Gestion des risques financiers, une priorité pour les entreprises

Confrontées à des risques financiers exacerbés par le contexte économique et géopolitique actuel, les entreprises n’ont d’autres choix que de mettre en œuvre des processus d’identification, d’évaluation et de prévention de ces risques. Une démarche indispensable à mener autant pour sécuriser leur trésorerie que pour accompagner le développement de leur activité.


Gage d’une conjoncture économique complexe, 41 % des entreprises déclarent faire actuellement face à des risques financiers (baromètre QBE de la gestion des risques des PME et ETI françaises, 2022).

« L’ensemble des dispositifs de soutien mis en place par le gouvernement pendant la crise Covid a, dans un premier temps, permis à de nombreuses entreprises de se réorganiser et de se structurer pour notamment préserver leur cash, et ainsi de profiter de la reprise de 2021 », souligne Guillaume Cornu, associé EY, responsable de l’activité Restructuring.

Guillaume Cornu

« Néanmoins, beaucoup d’entre elles ne disposent pas aujourd’hui des réserves financières suffisantes pour rembourser leurs dettes, dont les PGE, et protéger leur trésorerie dans un contexte de risques financiers exacerbés par l’inflation, les hausses des taux d’intérêt, les difficultés d’accès aux financements, l’augmentation des risques de contrepartie… Toutes s’inscrivent par ailleurs dans un environnement social et géopolitique qui reste tendu. La guerre en Ukraine continue notamment de peser sur les chaînes d’approvisionnements », ajoute-t-il.

Ainsi, bien que les réserves accumulées par les entreprises depuis la reprise aient permis d’absorber les chocs sur 2022, du moins en partie, la résilience des entreprises est aujourd’hui confrontée à une triple menace pour 2023 : une croissance plus faible, des marges réduites et des conditions de financement qui se détériorent.

« Dans ce contexte, nous nous attendons d’ailleurs à un retour des défaillances à son niveau pré-covid avec à nouveau 40 % d’augmentation, soit près de 59 000 défaillances envisagées d’ici fin 2023 », précise Olivier de La Pontais, directeur chez AU Group.

Pour éviter autant que possible la défaillance et préserver leur trésorerie, il est indispensable que les entreprises mettent en place une stratégie efficace de gestion des risques financiers.

Forte tension autour des risques de marché

Aujourd’hui, les risques de marché sont au coeur des préoccupations des entreprises. Ils concernent différents types de risques, en tête desquels figure le risque de taux d’intérêt. Sa variation à la hausse augmentera mécaniquement les montants des remboursements du prêt, ce qui pourrait impacter la capacité de l’entreprise à rembourser son emprunt. Sa variation à la baisse peut, pour sa part, diminuer le taux de rémunération des placements financiers de l’entreprise, et donc des revenus qui en découlent.
Olivier de La Pontais

Les risques de marché intègrent également le risque de change qui, pour sa part, concerne les entreprises qui réalisent des opérations dans des devises étrangères. La fluctuation de la devise sur le marché peut créer une baisse de la valeur des créances de l’entreprise, impactant ainsi son chiffre d’affaires. Enfin, le risque de matières premières fait également partie des risques de marché. Il est lié à l’évolution du prix des matières premières sur les marchés financiers.

« Certains secteurs sont plus touchés que d’autres par ces risques, précise Guillaume Cornu. C’est notamment le cas des entreprises industrielles ou de celles spécialisées dans la transformation des matières premières, toutes fortement consommatrices d’énergie ».

Pour limiter l’impact potentiel de ces différents risques de marché, l’entreprise a notamment la possibilité de mettre en place des produits dérivés. Les contrats à terme de gré à gré (Forwards), les contrats d’échanges (Swap), les contrats à terme (Futures) et les options*, sont ainsi autant de dispositifs sur lesquels les entreprises peuvent s’appuyer pour se prémunir contre les risques de marché.

« Par exemple, les CAP sont des contrats de gré à gré entre deux parties qui permettent à l’acheteur de se couvrir contre une hausse du taux d’intérêt au-delà du niveau prédéterminé (taux plafond ou taux d’exercice), moyennant le paiement immédiat d’une prime », explique Mathieu Vincent, associé chez Mazars.

« Au regard de l’augmentation actuelle des taux d’intérêts, les entreprises qui ont mis en place ce dispositif sont donc actuellement gagnantes. Les Swaps sont également des contrats de gré à gré. Dans le cadre d’une opération de couverture de taux, un Swap permettra par exemple d’échanger un taux variable contre un taux fixe », souligne-t-il.

Limiter l’impact des variations du prix de l’énergie

À ces risques de marché traditionnels s’ajoutent désormais les variations du prix de l’énergie. Selon le baromètre QBE, 29 % des entreprises déclarent devoir faire face à l’augmentation du prix de l’énergie. Pour limiter l’impact de ces variations, les entreprises peuvent par exemple mettre en place des programmes de Power Purchase Agreement (PPA).
Mathieu Vincent

« Il s’agit d’un contrat d’achat d’électricité long-terme signé de gré à gré entre un producteur d’énergie (généralement renouvelable : éolien, solaire) et un consommateur d’énergie (parfois via un intermédiaire : agrégateur ou fournisseur), précise Mathieu Vincent. Les contrats de PPA peuvent permettre aux entreprises de fixer le prix d’achat de l’électricité sur 10 à 15 ans, tout en contribuant à leurs objectifs de réduction de leur empreinte carbone ».

Au-delà de la mise en place de ces instruments financiers, il convient également que l’entreprise suive le marché des taux de change et favorise autant que possible le paiement de ses factures en euros.

Renforcer sa trésorerie face aux risques de liquidités

Les risques de liquidité touchent, pour leur part, les entreprises qui ne peuvent pas faire face à leurs dettes faute de liquidité, et ce même si elles disposent de nombreux actifs. Ces risques surviennent no tamment lorsque l’entreprise n’arrive pas à écouler ses stocks. Ils concernent également les entreprises qui connaissent une très forte croissance en peu de temps. Ses besoins en fonds de roulement (BFR) augmentent alors fortement, laissant parfois apparaître un manque de liquidité.

« Pour prévenir le risque de liquidité en évitant autant que possible de recourir aux financements externes, notamment lorsque l’argent coûte cher comme c’est actuellement le cas, l’entreprise doit identifier ses poches de cash, grâce auxquelles elle pourrait gagner quelques jours de BFR », précise Vincent Dupin, Senior Manager Debt & Treasury Advisory chez Mazars.

Ces réserves de cash peuvent se trouver à différents niveaux des processus de gestion. Par exemple, l’entreprise peut améliorer sa gestion du recouvrement de créances ou revoir ses conditions générales de vente pour réduire les délais de paiement clients. Elle peut également limiter ses stocks en veillant néanmoins à ne pas créer de ruptures dans sa chaîne d’approvisionnement.
Vincent Dupin

« Elle a aussi la possibilité de céder ses créances à un factor pour accélérer les rentrées de cash, ou encore de négocier ou d’harmoniser ses conditions de paiement fournisseurs en mettant en place un programme d’affacturage inversé », ajoute Vincent Dupin.

Ce programme, également appelé Supply Chain Finance ou Reverse Factoring, est une solution de financement mise en place à l’initiative du client, et qui permet ainsi à ses fournisseurs de financer aisément leurs créances sur lui, avec l’aide d’une société d’affacturage (factor).

« Pour suivre ces différents éléments, l’entreprise doit pouvoir compter sur sa solution de trésorerie ou de Treasury Management System (TMS), insiste Vincent Dupin. Pour limiter le risque de liquidité, il convient également qu’elle diversifie ses sources de financement ».

Risque de contrepartie

Le risque de contrepartie peut également être associé au risque de liquidité. Il se manifeste lorsque la défaillance de la contrepartie (clients, fournisseurs) l’empêche de respecter ses engagements, occasionnant par exemple un impayé pour le fournisseur, ou une rupture dans la chaîne d’approvisionnement pour un client. Il s’agit du risque auquel les entreprises sont le plus fréquemment confrontées et qui pourrait se renforcer dans les mois à venir au regard de l’augmentation attendue du volume des défaillances d’entreprises.

« La maîtrise de ce risque passe en premier lieu par l’amélioration de la connaissance de sa ou ses contreparties, sa solvabilité, son comportement de paiement, etc., précise Olivier de La Pontais. Il convient également de mettre en place des processus de suivi de la santé financière de ses partenaires commerciaux. À cet effet, les entreprises peuvent se tourner vers des sociétés d’informations ou vers les assureurscrédit. Ces derniers proposent également des garanties contre les impayés. D’ailleurs, au regard de la baisse du volume des défaillances pendant la crise Covid, les assureurs-crédit ont eu peu à indemniser ces dernières années, et sont actuellement assez enclins à accompagner les entreprises dans la gestion du risque de contrepartie ».

Les risques de fraudes perdurent

Le risque de fraude, enfin, continue également de s’intensifier pour les entreprises françaises. Selon l’étude fraude 2022 d’Allianz Trade, 69 % des répondants déclarent avoir subi au moins une tentative de fraude en 2022, soit une hausse de +3 points par rapport à 2021. La fraude aux fournisseurs (45 %) et la fraude au faux président (41 %) sont les plus courantes. Face à cette fraude, les entreprises déploient différents dispositifs.

« Afin de renforcer leurs systèmes de défense, les entreprises misent en priorité sur la sensibilisation interne (formation), citée par 29 % des répondants, mais également sur les audits de sécurité des SI (20 %), le renforcement des procédures de contrôle interne (14 %) et la mise en place d’un plan de reprise de l’activité (14 %) », précise Christian Laveau, président du groupe Transformation Digitale de la DFCG.

Alors que les risques financiers tendent à se renforcer actuellement, les entreprises disposent donc de nombreux leviers pour en limiter les impacts. À charge pour elles néanmoins de les identifier et d’en mesurer les conséquences afin de recourir aux dispositifs les mieux adaptés à leur situation.

Gérer les risques financiers

La mise en place d’une solution de gestion des risques financiers suppose préalablement d’identifier et d’évaluer les risques auxquels l’entreprise est exposée :

  • Identifier les risques consiste à recenser tous les risques et menaces susceptibles d’altérer la santé financière de l’entreprise. À cet effet, il convient notamment d’interroger toutes les parties prenantes de l’entreprise. Les risques potentiels identifiés et valorisés peuvent ensuite être ventilés sur une matrice appelée cartographie des risques.
  • Analyser les risques permet ensuite d’évaluer le niveau et la nature du risque. Comme tous les risques n’ont pas la même probabilité d’occurrence, il faut également les mesurer et les classer selon leur probabilité de se concrétiser, en prenant en compte les caractéristiques de l’entreprise et l’environnement dans lequel elle évolue. En fonction de ces éléments, l’entreprise pourra estimer la priorité de traitement pour chaque risque.
  • Prévenir les risques en activant des leviers adaptés à la nature et au niveau de risque afin d’en limiter ou d’en supprimer les impacts : gestion de trésorerie prévisionnelle, suivi quasi permanent des marchés financiers, procédure de suivi et contrôle des risques, et enfin mise en place de solutions de prévention adaptées.

Anne Del Pozo

Elle collabore depuis près de 20 ans à différents magazines en qualité de journaliste. Elle y traite de sujets articulés essentiellement autour de la finance, des flottes automobiles, du voyage et du tourisme d'affaires ou encore des ressources humaines. Anne del Pozo participe également à la rédaction de nombreux témoignages clients et de newsletters d'entreprise.

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