” Ne ruinons pas une confiance fragile ! “
Jean-François Roubaud, président de la CGPME, Pierre Gattaz, président du Medef, et Jean-Pierre Crouzet, président de l’UPA, exhortent le gouvernement à abroger le compte pénibilité et à abandonner l’article sur la cession d’entreprise de la loi Hamon.
Notre pays a besoin désormais d’avancer en confiance dans la voie du redressement. Qu’est-ce que cela signifie ? Simplement, qu’il faut désormais que les actes et les paroles soient cohérents, constants, continus.
Une politique de la compétitivité des entreprises et de la croissance est la seule possible pour redresser notre pays et notre économie face à l’exigence d’une économie désormais mondialisée, d’une intégration européenne réussie, d’une révolution économique en marche sous l’impact du numérique et de l’impératif de développement durable.
Pour autant, les paroles sont une chose, les actes en sont une autre. Or, force est de constater qu’au-delà d’un premier vote de quelques baisses de charges et de fiscalité applicables en 2015, les discours positifs s’enchaînent mais la cohérence peine à s’établir. Pire, les signaux contradictoires se multiplient ces dernières semaines, rendant au mieux le discours gouvernemental brouillé, au pire accréditant l’idée d’un double langage néfaste à la confiance.
Quels sont ces signaux ?
Première alerte : les décrets sur la pénibilité, publiés dans la précipitation et la confusion, contrairement aux annonces du gouvernement en juillet dernier. Rappelons que ce dispositif, intégré dans la loi retraite de 2013, n’a jamais été négocié entre les partenaires sociaux, contrairement à ce que certains soutiennent. Cela a été imposé unilatéralement aux entreprises, sous couvert d’une réforme des retraites inaboutie et absurde sur laquelle il faudra revenir – tout le monde le sait, mais personne n’en parle. Et à quoi cela nous mène-t-il ? A une incohérence forte entre le discours actuel et les actes :
– d’un côté, le gouvernement prône la simplification et de l’autre il imagine un dispositif kafkaïen loin de toute réalité opérationnelle, unique en Europe, dont personne ne comprend comment il peut s’appliquer concrètement et simplement ;
– d’un côté, le gouvernement dit qu’il faut améliorer la compétitivité des entreprises et baisser le coût du travail, de l’autre il rajoute des cotisations dont on mesure mal l’ampleur, car aucune étude sérieuse d’impact n’a été faite ;
– d’un côté, le gouvernement dit qu’il « aime l’entreprise », de l’autre il confirme la mesure qui est la plus anxiogène pour les chefs d’entreprise à un moment économique difficile pour notre pays, alors qu’il faut au contraire rassurer et redonner confiance ;
– Enfin, d’un côté, le gouvernement dit vouloir améliorer les conditions de travail de salariés en situation pénible, et de l’autre il imagine un dispositif qui vient contredire les actions de prévention mises en oeuvre…
Deuxième alerte : les articles relatifs à l’information des salariés en cas de cession de leur entreprise prévus dans la loi Economie sociale et solidaire. Si personne ne conteste la nécessité d’informer et d’associer les salariés dans les situations de cession, le texte imaginé dans un bureau de Bercy, loin de toute réalité des affaires, est inapplicable et anxiogène. Il suffit de lire les projets de décret et de « guide » qui sont actuellement en discussion pour s’en rendre compte. Pire, la sanction possible prévue – l’annulation de la vente – va rajouter de l’incertitude et du stress dans une situation qui est déjà compliquée pour le chef d’entreprise, celle d’une cession. Voilà à nouveau comment une bonne intention (associer les salariés) devient un monstre juridique anxiogène et contre-productif parce qu’imaginé de manière dogmatique et politique, loin de la réalité du terrain.
Signaux négatifs aux entrepreneurs. D’autres sujets sont malheureusement toujours en discussion, qui peuvent être autant de signaux négatifs envoyés aux entrepreneurs de notre pays en contradiction flagrante avec les beaux discours : réforme de l’inspection du travail, réforme des prud’hommes, augmentation de taxes diverses pesant sur les entreprises, notamment locales, prélèvements multiples sur des dispositifs professionnels au détriment d’une véritable exigence de réforme des structures publiques, multiplication de contrôles tatillons et remise en cause de pratiques juridiques et fiscales jusqu’à présent admises…
Ces signaux négatifs sont dramatiques car ils occultent les vrais problèmes urgents sur lesquels il faut désormais avancer rapidement : la relance du monde du bâtiment et la lutte contre la fraude aux travailleurs détachés, la relance de l’investissement dans les infrastructures en associant monde public et monde privé, la levée des verrous innombrables qui empêchent la dynamique de création d’emplois, la réforme en profondeur de la sphère publique et de la protection sociale… Sur tous ces sujets positifs, nos organisations sont prêtes à se mobiliser à tout moment, à proposer, à travailler concrètement et opérationnellement.
Il faut désormais que le gouvernement choisisse définitivement sa politique et avance sans état d’âme, résolument et en cohérence. Il n’est plus temps de ménager la chèvre et le chou, le pragmatisme et le dogmatisme, la confiance et la méfiance.
Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, ne ruinons pas les efforts engagés par des mesures à contre-courant, abrogeons les dispositions absurdes et anxiogènes, faisons enfin confiance aux entrepreneurs et aux citoyens, et travaillons ensemble au redressement économique de notre pays. Il y a urgence et nous y sommes prêts. Vous avez les cartes en main.
Jean-François Roubaud, président de la CGPME Pierre Gattaz, président du Medef Jean-Pierre Crouzet, président de l’UPA