Comment être économiquement viable avec un impact positif sur les collaborateurs ?

Des tendances fortes dessinent un nouveau paysage des relations employeurs-employés : engagement écologique de l’entreprise, demande de télétravail et d’autonomie, équilibre vie privée et vie professionnelle. Des demandes qui vont au-delà de l’augmentation des salaires et de l’impact de la crise de la Covid-19. Les salariés sont en quête de sens au travail.

Comme dans tous les pays occidentaux, en France, les recruteurs et dirigeants d’entreprises constatent une mutation du marché du travail. Grande démission d’après Covid aux États-Unis, demande de prise en compte des enjeux sociaux et écologiques en Europe, ces signes de changement concernent tous les secteurs d’activité.

Pierre GromadaPierre Gromada, consultant recrutement dans les technologies pour le cabinet Hays, dresse un état des lieux explicite : « Nous n’avons jamais eu autant besoin d’organiser des réunions sur des contre-offres (à savoir les contre-propositions des employeurs). Elles représentent la moitié des processus de recrutement et sont nécessaires pour retenir les talents. Les recruteurs se disent : « On a raté des étapes. Pourquoi est-ce que je ne découvre des questions et des insatisfactions qu’au moment de la démission d’un collaborateur ? ».

Ce phénomène était déjà présent avant la crise sanitaire qui n’a été qu’un accélérateur de tendances. Le « ghosting », à savoir la disparition des candidats après le premier entretien, est un autre constat marquant lors des entretiens réalisés.

Clairement, les recruteurs et les employeurs doivent maintenant développer des actions de séduction pour attirer et retenir les candidats, en expliquant clairement la vision de l’entreprise, les valeurs qu’elle défend. Selon Pierre Gromada, les recruteurs qui ont des représentations dépassées des attentes des candidats ou des salariés en poste, représentent moins de 1 client sur 10 du cabinet.

Organiser son temps de travail sur quatre jours par semaine

La semaine de quatre jours a été formalisée depuis des décennies par Yoland Bresson, et popularisée par Pierre Larrouturou. Après une éclipse, ce mode d’organisation revient à nouveau dans le champ médiatique et économique. Laurent de la Clergerie, président fondateur de l’enseigne de produits high tech LDLC, cité par notre confrère Alternatives Économiques, tire un bilan positif de ces deux années d’expérimentation de la semaine de quatre jours. Pour lui, ce troisième jour de repos dans la semaine apporte plus de bien-être à ses 1 000 collaborateurs, même s’ils doivent travailler plus qu’auparavant pendant la semaine.
Hymane Ben Aoun

Autre exemple, le groupe Mutuelles du Soleil qui est passé à la semaine de quatre jours au 1er janvier 2023, sur la base de 32 heures par semaine pour les commerciaux, sans télétravail, et 35 heures pour les personnels administratifs, dont la moitié en télétravail.

Reste à préciser que la mise en place de la semaine de quatre jours concerne en majorité des entreprises qui sont en bonne santé financière. Surtout, ce modèle d’organisation repose sur la vision gestionnaire de fondateurs qui laissent la possibilité aux équipes de s’organiser, voire de recruter si elles le souhaitent. Ce qui ne représente pas, et de loin, la logique managériale en cours aujourd’hui dans les entreprises.

La rémunération, un critère parmi les autres

Le télétravail, quand il est possible, fait maintenant consensus pour les employeurs et les salariés. Travailler deux jours à distance par semaine est une requête courante des candidats. L’équilibre vie privée et vie professionnelle ne passe pas que par le télétravail. Il s’agit aussi de demandes d’organisation de la journée en fonction de la garde des enfants et autres contraintes personnelles.

Hymane Ben Aoun, présidente de Syntec recrutement et du cabinet conseil RH Aravati, explique que les rémunérations proposées doivent répondre à une exigence de transparence. « Les candidats demandent qu’on leur présente une grille de salaire et la fourchette de rémunération. Le rapport s’est inversé, finie la demande de prétentions salariales par les employeurs. D’autre part, l’opacité des salaires proposés justifiait l’écart de salaire entre hommes et femmes. La transparence permet aussi de pallier le fait que les femmes sont moins pugnaces que les hommes lors d’une négociation de salaire ».Laurent de la Clergerie

Cette tendance va être formalisée par une directive européenne qui va inciter fortement les entreprises à communiquer sur la grille de rémunération des postes en interne et en externe.

Si les métiers du numérique, et la technologie globalement, attirent fortement les candidats qui veulent travailler et s’épanouir sur des projets spécifiques, ce n’est pas le cas pour d’autres métiers de l’entreprise ou d’autres secteurs d’activité comme le BTP, l’industrie et autres domaines, comme le signale Pierre Gromada.

Un développeur débutant – 1 à 5 ans d’expérience – est payé 40 000 euros/an hors secteur IT. D’après l’étude du cabinet Hays, les salaires vont jusqu’à 55 000 euros/an pour les moins bien lotis et 80 000 euros/an pour les mieux payés.

La demande de prise en compte par les entreprises du social et de l’écologie, par les étudiants diplômés des établissements d’élite, AgroParis- Tech, CentraleSupélec, Polytechnique, ENS Ulm, ou encore HEC Paris, montre un mouvement de fond que les entreprises devront intégrer à court terme.

Le secteur du numérique en pleine expansion mais il manque de profils qualifiés

Une enquête de Solarwinds, acteur du domaine IT, montre un dynamisme qui ne faiblit pas.

Ainsi, les objectifs en volume de recrutement pour les entreprises en 2022 étaient plus ambitieux qu’en 2021. Une augmentation de 24 % pour les grandes entreprises par rapport à 2021, de 34 % pour les ETI, de 45 % pour les PME et de 106 % pour les TPE.

Les perspectives de recrutement à 3 ans (2022-2024) soulignent cette tendance avec des offres en accroissement de 64 % pour les grandes entreprises, de 111 % pour les ETI, de 135 % pour les PME. Les TPE et Start-ups sont les plus demandeuses de profils qualifiés dans l’IT.

Mais les candidats qualifiés manquent à l’appel, au point de freiner le développement des entreprises du secteur.

Les rapports des syndicats professionnels Cigref et Numeum pointent du doigt le manque de développeurs et experts seniors, notamment dans les domaines de l’intelligence artificielle, de la Smart Data, de la cybersécurité et autres métiers de l’IT.

Serge Escalé

Journaliste indépendant spécialisé IT depuis 1995Le Monde informatique, Le Figaro, Les Echos, Itespresso, Le MagIT, Silicon.fr, GPO Magazine

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