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L’intelligence économique, le triptyque : veille, protection et influence

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L’intelligence économique ne constitue pas un artifice sémantique ou une attitude cosmétique destinée à faire gesticuler de façon contre-productive
les chefs d’entreprises. L’intelligence économique se distingue en trois éléments clefs pour la vie de l’entreprise : la veille, la protection et l’influence.

 

L’intelligence économique face à la mondialisation

La mondialisation des échanges a modifié le paysage économique et accru la compétition industrielle et financière. L’augmentation du nombre de compétiteurs, la baisse étourdissante des coûts de production ont mené à la naissance de nouveaux acteurs et de marchés émergents. Le « terrain de jeux » des entreprises ne peut plus être désormais limité à leur territoire national, ni à leur continent, mais doit se placer sur la plateforme « Monde ».

Les données économiques, les règles économiques et juridiques, ne peuvent plus être maîtrisées de la même façon

L’État ne peut plus, à lui tout seul, être le garant du respect des règles nationales puisque les échanges commerciaux dénaturent, par l’essence même de leur pluri-territorialité, la nationalité des tractations. Les PME doivent s’adapter à ces nouveaux périmètres d’action, avec de nouvelles attitudes, d’autres modes de pensée accompagnés de nouveaux outils. C’est cela l’intelligence économique.

Les objectifs de l’intelligence économique : veiller, protéger et diffuser

Ancien Haut responsable en charge de l’intelligence économique, Alain Juillet a défini celle-ci  comme  étant la maîtrise de l’information stratégique utile aux acteurs économiques. L’intelligence économique a pour objectif d’assurer la protection de l’organisation de l’entreprise et l’ensemble de ses actifs matériels et imma­tériels, de permettre l’élaboration de stratégies d’influence, de contrôler la concurrence par la gestion des flux d’informations, d’anticiper les menaces et de déceler les opportunités.

Il s’agit de pérenniser son activité tout en augmentant ses capacités et ses résultats par l’anticipation et la maîtrise des marchés et de ses acteurs.

L’intelligence économique est un mode de gouvernance de l’entreprise qui se décline en spécialités opérationnelles mises en œuvre par des experts de veille, de protection, de lobbying et d’influence.

La veille

En matière d’intelligence économique, la veille consiste à acquérir l’information stratégique pertinente afin de la maîtriser et de l’utiliser.

Chacun comprend aisément que le fait, pour une entreprise, d’obtenir des informations essentielles sur ses concurrents soit utile. Mais la veille consiste aussi, pour l’entreprise, à identifier et à comprendre les règles fonda­mentales du marché sur lequel elle entend se développer. Il convient non seulement de recueillir ces informations stratégiques mais aussi de les intégrer afin d’adapter son comportement et son mode de fonctionnement. Le temps et les moyens investis à cette fin permettront également d’anticiper les éventuelles évolutions du marché, devenu hyperconcurrentiel, pour y demeurer compétitif.

La protection

Protéger ses informations pour une entreprise est fondamental, notamment à l’heure où le savoir-faire et l’innovation peuvent se révéler déter­minants en matière de compétitivité. Les impératifs de sécurité, qui se sont imposés concernant le matériel, la main-d’œuvre ou les systèmes informatiques au sein de chaque entreprise, doivent être étendus aux patrimoines informationnels.

Cela paraît encore logique à l’égard des concurrents déloyaux, qui s’implantent aujourd’hui dans tous les secteurs, mais doit également concerner les autres concurrents – fussent-ils loyaux – qui ne doivent pas non plus avoir accès aux informations dites sensibles ou stratégiques.

Une telle protection doit être réfléchie, initiée et diffusée au sein de chaque structure, en fonction de ses spécificités et des impératifs avec lesquels elle doit composer. Cela permettra tout d’abord à l’entreprise de rester compétitive vis-à-vis de ses concurrents, qui veillent désormais sur elle.

La protection des informations essentielles assurera ensuite la pérennité de l’entreprise elle-même, qui doit notamment garder maîtrise et liberté d’action en son sein. Les équipes dirigeantes seront ainsi prémunies contre les ingérences extérieures et les envies de conquête d’investisseurs masqués, qui se révèlent particulièrement nombreux en période de crise économique.

L’influence

L’influence est communément considérée comme le troisième volet de l’intelligence économique. Il est en effet nécessaire, après que des règles spécifiques en matière de veille et de protection des informations aient été instaurées dans une entreprise, que l’entreprise élabore encore une stratégie d’influence.

La stratégie ainsi mise au point doit en premier lieu être diffusée en interne. Tous les collaborateurs de l’entreprise doivent en effet connaître la politique de sécurité adoptée. Ils pourront ainsi la maîtriser et tous œuvrer, à leurs niveaux, à sa divulgation.

Il convient ensuite de veiller à propager toutes les informations qui vont favoriser la stratégie choisie par l’entreprise, en externe. Chaque entreprise doit savoir se montrer persuasive, a minima, et quelle que soit son implication en matière d’intel­ligence économique, pour réussir à convaincre sa cible et parvenir à négocier avec ses partenaires au mieux de ses intérêts. Pour influencer, il s’agit désormais de diffuser, de façon persuasive, des informations choisies par l’entreprise auprès de tous les autres acteurs du marché.

L’objectif est alors d’obtenir de ces derniers des attitudes ou décisions favorables aux intérêts que l’entreprise défend, en dehors de tout rapport de force ou contrepartie commerciale. Les techniques sont très diverses en matière d’influence, notamment parce qu’il s’agit tantôt de convaincre l’ensemble d’un secteur, tantôt de convaincre les acteurs d’un territoire ciblé.

Le développement des Technologies de l’Infor­mation et de la Communication a facilité la circulation des informations, qui est désormais presque instantanée et sans frontière. Les entreprises qui veulent rester compétitives se doivent dès lors de communiquer et de maîtriser pour ce faire, ces nouvelles technologies. La force de l’influence peut se révéler plus importante encore quand l’entreprise parvient à maîtriser les environnements informationnels, nationauxou internationaux, pour servir ses intérêts particuliers. Certains acteurs économiques pourront, à force d’anticipation, agir sur l’élaboration des règles applicables au marché sur lequel ils œuvrent et exerceront ainsi une influence normative.

Évoluer ou adapter la stratégie de l’entreprise

Force est de constater que l’intelligence économique relève principalement de la nécessité de faire évoluer ou d’adapter les stratégies mises en place au sein d’une entreprise au gré des évolutions du marché, des technologies ou encore des échanges internationaux qu’ils soient industriels ou financiers.

Ainsi et par exemple, les réseaux sociaux se révèlent actuellement être de véritables enjeux stratégiques pour les entreprises en matière de communication et d’influence, puisqu’ils permettent notamment de diffuser l’information choisie en temps réel et offrent une réactivité quasi-instantanée. Cependant les concurrents de celles-ci, à la faveur des mêmes réseaux ou médias sociaux, bénéficieront d’une nouvelle ouverture sur la connaissance de l’entreprise, ce qui peut présenter un risque en matière de surveillance,  d’atteinte à l’image ou encore à la répu­tation.

L’intelligence économique est à la portée de toutes les entreprises

Enfin, si l’intelligence économique apparaît comme une matière de haute technicité, qui requiert une démarche permanente et continue au sein de l’entreprise, elle n’est cependant pas le domaine réservé des grandes industries. Ainsi, la politique publique menée actu­el-lement en France en matière d’intelligence économique, promeut avant tout la sensibili­sation de tous les acteurs économiques afin que de simples mesures de précaution élémentaires soient adoptées au sein de chaque entreprise française et ce, quels que soient sa taille et ses secteurs d’activités de produits ou de services. L’intelligence économique est une boîte à outils mais c’est aussi un état d’esprit autonome que doit acquérir l’entreprise.

Cela permettra à l’entreprise de tirer profit des grandes mutations que nous vivons tous en temps réel aujourd’hui.

Par Corinne CHAMPAGNER KATZ, Avocate au Barreau de Paris, Spécialiste en propriété intellectuelle

Lu 97472 fois Dernière modification le mardi, 04 octobre 2022 08:07
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