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Transmission - cession d’entreprise : le projet de loi Hamon est-il contre-productif ?

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Le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire (ESS), alias loi Hamon, adopté au Sénat le 7 novembre 2013, sera examiné en première lecture à l’Assemblée Nationale le 28 avril 2014. Le titre II du texte, en imposant aux chefs d’entreprise de notifier à leurs salariés tout projet de cession deux mois avant la cession, apparaît comme problématique. Une contrainte qui pourrait même freiner les opérations de cession ou de transmission. Explications.


Dans un contexte où le législateur semble animé du désir louable de simplifier le quotidien des entreprises, le titre II du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire (ESS) paraît très étonnant, car créant des contraintes nouvelles, essentiellement pour les entreprises de moins de 50 salariés.

L’intention est certainement louable puisqu’elle part de l’affirmation souvent répétée (mais jamais établie) que 50 000 emplois disparaîtraient chaque année dans les entreprises saines, faute de repreneur. Or, le projet ajoute de la complexité au processus de cession de l’entreprise.

 

Un mécanisme lourd et peu confidentiel

Dans les deux schémas possibles de cession (cession de fonds de commerce ou de parts d’une société), le mécanisme général de ce dispositif est le même : dans les entreprises de moins de 50 salariés, le propriétaire de l’entreprise devra notifier aux salariés tout projet de cession « au plus tard deux mois avant la cession afin de permettre à un ou plusieurs salariés de l’entreprise de présenter une offre ».

Se dessinent deux conséquences pratiques :
. Tout d’abord, le chef d’entreprise cédant aura généralement le souci de ne notifier son intention de céder que lorsque qu’il aura trouvé un acquéreur intéressé. Il faudra donc que cet acquéreur accepte un délai de deux mois entre la date où il s’engagera à acheter l’entreprise et celle où le vendeur s’engagera à son tour à lui céder.


La loi précise que tous les salariés devront être destinataires de cette information sur un projet de cession et qu’il appartiendra au chef d’entreprise d’en prouver la réception par chacun d’entre eux.
Un décret d’application précisera les modalités exactes de cette notification et de la preuve de la réception par chacun des collaborateurs. Attendons les décrets, mais la situation ne sera pas toujours simple : quid des salariés en congés ou en arrêt maladie par exemple ?

. En second lieu, le législateur a bien perçu que cette procédure nuirait à la confidentialité qui est bien généralement un élément-clé de la réussite d’une cession. C’est pourquoi le texte prévoit que « les salariés sont tenus à une obligation de discrétion ». Cette injonction est irréaliste, parce qu’un secret partagé par des dizaines de personnes n’en est plus un.

En outre, le respect de cette obligation de confidentialité est incompatible avec le but de la notification qui est précisément de permettre aux salariés de formuler une offre de reprise. Comment élaborer une telle offre sans s’assurer du concours de banquiers, de la possibilité de compter sur un ou plusieurs associés ? Bref, sans faire partager ce projet avec diverses personnes ? Le respect de l’injonction de confidentialité posé par le texte priverait de sens la notification faite aux salariés.

D’autant que les salariés peuvent se faire assister par un représentant de leur chambre consulaire régionale et par toute personne désignée par les salariés. Là encore, le texte renvoie à un décret pour plus de précisions, mais comment ces différentes personnes pourraient assister les salariés tout en respectant l’obligation de confidentialité ?

Par ailleurs, quiconque a vécu une cession d’entreprise sait que cette période est une période très délicate, notamment pour les salariés. Ceux-ci sont généralement anxieux de connaître l’identité du repreneur, ses capacités financières, la pérennité qu’il assure à l’entreprise à terme. Chacun sait aussi que certains salariés peuvent avoir des stratégies personnelles contraires au projet collectif résultant d’une cession (intention de rejoindre une entreprise concurrente, souhait de toucher une indemnité de licenciement…).

Le mécanisme inventé par le texte va donc accentuer le phénomène de déstabilisation qui frappe naturellement la plupart des PME lors d’un changement d’actionnaire/dirigeant. Il va en pratique rendre ce délai de deux mois incompressible dès que certains salariés entendront s’opposer à un projet de reprise.


Des sujets de contentieux

Le mécanisme proposé par le législateur est d’autant plus inquiétant que sa sanction est extrêmement brutale et complexe à mettre en œuvre. En effet, la cession, intervenue en méconnaissance du mécanisme de notification préalable et de recueil des offres des salariés décrit ci-dessus, peut être annulée « à la demande de tout salarié ».

Le texte ajoute que la prescription de cette action en nullité est courte (deux mois à compter de la publication de la cession ou de sa notification aux salariés). En réalité, cette brièveté est trompeuse puisque les tribunaux, une fois saisis, mettront des mois, voire des années, à trancher ces litiges.

Que se passera-t-il dans l’intervalle ? Par hypothèse, la cession aura eu lieu, le prix de cession aura été généralement payé. La nouvelle direction se sera mise en place. Tous les praticiens connaissent la difficulté qui existe à procéder à l’annulation d’une cession d’entreprise.

Dans la plupart des cas, celle-ci est matériellement impossible et les tribunaux s’orientent donc vers l’allocation de dommages-intérêts. Quels seront ces dommages ? Qui les paiera ? A qui ?

En réalité, il y a lieu de considérer que ce nouveau dispositif va surtout ralentir les projets de cession et les rendre plus périlleux. Il est vraisemblable qu’il sera source d’un nouveau contentieux.

Paradoxalement, le texte devrait aboutir à complexifier la transmission des entreprises pour lesquelles un repreneur aura été identifié. Elle aura même probablement pour effet de décourager certains repreneurs.

Le nouveau dispositif aurait trouvé sa légitimité s’il avait limité l’obligation du propriétaire de l’entreprise de notifier aux salariés une cessation de celle-ci (et non une cession).

L’enfer est pavé de bonnes intentions.

Jacques GOYET
Avocat Associé Département Fusions Acquisitions - Droit des sociétés
Cabinet Bignon Lebray

 

Lu 16863 fois Dernière modification le jeudi, 01 octobre 2015 13:50
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