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Stratégies patrimoniales, les bons réflexes à ne pas oublier

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Les récents projets de réforme des plus-values, mobilières ou immobilières, ont incité nombre de particuliers et de dirigeants d’entreprises à restructurer leur patrimoine. De nombreuses opérations voient ainsi actuellement le jour et c’est l’occasion de rappeler certains fondamentaux qui, dans l’urgence, ont parfois tendance à être oubliés. Pour mémoire, rappelons rapidement les enjeux de ces réformes.

La deuxième loi de Finances rectificative pour 2011 prévoit que les plus-values immobilières seront désormais exonérées au bout de trente ans (contre 15 actuellement). Cet aménagement s’applique aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1er février 2012, mais également d’ores et déjà en cas d'apport de biens immobiliers ou de droits sociaux relatifs à ces biens immobiliers à une société dont les associés sont des personnes liées à l’apporteur (conjoint, ascendants et descendants ou ayant droit à titre universel).
Par ailleurs il est également fortement question, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, de mettre fin au mécanisme d’abattement prévu à l’article 150-0 D bis du CGI qui permet d’exonérer au bout de huit années de détention les gains de cession de valeurs mobilières, ceci dans un contexte où le prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes et intérêts passerait à 24 %, hors prélèvements sociaux, et que l’abattement de 40 % sur les dividendes passerait à 20 % (étant précisé qu’il est également question de supprimer l’option pour le prélèvement forfaitaire libératoire pour les dividendes, à compter du 1er janvier 2012).

Il est donc tentant d’une part d’anticiper des gains latents et, d’autre part, de privilégier une imposition selon le régime des plus-values, plutôt que selon le régime des revenus distribués.
Ces solutions sont connues : cessions ou donations d’usufruit temporaire d’immeubles, apports de titres (avec ou sans soulte) au profit d’une société holding soumise à l’impôt sur les sociétés (ce qui permet de réévaluer les titres apportés sans fait générateur d’impôt sur les plus-values), cession de titres à une structure détenue par les mêmes associés, etc… Ces stratégies patrimoniales sont multiples (et plus ou moins fragiles), mais impliquent toutes de prêter attention à un certain nombre de règles de bon sens :

• évaluer correctement les biens cédés, donnés ou apportés ;
• mettre en place une structuration juridique cohérente ;
• justifier de l’opportunité et de la viabilité économique des schémas projetés.

Évaluer correctement les biens cédés, donnés ou apportés
Dans un contexte où ce type d’opérations est traditionnellement regardé avec circonspection par l’administration fiscale, notamment parce qu’elles concernent des personnes qui sont liées entre elles, il est avant tout impératif de procéder à une valorisation précise des biens faisant l’objet de ces opérations, qu’il s’agisse de biens immobiliers ou de parts sociales. Des méthodes de valorisation existent et l’administration fiscale n’hésite pas à y faire appel dans le cadre des contrôles fiscaux qu’elle diligente. Ces méthodes sont détaillées dans un « guide de l’évaluation des entreprises et des titres de sociétés » que chaque contribuable peut se procurer sur le site de l’administration fiscale (www.impots.gouv.fr). L’administration fiscale a beau jeu de remettre en question les valeurs retenues par les contribuables, d’une part parce que cet angle d’attaque lui évite de devoir remettre en question lesdits schémas sous l’angle de l’abus de droit (procédure soumise à des contraintes strictes) et d’autre part, parce que les insuffisances ou excès de valorisations sont souvent le signe que l’opération ne présente aucun intérêt autre que fiscal. En d’autres termes, la question qu’il convient de se poser doit rester la suivante : auriez-vous réalisé l’opération si vous l’aviez conclue avec un tiers ? Cette question se pose avec une acuité toute particulière dans des opérations de cession temporaire d’usufruit de biens immobiliers dès lors que le cédant est tradi­tionnellement exonéré d’imposition sur les plus-values immobilières en raison de la durée de détention du bien et que la société cessionnaire a intérêt à maximiser la base d’amortissement dudit usufruit, étant précisé que, du fait de ce mode de transmission, l’usufruitier n’est pas assujetti à l’ISF sur la valeur globale du bien mais uniquement sur la valeur de son usufruit (valeur généralement réduite par l’existence d’une dette au passif). Relevons néanmoins que le contribuable dispose, dans cet exercice souvent périlleux de valorisation, d’une marge de manœuvre que le Conseil d’État, dans un arrêt Pouzilhac (CE 3 juillet 2009, n° 301299), a estimé à 20%.

Mettre en place une structuration juridique cohérente
Dans le cadre de schémas d’optimisation patrimoniale, l’administration fiscale se trouve confrontée à des opérations qui, du moins sur le papier, apparaissent conformes à la législation en vigueur. Afin de remettre en question ces opérations, les services fiscaux n’ont d’autre choix, hormis on l’a vu une remise en question des valeurs retenues, que de faire application des dispositions de l’article L 64 du Livre des Procédures Fiscales selon lesquelles, « afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas  opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à  l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ».

À cet égard, il est tout d’abord essentiel, pour ne pas donner prise au grief de fiction juridique, que toutes les opérations réalisées soient suivies d’effet (par exemple que l’usufruitier perçoive effectivement les fruits de l’immeuble et agisse comme tel) et que les sociétés qui sont constituées pour l’occasion aient une activité réelle (ce qui suppose non seulement que les actes juridiques de la vie courante de la société soient réalisés, mais également qu’elle ait les moyens d’exercer son activité et soit financièrement autonome).
Il est également impératif que le contribuable justifie au moins d’un motif juridique pertinent à l’opération. Cet objectif est souvent patrimonial, qu’il s’agisse d’anticiper une transmission successorale tout en évitant une gestion indivise et en conservant la gestion de biens ayant vocation à être transmis ou, tout simplement, d’assurer dans le cadre de la société ad hoc une organi­sation des pouvoirs plus à même de préserver les intérêts du chef d’entreprise et la stabilité du groupe familial (notamment en terme de contrôle). Il est évident que si les opérations réalisées n’impliquent en définitive que les mêmes personnes et qu’en conséquence, elles n’entraînent aucun changement de la situation juridique ou économique du cédant ou du donateur par rapport aux biens faisant l’objet des transmissions, la qualification d’abus de droit s’imposera sans ambiguïté.

De nombreuses jurisprudences se sont prononcées sur ces sujets et ont validé des opérations d’apport et/ou de donations dès lors que celles-ci présentaient un intérêt familial et patrimonial démontré. Encore faut-il être en mesure de justifier de cet intérêt et structurer en amont les opérations de telle sorte que cette motivation apparaisse explicitement (organisation de la gérance, insertion des motivations dans les statuts ou dans les actes d’acquisition, etc).

Justifier de l’opportunité et de la viabilité économique des schémas projetés
Il n’en reste pas moins qu’à ces objectifs patrimoniaux évidents, l’administration fiscale, mais également la jurisprudence, souhaitent de plus en plus ajouter un critère économique, à savoir
l’intérêt économique pour une société de procéder à une opération d’acquisition ou d’apport. Ainsi, dans le cadre de l’ensemble des jurisprudences ayant jugé des opérations d’apports placées en report d’imposition, le critère du réinvestissement des sommes reçues par la société bénéficiaire de l’apport à l’issue de la cession des actifs apportés, a été considéré comme essentiel : le réinvestis­sement de l’apport dans une ou plusieurs activités économiques est une des conditions du droit au report et ce réinvestissement ne doit pas être purement patrimonial. Il ne s’agit pas ici uniquement de déterminer si oui ou non cette société réalisera un profit taxable, mais de déterminer si sa participation à une opération d’apport ou d’acquisition s’inscrit dans un cycle économique autonome, distinct de la logique patrimoniale de ses associés. Il y a fort à parier que ce critère devienne un critère essentiel dans le cadre de l’ensemble des opérations dans lesquelles participent des structures créées pour l’occasion dès lors que, quoi qu’on en dise (et la doctrine reste très partagée en ce sens), ce critère est le seul à même de justifier de la réalité de la substance d’une société et de son intérêt qu’elle a à participer à une opération d’acquisition ou d’apport. Les contribuables devront donc garder à l’esprit, au moment où ils créent une structure ad hoc, que cette société doit exercer une véritable activité et qu’elle ne peut se contenter de jouer un simple rôle de structure interposée.

En conclusion, si un dirigeant d’entreprise qui procède à des arbitrages, dans le cadre de la gestion de son patrimoine, a toujours la possibilité de choisir la solution qui lui apparaît fiscalement la plus favorable, notamment dans un contexte fiscal qui devient de plus en plus défavorable, il ne doit pas non plus oublier à cette occasion les principes qui sont généralement les siens dans le cadre de son activité professionnelle, à savoir pragmatisme et bon sens.

Par Eric Hébras, Avocat Associé, Département droit fiscal - Genesis Avocats

Biblio 

L’évaluation des entreprises et des titres de sociétés
Conçu comme un outil au service tant des usagers que de l’administration, le guide a vocation à apporter aux services de la direction générale des impôts le soutien nécessaire dans leur démarche d’évaluation, à réduire le contentieux en matière d’évaluation d’entreprises et de titres non cotés, et à permettre, conformément au principe de transparence, à tout usager qui le souhaite d’accéder aux principes et méthodes qui orientent l’administration fiscale dans ses travaux de liquidation de l’impôt.
Lu 5529 fois Dernière modification le lundi, 01 juin 2015 09:57
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