Restructuration des PGE, des outils encore trop méconnus des dirigeants
Pour tenter de limiter les effets de la crise sanitaire, l’État a mis en place un certain nombre de dispositifs d’aides aux entreprises, parmi lesquels le Prêt Garanti par l’État (« PGE »), dont près de 660000 entreprises ont bénéficié entre le mois de mars 2020 et le mois de décembre 2021, représentant un montant total de 137 milliards d’euros.
Sous réserve de respecter les conditions d’éligibilité du dispositif, les PGE ont été consentis par les établissements de crédit habituels de chaque entreprise, avec la garantie de BPI et la contre-garantie de l’État (dans la limite de 90% du montant en principal).
Initialement, le remboursement des PGE devait s’effectuer sur une durée maximale de 6 ans, soit avec 1 an de différé d’amortissement et un remboursement sur 5 ans maximum, soit avec un différé d’amortissement de 2 ans et un remboursement sur 4 ans maximum (l’emprunteur devait choisir à l’origine entre amortissement linéaire ou progressif).
Les premières défaillances et les perspectives
Si le seuil symbolique du quart de l’encours des PGE remboursés a été franchi au mois de juillet 20221, un nombre croissant d’entreprises rencontre des difficultés à rembourser son PGE, compte tenu du contexte inflationniste européen, des difficultés d’approvisionnement en matières premières et produits transformés et de la hausse du coût de l’énergie, conséquences de la crise sanitaire et du conflit Ukrainien.
Dans ce contexte, le nombre de défaillances d’entreprises en France a augmenté de près de 69 % au cours du troisième trimestre 2022, touchant majoritairement les TPE/PME2. Les premiers secteurs touchés et les plus impactés sont l’automobile, l’industrie manufacturière, la restauration/hôtellerie et la construction, qui représentent environ 75 % des montants de PGE octroyés depuis le début de la crise sanitaire3.
Certains secteurs moins évidents sont également touchés par de telles difficultés, tel celui des entreprises de services IT en lien avec les grandes commandes de l’État arrivées à leur terme (fibres optiques, compteurs électriques, bornes de recharges, etc.).
Ces entreprises ont en commun d’avoir utilisé la totalité de leur PGE en trésorerie depuis 2020 et de faire face à des conditions de marché qui se dégradent rapidement. Depuis l’été 2022, ces entreprises se retrouvent en situation de grande fragilité économique, avec une trésorerie souvent exsangue, au moment où les PGE entrent en phase de remboursement.
Les entreprises qui ont bénéficié de PGE peinent en outre aujourd’hui à avoir accès à de nouveaux financements bancaires, compte tenu de leur niveau d’endettement actuel, de l’assèchement général du crédit bancaire et de la hausse des taux.
Il ne faut cependant pas s’attendre à une défaillance massive des PGE (l’État n’a d’ailleurs prévu à ce jour dans le PLF qu’un taux de défaillance de 1,8 %) mais à une augmentation significative du nombre de défaillances, en particulier dans les secteurs déjà fragilisés mentionnés ci-dessus.
Les outils de restructuration des PGE
Fort heureusement, il existe des outils de restructuration des PGE.
La saisine de la Médiation du crédit
Depuis l’arrêté du 19 janvier 2022, l’entreprise qui a une difficulté à rembourser un PGE peut saisir la Médiation du crédit, afin d’allonger la durée d’amortissement du PGE jusqu’à 10 ans.
Le montant du PGE ne devra pas dépasser la somme totale de 50.000 euros (ce qui représente 60 % des PGE accordés en France), l’entreprise devra être confrontée à des difficultés de trésorerie sans pour autant se trouver en état de cessation des paiements, et ne pas avoir déjà bénéficié de mesures de restructuration de son PGE.
Ce dispositif comporte toutefois l’inconvénient de ne concerner que les petites entreprises, ne pas permettre à l’entreprise de restructurer plus largement la dette PGE, contrairement à une solution amiable ou judiciaire de traitement des difficultés, et d’entraîner en outre une dégradation de la notation Banque de France.
La procédure de sortie de crise
Depuis le 18 octobre 2021, une nouvelle procédure collective est venue compléter celles déjà existantes, afin de s’adresser spécifiquement aux petites entreprises faisant face à des difficultés de remboursement de leur PGE, la procédure de traitement de sortie de crise.
Cette procédure s’apparente à un redressement judiciaire simplifié et vise à étaler la dette de l’entreprise sur une durée maximale de 10 ans à travers un plan de redressement par voie de continuation.
Afin d’être éligible à une telle procédure, l’entreprise devra être en cessation des paiements depuis moins de 45 jours tout en étant capable de faire face au paiement de ses créances salariales, avoir une dette d’au moins 3 millions d’euros hors capitaux propres et employer moins de 20 salariés.
La période d’observation limitée à 3 mois et la désignation d’un seul et même mandataire afin de surveiller l’entreprise et représenter l’intérêt des créanciers, contribue à l’efficacité et l’optimisation du coût d’une telle procédure.
Cette procédure n’est pas confidentielle, ce qui nuit à l’image et au crédit de l’entreprise.
La restructuration du PGE en phase amiable ou judiciaire
Depuis un arrêté du 8 juillet 2021, la restructuration du PGE est facilitée dans le cadre de procédures amiables (mandat ad hoc ou conciliation) ou judiciaires (sauvegarde ou redressement judiciaire) de traitement des difficultés, grâce au maintien de la garantie de l’État, en dépit de la restructuration du PGE et de la modification de ses termes et conditions.
Les établissements de crédit peuvent consentir des franchises, abandons et/ou rééchelonnements de la dette PGE jusqu’à 10 ans, sans que la garantie donnée par l’État soit remise en cause. Pour cela, la restructuration du PGE doit faire l’objet d’un accord de conciliation constaté ou homologué, ou d’un plan de sauvegarde ou de redressement.
Le maintien de la garantie de l’État constitue un véritable atout en faveur de la renégociation des modalités de remboursement des PGE, sécurisant à la fois les banques et l’entreprise.
Les accords de conciliation conclus depuis l’été 2021 ont notamment permis d’obtenir des franchises de remboursement en capital plus importantes que ce que prévoyait le dispositif initial (2 ans) et une modification de l’amortissement linéaire pour un amortissement progressif, afin d’adapter au mieux le remboursement du PGE à l’activité de l’entreprise.
Les entreprises bénéficient donc d’un large panel de mesures de restructuration de leur PGE, mais devront veiller à adapter, avec l’aide de professionnels, la restructuration du PGE à leur activité, leur niveau d’endettement, et leur résultat d’exploitation.
Par Benjamin Magnet, Avocat Associé, Marguerite Schaetz, Avocate Collaboratrice et avec la participation de Côme Henriot (Stagiaire) du cabinet Coblence
1 Source : Fédération Bancaire Française
2 « Étude de défaillances et sauvegardes des entreprises en France 3ème trimestre 2022 », selon le cabinet d’expertise Altares D&B
3 Tableau de bord PGE au 31 juillet 2022