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Admission de la mise en œuvre d'une clause de mobilité pour reclasser un salarié déclaré apte avec réserves

Admission de la mise en œuvre d'une clause de mobilité pour reclasser un salarié déclaré apte avec réserves

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Aux termes d’un arrêt rendu le 26 avril 2017, la Cour de cassation a admis que, pour reclasser un salarié déclaré apte avec réserves, l’employeur puisse mettre en œuvre la clause de mobilité du contrat de travail de ce dernier compatible avec l’avis du médecin du travail, sans que cela ne constitue une discrimination fondée sur son état de santé.

L’affaire concernait un salarié chargé de clientèle affecté au centre de Côtes d’Armor où il assurait la gestion des aires d’accueil des gens du voyage. A l’issue d’un arrêt de travail, le salarié avait été déclaré apte au poste de chargé de clientèle, selon deux avis précisant, une réserve pour le moins curieuse, que cette aptitude s’entendait « sans contact avec les gens du voyage », et « sans relation avec les populations des aires du voyage ».
En application de ces avis, l’employeur avait proposé au salarié un poste correspondant à son emploi dans le Finistère à 200 km, conformément à sa clause de mobilité, proposition qui avait reçu un avis favorable du médecin du travail. Le salarié ayant refusé cette proposition, avait été licencié.

La Cour d’appel de Rennes a jugé que le licenciement était nul et a ordonné la réintégration du salarié au motif que ledit licenciement, sanctionnant le refus du salarié d’accepter le poste proposé, était au moins indirectement lié à l’état de santé de ce dernier. Les juges du fond ont ainsi considéré qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte de l’existence de la clause de mobilité et de l’avis favorable du médecin du travail au poste proposé.

Ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui rappelle au préalable, au visa des articles L.1132-1 et L.1134- 1 du Code du travail, que « lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ».

La Cour régulatrice précise ensuite, contrairement à la Cour d’appel, qu’eu égard aux termes de l’avis d’aptitude avec réserve, « la proposition de mutation du salarié par la mise en œuvre de la clause de mobilité figurant au contrat de travail sur un poste de chargé de clientèle compatible avec l'avis d'aptitude ne constituait pas un élément laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de l'état de santé et que le licenciement prononcé, fondé sur le refus par le salarié de cette mutation, n'était pas discriminatoire ».

La Haute juridiction considère donc qu’il est possible, dans le cadre de l’obligation de reclassement de l’employeur, de proposer une mutation au salarié en application de sa clause de mobilité dès lors que celle-ci est compatible avec les préconisations du médecin du travail. La solution n’aurait pas été la même si la mise en œuvre de la clause de mobilité avait été décidée par l’employeur sans prendre en compte l’avis du médecin du travail.

En revanche, la Cour de cassation ne se prononce pas – et ce n’était pas là son rôle – sur la réserve relative aux « gens du voyage » assez troublante, à tout le moins en dehors du contexte précis des faits de l’espèce qu’il aurait été intéressant de connaître. S’agit-il d’une formulation maladroite relative à des difficultés spécifiques rencontrées par le salarié ou d’une formulation visant la communauté en général ? Une telle réserve suscite, quoi qu’il en soit, des interrogations sans réponse.

Par Annaël BASHAN, avocat du département droit social du cabinet Simon Associés

Lu 4055 fois Dernière modification le mardi, 11 juillet 2017 15:54
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