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La reprise d’une entreprise en difficulté est-elle une réelle opportunité ?

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Les « success stories » de sociétés acquises pour l'euro symbolique font rêver ! Ce type de reprises présente clairement un intérêt, mais avec des précautions pour éviter les pièges qui pourraient mettre l’acquéreur en difficulté. Décryptage…

Au préalable, de quoi parlons-nous ? Il s’agit de la reprise, à la barre du tribunal de commerce, d’une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire. Le candidat pourra opter pour une reprise du capital de l’entreprise défaillante ou pour une reprise totale ou partielle des actifs dans le cadre d’une cession de fonds de commerce. « La reprise des titres s’effectue pour un euro, mais sous-entend, outre la reprise des actifs dont le compte client, également celle de l’ensemble des engagements contractuels et de toutes les dettes ainsi que la poursuite des contentieux divers ou à naître. Le passif de la société est remboursé sur une durée maximum de 10 années, dans le cadre d’un plan de continuation homologué par le tribunal », indique Jean-Pascal Beauchamp, associé Financial Advisory et responsable Offre Restructuring Financier chez Deloitte.

La reprise du fonds de commerce et des actifs qui le composent entraîne le paiement par le candidat d’un prix d’acquisition auprès de l’administrateur judiciaire désigné. Le prix correspond à la valeur de gré à gré des actifs corporels, incorporels, stocks et travaux en cours repris. Il s’agit d’une offre de reprise dans le cadre d’une cession que le tribunal devra homologuer. Le tribunal choisira l’offre la plus conforme aux objectifs de la Loi de Sauvegarde pour assurer le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et l’apurement du passif. Le tribunal veillera également à la solidité financière du candidat.

« Cette approche a plusieurs avantages : elle permet d’abord de reprendre le fonds de commerce vierge de toutes dettes antérieures au jugement de reprise. Ensuite, elle permet au candidat de définir lui-même, à l’aune de son projet, le périmètre des actifs (sites, activités, outils, contrats de travail) qu’il veut reprendre. Il existe des exceptions à ces règles et il convient d’y veiller sérieusement car leur application peut remettre en cause la viabilité du projet », souligne Jean-Pascal Beauchamp.  

Quels sont les pièges et comment les déjouer ? 

1. « Ils se sont trompés, moi je vais y arriver »

La première chausse-trappe dans la reprise d’une entreprise en difficulté est l'excès d’optimisme. Les repreneurs ont fréquemment l’impression qu’ils feront mieux que les dirigeants qui ont laissé leur entreprise sombrer dans les difficultés et imaginent, parce que leur propre carrière ou leur propre entreprise a rencontré le succès dans un contexte parfois adverse, qu’ils seront à même de réactiver les clés de leurs succès au sein de l’entreprise qui périclite.

« Malheureusement, chaque histoire industrielle ou économique est différente et les recettes ne sont pas facilement transposables d’une entreprise à l’autre. Une entreprise, ce n’est pas seulement quelques produits,  un lieu de production et des employés interchangeables, c’est aussi une culture particulière, une stratégie et un positionnement commercial, une image dans l’esprit des clients, des fournisseurs et des partenaires et un lien entre les individus qui la composent et l’animent. Lorsque ces éléments sont atteints ou brisés par une aventure économique qui tourne mal, les mesures qui permettent d’espérer redresser l’entreprise doivent être définies en fonction de l’histoire particulière de la cible à reprendre et non en plaquant des méthodes, mêmes éprouvées en d’autres circonstances », souligne Jérôme Patenotte, avocat associé du Cabinet Wragge Lawrence Graham & Co.

Il convient donc à la fois de changer l’approche des gestionnaires qui n’ont pas pu ou su faire face au déclin, mais il faut aussi se glisser dans leurs chaussures pour épouser en partie la culture de l’entreprise que l’on veut ramener vers l’équilibre. Peu de dirigeants sont capables de réussir pleinement cet exercice, par nature un peu schizophrène.

« En particulier, de l’ensemble des dossiers que nous avons pu accompagner depuis 15 ans, il ressort une loi étonnante : d’excellents dirigeants, pour gérer la croissance, ne font pas forcément de bons managers, pour gérer les difficultés. Des dirigeants qui ont eu le talent de ne partir de rien et de créer une entreprise profitable et une marque reconnue en quelques années peuvent se révéler de piètres guides lorsque leur marché se retourne, comme si les schémas mentaux étaient totalement étrangers entre ces deux situations. C’est la raison pour laquelle le changement de dirigeants dans une entreprise qui fait face à des difficultés est à la fois cruel et souvent une impérieuse nécessité », poursuit Jérôme Patenotte.

2. Le nerf de la guerre : le cash

Au préalable, il conviendra de faire une analyse précise des difficultés que rencontre l’entreprise. Pourquoi en est-elle arrivée là ?

« La reprise doit se faire avec un pilotage très serré de la trésorerie afin de faire la différence entre les activités/produits/filiales qui consomment du cash parce qu’elles sont confrontées à des difficultés passagères ou conjoncturelles, et celles qui ne sont plus rentables parce que leur modèle économique est remis en cause et qu’elles sont devenues structurellement déficitaires, soit parce que la demande n’est plus assez forte, soit parce que la production est trop chère pour les marges que l’on peut en espérer », analyse Jérôme Patenotte.

Lors de la reprise, le cessionnaire devra également faire preuve de stratégie et de tactique. « Une valorisation prudente et sans concession de la cible ainsi qu’un business plan prudent et des prévisions de trésorerie sont des figures imposées. La notion de surface financière est importante car l’offre ne pourra reposer sur la promesse d’un financement futur à obtenir. Il faut être capable financièrement  de faire face à différents aléas au lendemain de la reprise », relève Jean-Pascal Beauchamp.

L’analyse de la situation de la cible se fait plus vite et avec moins d’informations que dans un process classique de reprise. « Il convient d’avoir recours à un conseil spécialisé pour éviter de tomber dans les différents pièges qui jalonnent ce parcours. L’approche tactique permettra d’identifier les pièges, de les quantifier et de définir l’approche adaptée pour obtenir un jugement favorable », poursuit Jean-Pascal Beauchamp.

Il est recommandé donc d’effectuer un audit complet (financier, juridique, fiscal, commercial, social) afin de choisir l’approche de la reprise. « Sur le plan financier, l’analyse du passif de la cible et de ses engagements hors bilan permettra de définir leur montant total et ce qui sera potentiellement transmissible au cessionnaire, la détermination du périmètre des actifs à reprendre, les actifs non grevés de sûretés seront valorisés par le candidat sur la base de l’inventaire communiqué par l’administrateur judiciaire. Le candidat identifiera précisément avec l’administrateur judiciaire les sûretés existantes (nantissements, clauses de réserve de propriété, gages, hypothèques, droits de rétention...) afin de les traiter au mieux. L’importance des passifs transmissibles (basés sur les actifs repris grevés de sûretés répondant à certaines conditions) nécessitera, si leur valeur dépasse la valorisation du candidat, des négociations avec les créanciers pour ramener la valeur des sûretés à un niveau conforme à la valeur du projet et du budget d’acquisition », souligne Jean-Pascal Beauchamp.

3.  Les relations bancaires

Lors de la reprise d’une entreprise en difficulté, il convient également de faire un audit très précis des relations que l’entreprise entretient avec ses banques, si celles-ci sont toujours présentes aux côtés de l’entreprise. « Une part importante des informations dans ce domaine sont orales et non écrites : il faut donc chercher à rencontrer les diverses banques partenaires de la société et leur poser des questions directes. En règle générale, rien n’indique clairement le moment où la banque va couper l’accès au crédit, et les reprises sont souvent l’occasion de mauvaises surprises », relève Jérôme Patenotte.

Force est de constater que, souvent, l’arrivée d’un repreneur, avec de nouveaux financements et de nouveaux banquiers à ses côtés, est un moment assez propice au désengagement des banquiers historiques de l’entreprise en difficulté. « Il est fréquent de voir un plan de reprise s’accompagner d’une remise en cause par le banquier de la cible des financements qu’il avait accordés jusque-là (blocage des lignes de Capex*, puis de BFR, puis des découverts autorisés, etc.). Ceci milite pour un contact en amont de la reprise avec les banquiers (même de manière informelle) pour jauger de leur aptitude à jouer le jeu de la reprise envisagée, même si ce type d’audit n’est pas toujours possible », poursuit Jérôme Patenotte

En définitive, la reprise d’une entreprise en difficulté n’est pas une situation d’aubaine que l’on peut décider d’attraper à la volée. « Il s’agit là d’une opération qui se planifie minutieusement, si possible avec des conseils expérimentés et sur la base de travaux de due diligence et de prise de connaissance de la cible, sérieux et fouillés. Il est illusoire de penser qu’une reprise à la barre du tribunal peut ne nécessiter aucune remise en cash. Le taux d’échec de ces dossiers est supérieur à celui des reprises in-bonis, et quand on sait qu’avec trois ans de recul, 2/3 des dossiers d’acquisition in-bonis n’ont pas délivré les objectifs et les synergies attendus, on mesure véritablement leur caractère périlleux. Les réussites dans ce domaine n’en sont que de plus belles histoires », conclut Jérôme Patenotte.

*Capex : Lignes de crédit destinées à financer les investissements

 

 

Lu 17751 fois Dernière modification le mercredi, 29 juin 2022 13:32
Linda Ducret

Linda Ducret a une double formation : littéraire (hypokhâgne, licence de philosophie) et juridique (maîtrise de droit des affaires, DESS de Contrats Internationaux). En 1987, elle devient avocate et crée son cabinet en 1990. Elle exerce pendant 15 ans dans différents domaines du droit (droit des affaires, droit pénal, droit de la famille…).

Depuis 2005, elle est journaliste avec comme terrains de prédilections : les dossiers stratégie du dirigeant, propriété intellectuelle, nouvelles technologies, Incentive...Mais également les visions et les portraits d’entrepreneurs.

Écrire est l’une de ses passions. En 2009, elle publie un roman policier Taxi sous influence, finaliste du Prix du Premier roman en ligne.

Elle a publié un recueil de nouvelles : Le Ruban Noir ainsi qu’un polar : L’inconnue du Quai Henri IV.

 

 

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