La question socio-fiscale au cœur de la révolution du travail
En Allemagne, un salaire net de 80 euros coûte 120 euros à l’entreprise, au Canada, un salaire net de 85 euros coûte 115 euros à l’employeur, en France, un salaire net de 77,50 euros revient à 142 euros pour l’entreprise (Le Figaro 19/09/2024). De fait le coût du travail dans notre pays non seulement pénalise les employeurs et les salariés mais ne tient absolument pas compte des disparités locales liées aux coûts de la vie. L’écart entre le net et le brut est une aberration sociale qui nourrit l’erreur de l’égalitarisme en tirant tous les acteurs vers le bas plutôt que de s’adapter aux modes de vie.
En ce sens, « le salaire décent » développé par Michelin est intéressant à plus d’un titre : 1 en le définissant sur des critères de qualité de vie, 2 en tenant compte des spécificités locales comme le coût de l’immobilier et le pouvoir d’achat. On imagine aisément qu’à salaire égal, la qualité de vie et le coût de la vie ne sont pas les mêmes entre Paris et Clermont-Ferrand.
Depuis des décennies, les gouvernements de droite clament haut et fort vouloir valoriser le travail alors que leurs homologues de gauche haranguent sur la justice fiscale, sans que les uns et les autres n’osent s’attaquer au tabou du coût du travail et surtout de l’usage fait des taxes accumulées.
Si le coût du travail en France étouffe les entreprises et nuit à l’emploi, il ne bénéficie pas pour autant aux salariés, loin s’en faut ! C’est une aberration dans laquelle se complaisent tous les partenaires sociaux dont une partie de leur raison d’être dépend. L’entre soi du paritarisme sert de toile de fond à ces constats. Les charges, les entreprises sont toutes partantes pour les payer, mais ne serait-il pas temps d’en restituer une partie aux salariés en opération blanche pour les entreprises ? Ne serait-il pas temps de sortir de « smicardisation » d’une partie de la population en cessant de faire du smic le maître étalon des grilles salariales ?
Aujourd’hui, le coût du travail nourrit la bureaucratisation qui gangrène depuis longtemps les finances de notre pays ; pour preuve, eu égard aux recettes, nous serions en droit d’avoir un système de protection social plus efficient tant sur le plan de la santé que des retraites par exemple. Ce système est à bout de souffle et réclame de fait, un big bang salarial, non pas pour faire du profit sur les salariés, bien au contraire mais de raisonner qualité de vie pour permettre de formuler un revenu global de base incluant tous les paramètres de vie.
Au XXIème siècle une vie décente doit primer sur la notion de salaire minimum
Le net ne se calcule pas en bas de page mais bien à la fin du mois pour les personnes ; la doxa réglementaire, et les habitudes figées, les négociations salariales enferment chaque individu dans des raisonnements collectifs qui se heurtent aux disparités régionales. Plus que de rémunérer des compétences, le salaire doit rémunérer aussi des choix de vie pour chaque citoyens.
Dans un pays socialement complexe, on ne peut qu’appeler de nos vœux une simplification du coût du travail en remettant au cœur de la réflexion l’individu. Au moment, où les jeunes de la génération Z font revivre un vieux slogan de Mai 68, « je ne veux pas perdre ma vie à la gagner », il est plus qu’urgent de définir le sens et la valeur du travail dans une société que se veut postmoderne, à l’avant-garde des progrès sociaux.
Défendre un modèle social ne revient pas à le figer, au risque comme aujourd’hui de le ringardiser, mais bien de l’adapter et de le faire évoluer en fonction des modes de vie et des enjeux sociétaux.
Par Didier Pitelet, Président Fondateur de La Maison-Henoch Consulting