avenir, quelle évolution pour les Achats ?
Tous les professionnels s’accordent à dire que les achats vont suivre la trajectoire des Directions des Systèmes Informatiques (DSI). Autrefois les DSI étaient assis sur la maîtrise « jalouse » de la technologie. Aujourd’hui, avec la banalisation des compétences, ils s’ancrent de plus en plus dans la pure logique « business ». Ils externalisent eux aussi toutes les fonctions définies comme non stratégiques de leurs systèmes.
Les profils mêmes des responsables et acteurs des Systèmes d’Informatiques ont évolué. Ils étaient de purs ingénieurs, ils sont devenus des chefs de projet. Ils ne sont plus de « simples » gestionnaires de parc, mais ils ont endossé une responsabilité sensiblement plus vaste : être les garants absolus de la disponibilité et de la fiabilité de l’information livrée.
La fonction « achats » semble suivre cette mutation. Les compétences se sont banalisées. Le négociateur, expert d’un domaine, est remplacé par un profil chef de projet, rompu au travail collaboratif. Ce sont désormais des coordinateurs, des navigateurs au service de l’écosystème de l’entreprise dans sa globalité.

L’acheteur : un professionnel formé et expérimenté
Cette obligation d’avoir en permanence un regard à 360° sur l’entreprise, impose une professionnalisation des acteurs. N’est pas, ou plutôt n’est plus acheteur qui veut ! Une lourde formation de base ou une mise à niveau universitaire s’impose.
En France, le premier DESS2 de Management Stratégique des achats a été créé en 1975, par l’IAE de Grenoble (DESMA). Aujourd’hui de nombreuses écoles privées ou universités délivrent des Master ou Master 2 (bac + 4 ou +5) dédiés aux achats et /ou Supply Chain (cf encadré ci-dessus).
Ces formations académiques sont la confirmation que la fonction achats a définitivement acquis ses lettres de noblesse.

Ultime signe de l’intégration, et nous dirons de la modernité et de la capacité d’adaptation des achats dans l’entreprise, la profession affiche une nette tendance à la féminisation3. Les femmes responsables ou directrices des services achats sont légion et leurs noms deviennent connus dans la profession. Catherine Langreney (Lafarge), Claire Dacier (Air Liquide), Isabelle Krief  (GSK), Christine Bénard (Valéo) en sont quelques exemples.
De là à penser que la génétique féminine est plus adaptée que la masculine aux qualités de finesse nécessaires pour être un bon acheteur, il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas. Les éléments de réponse sont intéressants, mais à chacun d’y réfléchir.
Que les achats soient un maillon indispensable à la performance est incontestable. Ils sont devenus matures ; la technique élargit leur champ d’investigation ; ce sont des alliés de la stratégie globale de l’entreprise ; les Directions Générales les associent à leurs décisions stratégiques. Pour ces quatre raisons, un nouveau regard sur les achats et sur leur valeur ajoutée semble s’imposer.

Par Philippe DERMAGNE

Les deux grandes associations d’Acheteurs
CDAF : Compagnie des Dirigeants et Acheteurs de France
L’AACT : Association des Acheteurs Collectivités Territoriales

 

Les Assises des Services Achats
Du 3 au 5 avril 2012
Pavillon 4 - Porte de Versailles – Paris
Participez au premier laboratoire des tendances et innovations de la filière !
Un panel d’experts prestigieux pour brainstormer sur le protectionnisme !
La déresponsabilisation des consommateurs conduit-elle à une sur-responsabilisation de l’acheteur ?, Comment intégrer le rôle sociétal de l'Acheteur, (provenance des matériaux de pays éloignés) ?, Quel rôle des achats dans la politique de croissance des PME française ?, Volonté affichée de faire passer les PME vers des ETI, quel
rôle des achats dans cette stratégie ?

 

Direction des achats
  Ses missions selon la CDAF
- Définition des stratégies et de la politique générale achats
- Alignement avec la stratégie de l’entreprise
- Organisation de la fonction, cadrage des ressources nécessaires (humaines, techniques, financières)
- Mesure des performances
- Reporting à la hiérarchie

 

Un nouveau challenge au service des collaborateurs
La direction des achats se trouve de plus en plus au cœur du bien-être des collaborateurs.
Il s’agit du confort global du salarié qui peut être la résultante de deux démarches.
• Viser au bien-être intellectuel et moral : est alors surtout concernée la politique développement durable de l’entreprise. Se sentir bien pour ce motif dans son entreprise est une valeur non fongible qui a son importance. La fierté d’appartenance fait partie de ces valeurs. Elle peut avoir une incidence sur la performance (ex. : moins d’absentéisme) mais comment la calculer ?
• Viser au bien-être physique : il dépend de la disponibilité d’un ensemble de produits et de services au sein même de l’entreprise. Un service conciergerie, une salle de sports, une crèche, une cafétéria automatique, une agence de voyages ou encore des conditions d’accès privilégié à des titres-cadeaux ou restaurants ou à des Cesu*, etc… autant de services qui simplifient la vie du salarié, ce qui augmente, ipso facto, sa perception de la contribution de son entreprise à son bien-vivre.

*Chèque Emploi Services Universels

 

Les principaux Masters Spécialisés achats
• INSEEC
• ESSEC
• EM LYON Business School
• Université de Strasbourg
• ESCP Europe
• Pôle Universitaire Léonard de Vinci (MBA)
• Bordeaux Management School
• IAE Grenoble (DESMA)
• AUDENCIA Nantes
• ESC Grenoble



Note de la Rédaction : Nous remercions tout particulièrement la société Logica Business Consulting et Leila Cardot-Fahas pour l’apport d’informations qui a permis de réaliser notre enquête.


1 Étude CDAF Agile Buyer 2011 – Logica Business Consulting
2 Diplôme d’Étude Supérieure Spécialisée
3 L’une des dernières promotions d’un Master Achat très reconnu avait un taux de femmes frisant les 60 %



Lu 14470 fois Dernière modification le jeudi, 01 octobre 2015 14:35
Philippe Dermagne

En 1980, il crée sa propre société, une agence de publicité dédiée au BtoB, à la communication par l’écrit et à la motivation des forces de ventes. En 1995, il fonde l’une des toute premières agences multimédia française, en mettant en place un développement international en Suède, UK et Brésil. Depuis 2007, il est un journaliste qui présente la particularité d’avoir plus de 30 années d’expérience en tant qu’entrepreneur.
Ses terrains de prédilections : les RH, le développement durable, la gestion de flotte automobile. Son second métier : l’animation de colloques, tribunes et grands séminaires d’entreprise.

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