Signature électronique d’un contrat : le formalisme n’exclut pas le pragmatisme

Le formalisme n’exclut pas le pragmatisme : l’absence de signature électronique d’un contrat peut être, dans certains cas, couverte par l’exécution volontaire dudit contrat.

Un agent sportif, a assigné un club de football (ci-après désigné « Club ») en paiement notamment d’une certaine somme représentant le montant d’une commission qu’il estimait lui être due en vertu d’un mandat reçu du Club par échange de courriels, aux fins de négocier le transfert d’un joueur avec une autre club de football.

Le Club ne conteste ni avoir mandaté l’agent, ni les termes du contrat, ni l’identité du joueur objet du mandat ni le prix convenu en cas de réussite du transfert. Le Club ne conteste pas non plus avoir recruté le joueur en question suite aux bons soins de l’agent. Cependant, pour s’opposer à la demande de paiement de la commission de l‘agent, le Club prétend que les courriels échangés entre les parties n’étaient pas dotés d’une signature électronique, et
donc, que le mandat ne répondait pas aux conditions d’exigence de validité posées par la loi. 

En conséquence, faute d’écrit valide, le mandat de l’agent était nul. La cour d’appel avait suivi le raisonnement du Club, la cour de cassation (ci-après désignée « Cour »), non ! (Arrêt n°529 du 07 octobre 2020 (19-18.135) – Cour de cassation – Première chambre civile).

La Cour rappelle que selon l’article L. 222-17 du code du sport, le contrat en exécution duquel l’agent sportif exerce l’activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d’un des contrats mentionnés à l’article L. 222-7 du code du sport doit être écrit.

De plus selon l’ancien article 1108-1 du code civil (applicable à la situation de texte de 2013), lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un acte juridique, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1316-1 et 1316-4 susvisés.

Selon l’ancien article 1316-1 du code civil (devenu 1366 du même code), l’écrit sous forme électronique vaut preuve à la condition que son auteur puisse être dûment identifié et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.

Selon l’ancien article 1316-4 du code civil (devenu 1367 du même code), la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui l’appose et manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte et lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache.

Il en résulte que, si le contrat en vertu duquel l’agent sportif exerce son activité peut être établi sous la forme électronique, il doit alors être revêtu d’une signature électronique. Cependant, si cette signature électronique constitue l’une des conditions de validité du contrat, son absence, alors que ne sont contestées ni l’identité de l’auteur du courriel ni l’intégrité de son contenu, peut être couverte par une exécution volontaire du contrat en connaissance de la cause de nullité, valant confirmation, au sens de l’ancien article 1338 du code civil (devenu 1182 du même code).

Tel est le cas, selon la Cour, dans cette affaire puisqu’elle relève que la cour d‘appel avait préalablement constaté que le Club était représenté lors de la conclusion du contrat avec l’agent par son directeur général et membre du directoire, qu’il avait le pouvoir d’engager celui-ci et de prévoir l’objet du mandat donné à l’agent, sa durée et sa rémunération, que, le 27 juin 2013, le Club avait ainsi donné mandat à l’agent, jusqu’au 29 juin 2013 à minuit, de mener les négociations avec le club allemand de Dortmund pour procéder à la mutation définitive d’un joueur, avec une commission de 5 % de l’indemnité de mutation, majorée de 15 % de la survaleur supérieure à 15 000 000 euros, que ce mandat avait été transmis à la Fédération française de football et que, par échange de courriels du même jour, le mandat de l’agent avait été prorogé au dimanche 30 juin 2013 à 18 heures.

Ces constatations démontrent que les parties avaient mis à exécution le contrat, en dépit de l’absence d’une signature électronique, ce qui valait confirmation. En conséquence, la Cour a jugé que le contrat de mandat conclu le 27 juin 2013 entre l’agent et le Club n’encourait pas la nullité.

La confirmation d’une obligation est une technique connue par le Code civil. Régie en l’espèce par l’ancien article 1338, elle est envisagée de manière plus complète par l’article 1182 nouveau.

Dans les deux textes, la confirmation peut être effectuée de manière expresse ou, comme dans notre cas, de manière tacite. Cette confirmation n’est possible que dans certaines conditions.

1/ La confirmation n’est possible qu’en cas de non-respect d’une obligation de forme

On rappellera que l’écrit peut être requis ” ad validitatem / ad solemnitatem ” ou ” ad probationem “.

Pour l’écrit ” ad validitatem “, la solennité de certains actes exige que la volonté s’exprime par écrit et, par conséquent, qu’ils soient établis sous une forme préconstituée. Leur rédaction est alors une condition de l’existence même du droit. Le problème de la preuve est ” absorbé ” par celui de la validité, en ce sens qu’en l’absence d’un écrit dressé dans les formes légales, l’acte ne peut pas être prouvé parce que, juridiquement, il n’existe pas. L’écrit ” ad probationem ” n’est requis que pour faire preuve.

En l’espèce, seule l’obligation d’apposer électroniquement la signature sur l’écrit n’avait pas été respectée. Cette défaillance ne posait donc qu’un problème de preuve de l’existence du contrat. Ce vice de forme était donc susceptible de confirmation.

À l’inverse, si d’autres obligations notamment celles de l’article L122 – 17 du code du sport n’avaient pas été respectés comme par exemple l’absence d’écrit ou le non-respect du plafond de pourcentage de la rémunération de l’agent sportif, une confirmation n’aurait pas été possible, ces dernières obligations étant « ad validitatem » (l’article précité disposant que « Toute convention contraire au présent article est réputée nulle et non écrite »).

2/ La confirmation tacite n’est possible que s’il existe un contrat

La Cour relève qu’il n’était contesté ni l’identité de l’auteur du courriel valant mandat, ni l’intégrité de son contenu. De plus, la Cour relève que l’écrit (non signé électroniquement) contenait l’accord des parties sur les conditions essentielles du contrat, à savoir son objet (le transfert d’un joueur déterminé), sa durée (jusqu’au 29 juin 2013) et la rémunération (5 % de l’indemnité de mutation majorée de 15 % en cas de survaleur) en cas de mutation définitive du joueur.

3/ La confirmation tacite n’est possible que si le cocontractant procède à une exécution volontaire du contrat en connaissance de la cause de nullité

Là encore, la Cour a relevé des actes positifs d’exécution comme la transmission du mandat à la fédération française de football, et l’échange de courriels entre le Club l’agent sportif. De surcroît, l’action en paiement suppose que le joueur objet du mandat ait été recruté par le Club suite aux soins de l‘agent sportif.

Cet arrêt rappelle que la nouveauté des outils prévus par le code civil n’exclut pas l’utilisation d’autres outils plus anciens. On ne peut que saluer le pragmatisme de la Cour de cassation dans un contexte sanitaire où le numérique va prendre une place de plus en plus importante.

Associé du cabinet FTPA, Fabrice LORVO a une pratique régulière en droit des médias et de la communication notamment par le sport. Auteur du livre « Numérique : de la révolution au naufrage  ? », paru en 2016 chez Fauves Éditions.

La rédaction

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