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Sarah Poniatowski, une dirigeante à l’esprit libre incarnant l’art de vivre à la française

À l’âge de 19 ans, son Bac en poche, Sarah Poniatowski s’envole pour New York afin de suivre des cours de théâtre. Rentrée en France, elle poursuit des études de psychologie et de communication avant de travailler avec sa mère décoratrice en 1998, puis de découvrir le métier d’architecte d’intérieur aux côtés de son ami François Schmidt pendant 2 ans. Sarah Poniatowski n’a qu’une envie, c’est voler de ses propres ailes. En 2002, elle fonde alors son propre studio d’architecture, Maison Sarah Lavoine. La rencontre en 2012, avec Édouard Renevier, son directeur général, va être décisive et marque le début d’une aventure commune : la création de la marque Sarah Lavoine qui décline tout un univers Lifestyle tel que le mobilier, la décoration, les luminaires, l’art de la table… Mais également, le prêt-à-porter, la maroquinerie, la cosmétique.

Une diversification forte de sens pour Maison Sarah Lavoine qui a su faire de son ADN une véritable marque de fabrique reconnaissable entre toutes. Le « Bleu Sarah » ou des pièces iconiques comme le miroir mural « Noto », le pouf « Léo »… L’été 2023 marque un tournant stratégique : l’ouverture de son capital à B.A.I. (Blue Altitude Invest), structure d’investissement qui devient actionnaire minoritaire avec une participation de 45 %, Sarah Poniatowski et Édouard Renevier restant actionnaires majoritaires. Une association qui permet à Maison Sarah Lavoine d’accélérer son développement autour d’axes stratégiques tels que le déploiement à l’international et le BtoB.

GPO Magazine : Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans l’entrepreneuriat ?

SARAH PONIATOWSKI : J’ai eu comme modèle de vie de femme ma mère entrepreneure qui est chef d’entreprise et décoratrice. Et pour moi, cela ne m’a jamais paru inaccessible. C’était plutôt naturel : en effet, j’ai grandi avec une femme qui avait sa propre entreprise. J’ai appris le métier de décoratrice auprès d’elle et celui d’architecte d’intérieur auprès de François Schmidt également. Ma mère, ma grand-mère et mon arrière-grand-mère ont toujours travaillé : ce sont des femmes libres, indépendantes et autonomes. C’est donc une force et un privilège d’avoir pu grandir avec de tels modèles de femmes. Lorsque l’on est une femme active, on gère plusieurs choses à la fois, mille obstacles. Parfois, cela peut vous empêcher de dormir la nuit.

Avant de me lancer dans l’entrepreneuriat, j’ai beaucoup observé, et ensuite j’ai suivi mon instinct. J’ai alors lancé ma propre boîte Maison Sarah Lavoine, avec très peu d’investissement. Et je l’ai gérée pendant une dizaine d’années. En 2012, j’ai fait une belle rencontre, celle d’Édouard Renevier qui va devenir mon binôme (il est Directeur Général). J’avais déjà un showroom, rue Saint Roch, avec une sélection de canapés, d’objets chinés, d’autres marques que j’aimais beaucoup… À un moment donné, on a décidé de créer nos propres collections et de structurer l’entreprise dans ce sens-là. Cela a été un cap stratégique car nous sommes arrivés au fil des années à développer un univers Maison Sarah Lavoine, avec une marque déposée : « Sarah Lavoine ».

GPO Magazine : Pouvez-vous nous présenter Maison Sarah Lavoine ?

SARAH PONIATOWSKI : Il y a plusieurs piliers : le studio d’architecture d’intérieur qui est fondé sur l’envie de créer des espaces intemporels, vivants et chaleureux (hôtels, bureaux, maisons…), les collections de mobilier et de prêt-à-porter qui sont élégantes, intemporelles et simples avec une attention particulière portée aux détails. Nous travaillons principalement avec des partenaires et des fabricants français et européens, sauf si nous avons besoin d’un savoir-faire spécifique et nous allons alors un peu plus loin. Lorsque je travaille sur un projet, je vais d’abord rencontrer le client et nous allons ensemble créer un environnement dans lequel il est à l’aise et qui lui ressemble. Tout est fait pour le client, et c’est véritablement du sur-mesure. Nous nous adaptons à chaque client. Bien entendu, j’imprime mon ADN avec l’idée de créer un cocon où l’on se sent bien avec des pièces iconiques telles que des poufs, des miroirs, des céramiques et des luminaires…

GPO Magazine : La marque Sarah Lavoine est devenue une référence en mobilier et prêt-à-porter : comment avez-vous pris ce virage stratégique de diversification ?

SARAH PONIATOWSKI : Ce qui m’a guidée c’est une passion, une envie, une évidence de se diversifier pour proposer tout ce que l’on trouve dans une maison finalement (mobilier, art de la table, linge de maison, prêt-à-porter). Nos showrooms boutiques sont d’ailleurs conçues comme des appartements, avec un flagship, Maison Sarah Lavoine de la Place des Victoires. C’est une suite logique de ce que l’on faisait sur nos chantiers. Nous avons ajouté à cela la branche « cadeaux et accessoires » afin d’avoir une attention pour les autres et des objets pour se faire plaisir (bougies, parfums d’intérieur, boîtes à bijoux… ).

En outre, concernant la création d’une ligne de prêt-à-porter, l’idée est venue du fait que je ne trouvais pas forcément ailleurs ce que je voulais. J’étais à la recherche de pièces intemporelles, confortables, simples et raffinées comme un beau smoking noir, un jean actuel et sympa, un Tee-shirt ou un pull en cachemire… L’idée n’est pas de créer une marque de mode mais d’avoir un vestiaire, un univers plutôt complet avec des codes chics et décontractés, pas ostentatoires. Le prêt-à-porter représente 13 % de notre chiffre d’affaires : ce n’est donc pas insignifiant.

GPO Magazine : Vous êtes ambassadrice d’une élégance française, comment fait-on pour exporter son univers à l’international ?

SARAH PONIATOWSKI : Je dois dire que ce n’est pas si simple… On est passé par le wholesale avec des revendeurs qui vont de Bruxelles à Tokyo, à Casablanca, à Los Angeles… On a des points de vente dans des boutiques multi-marques de villes où nous ne sommes pas. Bien entendu, c’est également une affaire de rencontres, de voyages et d’opportunités. Avant de s’exporter à l’étranger, nous voulions être très solides en France. Il faut également des capitaux importants, trouver le bon partenaire donc cela prend du temps. Je suis d’un naturel plutôt impatient et j’apprends à rester calme et sereine face au développement à l’international. L’idée n’est pas d’ouvrir une boutique dans chaque pays, mais plutôt dans des pays porteurs stratégiquement parlant et affinitaires comme la Corée, le Japon…

GPO Magazine : Depuis 2019, vous proposez un service aux entreprises, comment élargit-on du BtoC au BtoB ?

SARAH PONIATOWSKI : Finalement, il s’agit de la même démarche. C’est faire en sorte que les gens se sentent bien chez eux, dans un restaurant, un bureau, ou encore un hôtel. Lorsque l’on a gagné le concours de bureaux pour L’Oréal Luxe, « Seine 62 », il y avait des bureaux sur 8 étages dans un bâtiment de 45 000 m2 à Levallois, et il fallait prévoir d’installer 2 500 collaborateurs. Le challenge était de mettre de l’humain au coeur de cet univers ultra-corporate. Nous avons alors dessiné beaucoup de choses afin de proposer de nouveaux aménagements en prônant le « comme à la maison ». Et nous nous sommes dit qu’il y avait un vrai marché à prendre, et que nous souhaitions développer cette branche « Contract », qui accompagne les professionnels dans leurs projets de décoration et d’ameublement. Bien sûr, je continuerai toujours à avoir mes propres réalisations comme les hôtels tels que le boutique Hôtel Le Roch, Café Joyeux…

GPO Magazine : Quelles sont les clefs du succès de Maison Sarah Lavoine ?

SARAH PONIATOWSKI : Le succès de Maison Sarah Lavoine vient d’abord du fait que tous nos produits aussi bien de décoration que de prêt-à-porter sont d’une grande qualité. Nous avons su créer une marque forte et fidéliser notre clientèle. Ensuite, il faut savoir imposer sa singularité, être sincère dans ses réalisations et ses choix. Il faut également savoir réaliser un équilibre entre l’image du produit et le prix. Il faut savoir se renouveler, créer de la valeur : la diversification de notre activité a sans doute été un moment fort pour notre marque. Enfin, notre marque raconte mon histoire avec mes goûts pour le voyage, un narratif qui invite notre clientèle à en faire partie.

GPO Magazine : Quelles sont les valeurs qui animent votre entreprise ?

SARAH PONIATOWSKI : Notre identité c’est d’abord « le beau fait du bien » : l’idée c’est d’améliorer le quotidien des gens pour qu’ils se sentent bien lorsqu’ils rentrent chez eux ou à leurs bureaux, ou quand ils se rendent à l’hôtel ou au restaurant. Certains détails de décoration, comme une bougie, un vase avec un beau bouquet de fleurs… font que la vie est plus douce. En outre, nous avons une exigence de qualité s’agissant de la décoration, des meubles ou du prêt-à-porter. Nous mettons à l’honneur le meilleur des savoir-faire français et européens et ne pas aller fabriquer au bout du monde. Enfin, tirer la marque vers le haut est l’une de nos ambitions comme des collaborations avec Le Louvre, avec La Redoute, avec Eres… dont je suis extrêmement fière.

GPO Magazine : Plusieurs crises sont apparues (Covid, Gilets Jaunes, tout récemment crise de l’immobilier), diriez-vous que votre entreprise est résiliente ?

SARAH PONIATOWSKI : Durant la Covid, nous avons fait de la vente en ligne. Nous n’avons donc pas subi de plein fouet, à l’instar d’autres entreprises, cette crise. Concernant la crise des Gilets Jaunes, au début nous avons été impactés. Mais là encore, nous nous sommes adaptés car nos clients venaient à un autre moment que le samedi, jour des manifestations. Mais je dois dire que la crise immobilière est sérieuse. Fort heureusement, notre entreprise repose sur le Retail, mais concernant le Contract, nous le ressentons quand même fortement. En ce moment, il faut savoir être agile, trouver un équilibre. C’est un peu comme le surf : trouver l’équilibre dans le déséquilibre.

GPO Magazine : Quelles sont les mesures mises en place par votre entreprise afin de respecter l’environnement ?

SARAH PONIATOWSKI : Nous ne faisons pas de surproduction. Nous privilégions les circuits courts, nous ne sous-traitons pas en Chine. La plupart des produits Maison Sarah Lavoine sont fabriqués en France et en Europe. Nous sommes toujours à la recherche d’alternatives moins polluantes telles que des matériaux recyclés, de la peinture à la chaux (matière vivante écologique). Nous utilisons le moins possible de plastiques à usage unique, chaque développement de nouveau produit est pensé avec un emballage écoresponsable. Nous mettons un point d’honneur à multiplier et adopter des mesures responsables.

GPO Magazine : Quels conseils donneriez-vous à un jeune entrepreneur dans votre secteur ?

SARAH PONIATOWSKI : Il convient de bien s’entourer avec une équipe, un partenaire et des artisans de qualité. J’ai compris très vite que seul, on ne fait rien. D’ailleurs, je n’en aurai pas été capable. Il faut aussi bien choisir son premier client car l’architecture d’intérieur est liée au bouche à oreille et à la confiance : une première collaboration qui se passe mal peut vous mettre en danger pour la suite. Lorsque les affaires se mettent à marcher, il faut veiller à ne pas croître trop vite car grandir c’est plutôt risqué. Cela a un coût, on perd en spontanéité, en souplesse. Il faut donc trouver le bon rythme. Enfin, il faut se renouveler le plus possible : trouver l’inspiration partout dans la nature ou encore dans les voyages.

GPO Magazine : Vous avez souvent indiqué que vous souffriez du syndrome de l’imposteur car vous êtes autodidacte, est-ce que vous avez encore des doutes ?

SARAH PONIATOWSKI : J’ai regardé tout récemment le documentaire sur Arte sur Andrée Putman, architecte autodidacte (elle a un diplôme d’harmonie du Conservatoire national supérieur de musique de Paris). Comme moi, elle ne savait pas dessiner. Bien sûr, des doutes subsistent et je me sens toujours vulnérable. Mais je n’aurai jamais cru que je bâtirai une entreprise aussi grande. Avec le temps et les succès, le sentiment d’imposture s’éloigne mais il reste toujours une forme de vulnérabilité. J’ai un tempérament de fonceuse et si j’ai des doutes, je me relève. Lorsque l’on est une femme, on a encore plus ce sentiment d’imposture, et ce d’autant que le chantier est un univers masculin. Enfin, en 2017, lorsque j’ai gagné le prix Bold Woman Award, Veuve Clicquot (NDLR : récompense les créatrices d’entreprise accomplies), cela m’a positionnée et m’a donné une certaine confiance en moi.

GPO Magazine : Si j’avais une baguette magique, quel rêve souhaiteriez-vous voir exaucer ?

SARAH PONIATOWSKI : Je souhaiterai que ma marque soit solidement implantée en Corée, au Japon… J’espère qu’un jour prochain, ce rêve se réalisera car j’ai une grande admiration pour la culture asiatique.

GPO Magazine : Comment vous ressourcez-vous en dehors de votre entreprise ?

SARAH PONIATOWSKI : Mes enfants restent une priorité dans ma vie. Avec eux, je fais des voyages. J’essaye toujours d’aller dans des pays que nous ne connaissons pas, comme le Kenya que nous avons découvert avec plaisir. Nous partons pendant les vacances de la Toussaint au Japon. J’ai également un refuge dans le Bassin d’Arcachon que j’adore : cela me permet de réunir ma famille, mes amis. Et de faire des marches dans la nature, face à l’océan qui sont de vrais moments pour me ressourcer. Enfin, je suis très observatrice et j’aime bien regarder les toits de Paris, le Grand Palais, le Jardin des Tuileries. C’est vraiment exceptionnel de vivre dans Paris. C’est une chance incroyable !

Chiffres clés de Maison Sarah Lavoine

CA 2023 : 22 millions d’euros
130 salariés /collaborateurs
21 boutiques
101 partenaires revendeurs

Sarah Poniatowski, fondatrice de Maison Sarah Lavoine

Linda Ducret

Linda Ducret a une double formation : littéraire (hypokhâgne, licence de philosophie) et juridique (maîtrise de droit des affaires, DESS de Contrats Internationaux). En 1987, elle devient avocate et crée son cabinet en 1990. Elle exerce pendant 15 ans dans différents domaines du droit (droit des affaires, droit pénal, droit de la famille…). Depuis 2005, elle est journaliste avec comme terrains de prédilections : les dossiers stratégie du dirigeant, propriété intellectuelle, nouvelles technologies, Incentive...Mais également les visions et les portraits d’entrepreneurs. Écrire est l’une de ses passions. En 2009, elle publie un roman policier Taxi sous influence, finaliste du Prix du Premier roman en ligne. Elle a publié un recueil de nouvelles : Le Ruban Noir ainsi qu’un polar : L’inconnue du Quai Henri IV.

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