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Levées de fonds, mode d’emploi

Levées de fonds, mode d’emploi

Finance Écrit par  lundi, 14 janvier 2019 14:47 Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
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Avec des levées de fonds en très forte hausse depuis un an, la France attire de plus en plus les investisseurs. Une manne financière dont les entreprises innovantes sont les premières à tirer parti. Mais pour réussir une levée de fonds, il faut suivre quelques règles indispensables, sous peine d’échouer, quelle que soit la qualité de son projet. Illustrations avec deux exemples de levées françaises réussies, Weezevent et Levels3D.

Comme l’indique le baromètre EY de l’investissement des entreprises innovantes du premier semestre 2018, près de 2 milliards d’euros ont été levés pendant ces six mois par 333 entreprises et Start-up françaises. Une progression de 61 % par rapport au même semestre 2017 qui s’explique tant par l’augmentation du nombre d’opérations que par la hausse du ticket moyen qui est passé de 4,03 à 5,8 millions d’euros.

Quelques « pépites » de la French Tech ont réussi de belles opérations, comme Voodo (169 millions d’euros), Ledger (61 millions) ou encore Openclassrooms (51 millions). D’autres ont collecté des montants plus modestes mais tout aussi importants pour le développement de leur Start-up. Les spécialistes du financement de l’entreprise et de l’innovation s’accordent à reconnaître que les capitaux mobilisables en France sont désormais à un niveau très satisfaisant, supérieur à l’Allemagne et de plus en plus proche du champion européen, la Grande-Bretagne.

Même si les fonds sont aujourd’hui plus importants que jamais, une opération de levée de fonds reste une course d’obstacles à laquelle il faut se présenter bien entraîné pour avoir des chances de gagner.

Soigner la présentation

Pierre Henri DeballonAujourd’hui, les investisseurs français et étrangers se bousculent auprès de Pierre-Henri Deballon, l’un des fondateurs de Weezevent. Mais pour la Start-up française, ça n’a pas toujours été le cas, loin s’en faut. « Pendant plusieurs années, nous avons eu beaucoup de mal à intéresser les banques et les investisseurs », rappelle Pierre-Henri Deballon. Il est vrai que la petite Start-up née à Dijon s’attaquait aux géants des solutions de billetterie en ligne, tels que la Fnac, très implantés auprès des organisateurs de festivals et autres grands évènementiels. « En 2008, nous avons fait le pari au départ de proposer notre solution de tickets aux petits organisateurs associatifs avec des tarifs plus bas », note-t-il.

Un pari qui aura mis du temps à décoller, mais qui a fini par séduire les grands évènements tels que les Eurockéennes ou les Vieilles Charrues. Résultat, Weezevent compte aujourd’hui 75 collaborateurs et vend chaque année pour 150 millions d’euros de tickets. Grâce au pourcentage prélevé sur chaque billet vendu, Weezevent gagne au passage 12 millions d’euros en dégageant un résultat annuel de 4 millions d’euros. « Nous faisons partie des rares Start-up qui ont pratiquement toujours été rentables depuis le début », assure-t-il.

Malgré ce parcours sans faute, les premières tentatives de levées de fonds se sont soldées par des échecs. « La première fois, nous sommes arrivés devant les investisseurs en ayant tout dans la tête, sans documents spécifiques, en pensant pouvoir répondre facilement à toutes les questions », admet Pierre-Henri Deballon. Résultat, aucune réponse, ce qui a incité la Start-up à remettre son projet à plus tard. « Nous avons fait appel à des spécialistes qui nous ont aidé à nous préparer à faire face aux investisseurs et ça a marché tout de suite, à tel point que nous devions choisir parmi de multiples propositions », précise le fondateur de Weezevent.

Diversifier les acteurs

Un Business modèle solide, un prévisionnel financier solidement étayé et l’engagement sans faille des dirigeants et de leurs équipes sont des éléments décisifs pour les investisseurs, quels qu’ils soient. Capital-risqueurs, investisseurs institutionnels, Business Angels, plateformes de Crowfunding, tous ces acteurs peuvent être sollicités dans le cadre d’une levée de fonds. Yannick Folliard, fondateur de la Start-up Levels3D qui a levé 1,1 million d’euros au total en 2018, a réussi en obtenant la confiance de la Caisse des dépôts, de BTP Capital, de LB Conseils, des Business Angels de Champagne-Ardenne et de Wiseed, une plateforme de Crowdfunding.

Auprès de cette plateforme de financement participatif, ce sont 314 investisseurs qui ont souscrit au total 324 000 euros au capital de la Start-up basée à la Technopole de l’Aube. Une première expérience de l’equity crowdfunding que Yannick Folliard n’hésite pas à conseiller. « Le Crowdfunding est une solution intéressante pour réussir une levée de fonds : pour atteindre son objectif, il faut beaucoup communiquer, être totalement transparent et animer sa communauté pendant et après la campagne », souligne-t-il. Parmi ces investisseurs figurent des architectes, des entrepreneurs du bâtiment, autant de clients actuels et futurs de Levels3D qui contribueront au succès de S3D Capture, une application permettant de scanner et modéliser une pièce grâce à un simple Smartphone.

Après cinq années de R&D, l’innovation présentée au CES de Las Vegas 2018 arrive sur le marché. « Nous allons même lancer une troisième version capable de scanner 200 m² en dix minutes », annonce Yannick Folliard qui peut compter sur une équipe d’une douzaine de personnes apportant des améliorations continues. Une application destinée aux professionnels du bâtiment mais qui peut également intéresser d’autres marchés pour scanner et modéliser des stations de métro et des gares par exemple.

L’implication des dirigeants

L’engagement des dirigeants reste aussi un facteur essentiel dans la réussite d’une levée de fonds. Une récente enquête de Equiteasy, plateforme de matching entre entrepreneurs et professionnels de l'investissement, le met en évidence. Parmi les trois facteurs essentiels du choix des investisseurs interrogés, 66 % citent la qualité de l’équipe de management, 54 % les avantages concurrentiels et les barrières à l’entrée, et 32 % les conditions financières de l’opération.

Quelques précisions s’imposent : les investisseurs privilégient à 91 % la qualité et la complémentarité de l’équipe dirigeante à un dirigeant seul, aussi charismatique soit-il. Ils apprécient aussi que le projet qui leur est présenté soit ambitieux pour 53 % d’entre eux. Enfin, et c’est peut-être un signe d’évolution des mentalités en France, l’échec n’est plus rédhibitoire. Ainsi, 94 % des investisseurs se disent prêts à suivre un entrepreneur ayant connu des échecs dans le passé.

Des ratés qu’il ne faut pas cacher, d’autant que la transparence est la qualité première aux yeux de ceux qui sont prêts à investir dans un projet.

Lu 3601 fois Dernière modification le mercredi, 30 septembre 2020 10:57
Laurent Locurcio

Journaliste économique, il a notamment collaboré avec la presse spécialisée dont La Tribune, Le Point, Le Monde, LSA, Sport Eco, et bien entendu GPO Magazine. Il a également participé au lancement de titres de presse et a été rédacteur en chef  d’un important magazine d’entreprise. Auteur également de livres d’entreprises, il intervient aussi auprès d’étudiants en formation multi-médias.