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Face à la crise, les Credit Managers repensent leurs processus recouvrement de créance

Face à la crise, les Credit Managers repensent leurs processus recouvrement de créance

Finance Écrit par  lundi, 11 mai 2020 09:52 Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
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Alors que les retards de paiement se multiplient, les Credit Managers, soucieux de préserver la trésorerie de leur entreprise sans entraver leur relation client, adaptent leurs démarches de recouvrement de créance. Une démarche qui fait plus que jamais la part belle aux processus amiables.

Selon Bercy, les incidents de paiement ont triplé la semaine du 30 mars par rapport à la même période en 2019, pour atteindre un montant d’environ 270 millions d’euros. Bien qu’ils soient en recul en avril par rapport au mois de mars, ils restent néanmoins 75 % plus élevés qu’à la même période 2019. Particulièrement attentifs à cette situation, les Credit Managers reconnaissent ainsi unanimement rencontrer des difficultés pour recouvrer leurs créances et ce, depuis le début de la période de confinement.

« Depuis fin mars, le nombre de rejets de prélèvements a atteint 20 % alors que notre activité de loueur est maintenue et que nous devons donc continuer de financer notre cycle d’exploitation », déplore Nathalie Bernet Becuwe, adhérente de l’Association des Credit Managers (AFDCC) et Credit Manager chez un loueur longue durée de véhicules, notamment pour les professionnels de la santé et de l’agroalimentaire. « Pour notre part, nous enregistrons une augmentation de 10 % des rejets de prélèvements depuis le début de la crise, notamment auprès de nos petits clients », indique pour sa part Éric Chauveau également membre de l’AFDCC, Credit Manager de SCD Luisina, grossiste pour les cuisinistes.

Sebastien CordierLes entreprises qui privilégient le paiement par virement constatent également une augmentation des demandes de reports d’échéances de la part de leurs clients. « Dès la fin du mois de mars, certains clients ont appelé nos commerciaux pour leur demander des reports de paiement d’échéances de 30 jours », précise Sébastien Cordier, trésorier de l’AFDCC et Credit Manager de Versalis ENI, société spécialisée dans le secteur de la chimie.

Face à ce contexte, les Credit Managers ont dû faire preuve d’adaptabilité pour préserver à la fois leur relation client et leur trésorerie.

Privilégier les relances amiables

Pendant la période de confinement, nombre d’entre eux ont ainsi privilégié les démarches amiables dans le cadre de leurs processus de recouvrement. En fonction de la volumétrie de leur portefeuille de clients, certains se sont alors appuyés sur leur Eric Chauveaulogiciel de gestion du poste client, tandis que d’autres ont préféré une approche plus directe, via le téléphone ou leurs commerciaux. « Face au volume important de nos clients (plus de 5600), nous ne pouvons les relancer individuellement par téléphone, poursuit Éric Chauveau. Nous nous appuyons donc sur notre logiciel de recouvrement pour leur envoyer des mails de relance avec notre RIB pour qu’ils procèdent à un virement et en profitons pour leur transmettre également une liste des mesures mises en œuvre par le gouvernement pour les aider à traverser la crise ». Une approche orientée « services » appréciée par les clients de SDC Luisina qui ont été nombreux à expliquer leur situation en réponse.

L’un des leaders de l’édition en France s’est, pour sa part, attaché à anticiper les appels d’échéances auprès de ses principaux grands comptes, la grande majorité de son chiffre d’affaires étant concentré sur une trentaine de gros clients. « Dès le début de la crise, nous avons donc décidé d’appeler ces clients une semaine avant l’échéance de leur facture (contre un ou deux jours avant la crise) pour valider leur paiement en fin de mois et nous assurer qu’il n’y avait aucun litige en cours sur les autres règlements à venir », s’en explique le Credit Manager.

Mise en place d’échéanciers de paiement

Pour ceux de leurs clients les plus impactés par la crise, certaines entreprises n’ont pas hésité à mettre en place des échéanciers de paiement. C’est notamment le cas dans l’édition où des grands noms de la place ont proposé aux libraires, qui du jour au lendemain ont dû baisser leur rideau, un report d’échéances de leurs créances et ce, dès la fin du mois de mars et pour les trois prochaines échéances de fin de mois. D’autres entreprises ont accepté la mise en place des ces échéanciers sans appliquer les pénalités de retard. « Depuis le début du confinement, nous sommes plus conciliants sur ce sujet et acceptons davantage de mettre en place des échéanciers, indique le Credit Manager d’une des plus importantes sociétés d’intérim en France. Au travers de cette démarche, nous entendons certes préserver notre chiffre d’affaires mais également fidéliser nos clients ».

Recours à la médiation d’entreprises

Pour les cas les plus complexes, les Credit Managers peuvent également saisir le médiateur des entreprises. Depuis le début de la crise liée au COVID-19, le recours à la médiation des entreprises, instaurée en 2012 pour régler tous les différents et les difficultés qui peuvent survenir entre les entreprises, a ainsi explosé.

Selon le médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet, les recours à ce dispositif sont passés de 60 à près de 700 par semaine. Des requêtes qui émanent essentiellement des TPE et PME rencontrant des difficultés de paiement de la part de grands Eric Schererdonneurs d’ordre. Tout l’enjeu consiste alors, pour le médiateur, à créer le dialogue entre les parties. Le point d'entrée à ce service est le portail "médiateurdesentreprises.fr". Le dossier est ensuite orienté là où il pourra être traité sous une semaine au maximum, y compris en région, où une trentaine de médiateurs opèrent. À ce jour, Pierre Pelouzet n'a cependant pas observé de dépôts de bilan dans les cas pour lesquels il a été saisi. Mais il se dit vigilant pour la sortie du confinement. La situation pourrait alors se tendre, le redémarrage de l'activité nécessitant de la trésorerie immédiate pour, par exemple, acheter de nouvelles fournitures ou sortir du chômage partiel.

« Face au contexte actuel, chaque entreprise se doit donc d’adopter un comportement citoyen et faire preuve de solidarité dans cette chaîne financière, notamment auprès de ses fournisseurs les plus petits, conclut Éric Scherer Président de l’AFDCCL’État a mis en place des dispositifs d’aide et les entreprises qui connaissent des difficultés doivent les solliciter pour traverser cette période difficile sans compromettre davantage l’équilibre de leurs partenaires commerciaux. La médiation du crédit est là pour rappeler, à ceux qui l’auraient oublié, les règles du commerce. Les Credit Managers des entreprises sont, pour leur part, là pour montrer quelles sont les bonnes pratiques ».

Lu 2609 fois Dernière modification le mardi, 29 septembre 2020 14:53
Anne Del Pozo

Elle collabore depuis près de 20 ans à différents magazines en qualité de journaliste.

Elle y traite de sujets articulés essentiellement autour de la finance, des flottes automobiles, du voyage et du tourisme d'affaires ou encore des ressources humaines. Anne del Pozo participe également à la rédaction de nombreux témoignages clients et de newsletters d'entreprise.