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Les entreprises ajustent la motorisation des véhicules à leurs usages

Les entreprises ajustent la motorisation des véhicules à leurs usages

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Poussées à « verdir » leur flotte par une série de règlementations nationales et européennes, les entreprises acquièrent progressivement des véhicules électriques et hybrides, souvent au détriment des diesels.

Dans ce mix énergétique, les gestionnaires de parc essaient d’ajuster la bonne motorisation au bon usage des véhicules pour optimiser leur rentabilité et leur coût de détention.

Gerard de Chalonge« La nouvelle norme WLTP sur les émissions polluantes des véhicules et la hausse de la fiscalité qu’elle entraîne, la loi d’orientation des mobilités (LOM) qui impose progressivement une proportion croissante de véhicules électrifiés dans les flottes, les règles européennes CAFE qui exigent la limitation des émissions de CO2 des nouveaux véhicules des constructeurs et le durcissement de la règlementation  environnementale urbaine, avec la mise en place de zones à faibles émissions (ZFE) dans les grandes agglomérations, font inexorablement basculer les flottes dans un mix énergétique alliant désormais les motorisations électriques, hybrides rechargeables, essence et diesel », indique d’entrée Gérard de Chalonge, directeur commercial d’Athlon France, loueur longue durée multimarques de véhicules d’entreprise.

Orange vise 7 000 véhicules électrifiés en 2025

Pionnier dans le domaine, le groupe télécom Orange a ainsi déjà introduit 1 200 véhicules électrifiés sur un parc total de 17 000 véhicules.

« Notre flotte électrifiée répartie à égalité entre véhicules électriques et hybrides rechargeables ou non, représente déjà plus de 7 % de notre parc. Notre objectif est d’avoir 7 000 véhicules électrifiés en 2025 », expose Patrick Martinoli, directeur délégué Innovation Projet de la flotte d’Orange.

Patrick MartinoliPour cela, le groupe télécom a jugé nécessaire de supprimer les véhicules diesel de sa flotte à l’échéance de 2024 au profit, notamment, de motorisations hybrides et électriques. Le groupe va ainsi renouveler régulièrement sa flotte à raison de 3 000 véhicules par an, jusqu’à se débarrasser complètement des véhicules diesel qui constituent encore 62 % de son parc.

« Nous souhaitons également réduire en grande partie le nombre de nos véhicules de fonction à essence, pour ne les réserver uniquement qu’aux gros rouleurs », ajoute-t-il.

Carglass passe au vert

De même, Carglass, le spécialiste du vitrage automobile, passe progressivement sa flotte au vert.

« Dans notre parc de voitures de fonction, nous avons diminué, depuis 2 ans, de 27 % nos véhicules diesel, de 18 % nos motorisations essence, alors qu’on a introduit 11 % d’hybrides rechargeables », révèle Mourad Fellah, responsable de la gestion du parc automobile de Carglass.

Aujourd’hui, la flotte de Carglass se compose de 122 véhicules diesel, 37 à essence et de 24 hybrides rechargeables. Et l’entreprise compte accentuer son mix énergétique avec des véhicules 100 % électriques, dans l’objectif de diminuer le nombre de véhicules thermiques à moins de 50 % de la flotte à fin 2022.

Hanno KlausmeierMieux, SAP Labs France, la filiale R&D et de support technique du géant allemand du logiciel d’entreprise, passe au tout électrique. L’entreprise achève en effet l’électrification de la totalité de sa flotte en véhicules 100 % électriques.

« Sur nos 280 véhicules de fonction, 260 sont électriques, soit plus de 92 % de la flotte. Les quelques modèles hybrides et essence restant seront remplacés par des véhicules électriques en septembre prochain », précise Hanno Klausmeier, son président.

Les Car Policy constituées selon l’usage des véhicules

Pour les gestionnaires de parc, la question centrale est désormais d’attribuer la bonne motorisation au bon usage, afin de limiter les coûts d’utilisation des véhicules et donc le coût de détention (TCO) des véhicules.

Carglass accompagne ainsi ses commerciaux et formateurs qui sillonnent le territoire national, sur le choix des modèles de son nouveau catalogue pour attribuer la bonne motorisation au bon usage.

Mourad Fellah« On les oriente sur les modèles en fonction de la configuration géographique et topographique de leurs trajets mais pas selon leur kilométrage annuel. Avec l’augmentation de l’autonomie jusqu’à 400 km des derniers modèles, le véhicule électrique peut convenir à un gros rouleur, pour peu qu’il puisse recharger son véhicule à domicile », révèle Mourad Fellah. Le gestionnaire estime en effet « que le déploiement du réseau public national de recharge reste encore insuffisant et surtout mal entretenu ».

De son côté, Orange ne segmente plus sa Car Policy en fonction du kilométrage annuel de ses salariés, mais selon leur kilométrage quotidien ou hebdomadaire. « On a nuancé notre politique de segmentation en nous appuyant sur des kilométrages plus courts. Dans ce sens, le véhicule électrique n’est plus seulement dédié à une utilisation urbaine ou péri-urbaine, il peut aussi servir à des trajets routiers plus longs, grâce notamment aux derniers modèles électriques à l‘autonomie accrue. Mais cela dépend beaucoup du déploiement et de l’efficacité de l’infrastructure de recharge tout au long de son parcours », souligne Patrick Martinoli.

Le véhicule électrique dédié à de plus longs trajets

« Le véhicule électrique est pertinent économiquement pour les gros rouleurs, mais il n’est pas adapté par manque d’autonomie et par l’insuffisance du réseau de recharge », conteste Laurent Hauducoeur, directeur commercial de Traxall, gestionnaire de parc externalisé pour les grands comptes.

« Le véhicule électrique peut faire de longues distances, à condition de rouler à 90 km/h. Au-delà, l’autonomie des batteries baisse sensiblement. Sans compter que le temps de recharge de 30 minutes à une heure peut réduire la productivité du collaborateur », estime de son côté Gérard de Chalonge.

Le véhicule électrique est aussi en concurrence avec le véhicule essence en milieu urbain et péri-urbain. « La motorisation essence sur de petites citadines qui roulent peu est toujours plus rentable que les citadines électriques », affirme Guillaume Maureau, directeur général adjoint du loueur ALD Automotive.

La vocation multi-usage de l’hybride rechargeable fait sa popularité

Guillaume MaureauDe son côté, la flexibilité de l’hydride rechargeable dont les deux motorisations lui confèrent une vocation multi-usage urbain, péri-urbain, routier voire autoroutier, lui donne une belle popularité. Ce type de motorisation connaît en effet une croissance exponentielle dans les flottes. Mais encore faut-il que ce type de véhicule soit bien utilisé.

« Si l’usager n’utilise pas son mode électrique ou ne recharge pas la batterie de son véhicule hybride, cela revient à rouler en essence, ce qui coûte plus cher que le diesel », avertit Gérard de Chalonge.

L’hybride rechargeable sert aussi de transition pour les conducteurs au véhicule électrique. En attendant, « le diesel restera encore longtemps la solution de motorisation privilégiée pour les gros rouleurs à partir de 35 000 km par an », selon Guillaume Maureau.

« Les entreprises n’ont toutefois pas le choix. Elles vont contraintes et forcées vers des motorisations plus écologiques et quoiqu’il en coûte sur le plan de la rentabilité et des motivations des collaborateurs », conclut Laurent Hauducoeur.

Lu 8992 fois Dernière modification le lundi, 10 mai 2021 15:56
Bruno Mouly

Journaliste économique, avec près de 20 ans d'expérience en journalisme économique et en communication d'entreprise. Spécialisé en numérique, achats logistiques et mobilité. Il collabore également avec les Échos et le JDD.