Pour pérenniser les effets du restructuring, l’audit financier gagne à être complété par un diagnostic opérationnel

Faire établir un diagnostic opérationnel de l’entreprise ou OBR (operational business review) permet de challenger les objectifs financiers issu de l’IBR (investment business review) et d’établir un plan à 100 jours réaliste et réalisable qui assurera la performance de l’entreprise en sortie du plan de rebond.
Fin 2024, l’entreprise Reims Aerospace était placée en liquidation après une seconde tentative de restructuration par le groupe ACI. La société Gaussin subissait au même moment le même sort. Quant à Caddie, l’entreprise a été placée en redressement une 4e fois depuis 2012, puis liquidée en juin dernier. Et les exemples ne manquent malheureusement pas…
Trop d’entreprises se cassent la figure quand elles veulent accélérer leur développement après avoir mis en œuvre un plan de restructuration et avoir vécu sous contrainte et surveillance pendant plusieurs mois ou années. Pourquoi ? Parce qu’elles reprennent leurs habitudes « d’avant », que le redressement s’est avant tout fait à force d’économies et de coupes budgétaires, et que leur capacité opérationnelle à délivrer n’a pas été suffisamment renforcée.
Si assainir les comptes et restructurer la dette sont essentiels, ils ne suffisent pas à garantir la pérennité d’une entreprise. Le restructuring est certes un sujet fondamentalement financier et juridique. Mais sa réussite à moyen terme dépend de la capacité de l’entreprise à mettre en œuvre le plan de développement élaboré sans réitérer les anciens travers. Alors le business plan pourra atteindra les objectifs fixés.
Les Américains ont trouvé un moyen de travailler sur cette dimension : l’OBR ou « operational business review ». Fidèles à leur pragmatisme, pour s’assurer que les efforts consentis soient profitables, les banques, fonds d’investissement, créanciers, avocats et administrateurs judiciaires américains d’entreprises en difficultés font réaliser un diagnostic sur la structuration opérationnelle de la société en complément de l’audit financier (ou IBR).
La vocation de l’OBR est de pouvoir challenger les indicateurs financiers avec les aspects opérationnels afin de s’assurer de la capacité de l’entreprise à tenir non seulement le business plan financier mais aussi la trajectoire annoncée par le dirigeant. Pour mener ce diagnostic, ils mandatent en général des operating partners ayant un passé de chef d’entreprise et rompus aux restructurations.
Par exemple, l’OBR est utilisé pour bâtir le plan à 100 jours post-restructuration. Ce plan tient compte de l’organisation interne, des compétences disponibles, de l’état de l’outil de production, sans oublier la fatigue et le stress vécus par le dirigeant et ses équipes tout au long de la restructuration et qui peuvent avoir épuisé l’énergie et l’optimisme requis pour rebondir.
Parmi les écueils les plus fréquents et qui peuvent hypothéquer la relance, citons l’outil de production qui peut se révéler trop vétuste et non capacitaire au regard du business plan financier élaboré. Dans ce cas, outre identifier des sources d’économies, prévoir des investissements pourra s’avérer pertinent, sans quoi l’entreprise ne pourra pas produire suffisamment pour atteindre et dépasser son seuil de rentabilité.
L’équipe est l’autre point clé. Il faut se demander si les postes-clés sont exercés par les personnes idoines. Si l’activité change, il se peut que les compétences doivent aussi évoluer, sans compter que la situation difficile a pu conduire certains collaborateurs à prendre la décision de partir. Par exemple, une vacance à la direction commerciale au moment où l’entreprise doit accélérer ses ventes viendrait hypothéquer le succès. Il faut donc anticiper, former, recruter, travailler la cohésion et l’engagement, ajuster les process internes, etc.
Cumulés, OBR et structuration opérationnelle entrainent certes quelques coûts supplémentaires. Mais ce sont avant tout des investissements qui servent les perspectives de croissance et sécurisent les effets du soutien apporté pour le rebond. En restructurant la dette, on nettoie et on répare le moteur de l’entreprise ; avec l’OBR, on ajoute du carburant pour pouvoir accélérer en sortie de restructuration. Alors nos PME et ETI françaises qui ont traversé des difficultés auront-elles les moyens de repartir de plus belle pour durer.
Par Cédric Gaillard, operating partner chez I&S Adviser