Ne plus diviser pour régner, mais gouverner pour durer : l’équilibre vital et sociétal de mon ETI dans un contexte si incertain ?

Et si lecteur(lectrice), tu entrais dans la tête d’un(e) dirigeant(e) d’une ETI. Une personne qui se pose de plus en plus la question de sa gouvernance d’entreprise. Entre le besoin de performance quotidienne et l’exigence de pérennité, comment anticiper, structurer et transmettre intelligemment ?

« Je ne suis pourtant pas le seul. Il y a combien d’ETI en France aujourd’hui ? 6000 ? 7000 ? Combien de structures, entre 250 et 4 999 salariés, qui font entre 50 millions et 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires ? On ne parle pas souvent de nous dans les médias et pourtant on pèse lourd dans l’économie nationale : 27 % du chiffre d’affaires français, 34 % des exportations, 3 millions de salariés… Ce n’est pas rien.

C’est vrai que nous ne sommes pas des groupes du CAC 40. Nous sommes peu à être cotées en bourse avec une gouvernance structurée. Est-ce une finalité ? Combien sur les 6 800 ? 200 ? Moi, j’ai mis 23 ans à faire évoluer ma PME en ETI, c’est dans la moyenne de transformation. Nous avons su rester ancrés sur notre territoire, proches de nos équipes, de nos savoir-faire. C’est une vraie force ! Et pourtant tout repose encore sur mes épaules, ou les quelques épaules de mon équipe dirigeante. Et ça c’est une vraie fragilité ! ».

Passer le relais, pourquoi ça n’est pas si évident ?

« Je le vois bien dans mon entourage : les dirigeants de ma génération vont devoir passer la main. Je l’ai même lu dans un rapport de la Bpi : plus de 50 % des ETI seront concernées par un changement de direction dans les dix ans. Et moi ? Suis-je prêt ? Que dois-je encore anticiper ?

Je pensais vraiment avoir le temps. On pense toujours avoir le temps. On se dit que l’on préparera cela plus tard ou pas. Mais entre les contraintes opérationnelles, les urgences du quotidien, la complexité des réformes et l’enjeu émotionnel on repousse. C’est humain. Et pourtant, je le sais bien que l’absence de gouvernance claire, à terme, va affaiblir mon entreprise. Ou pire… ».

Et moi, est-ce que je dois structurer ma gouvernance ?

« Je me le demande souvent : pourquoi est-ce si important de mettre en place une gouvernance équilibrée ? Je la connais la réponse. Parce qu’il faut clarifier les rôles, distinguer les territoires d’enjeux. Parce que tout ne peut pas se confondre ou reposer sur une seule personne, pas même sur moi.

Parce qu’il faudra plusieurs personnes pour réaliser le travail que j’abats au quotidien sur l’ensemble de ces territoires. C’est même mon entourage qui me le dit en ces termes.

Ok. Soyons pragmatique ! Je me rends bien compte qu’il y a plusieurs niveaux de décisions à organiser pour transmettre une ETI comme la mienne :

  • La gouvernance actionnariale, celle qui passe par l’assemblée des actionnaires, les pactes. Qui porte la vision, qui veille à l’ADN du projet.
  • La gouvernance d’entreprise, avec un conseil d’administration ou un comité stratégique. Des gens qui apportent de la hauteur. Qui doivent challenger nos orientations et nous aider à nous poser les bonnes questions
  • La gouvernance managériale, ce comité de direction qu’il faut embarquer, responsabiliser, rendre moteur.
  • Et la gouvernance familiale… Oui, celle qu’on oublie trop souvent. Cette charte familiale qui ouvre le champ des possibles pour tous les membres de la famille. Ce conseil de famille à créer pour de nouvelles relations professionnelles en famille. Quand je pense au futur, je vois bien que chacun doit pouvoir trouver sa place dans l’histoire. Encore faut-il anticiper, préparer, former.

Le métier d’actionnaire, par exemple, je le sais bien, ça ne s’improvise pas. Il faut apprendre à penser à long terme, à arbitrer, à incarner un cap. Il faut une posture, une responsabilité, une vision. C’est tout cela que je dois transmettre ! ».

Gouverner ? Et Réussir ?

« Gouverner, ce n’est pas seulement optimiser nos résultats année après année, c’est aussi penser long terme. Me projeter dans la transmission de ce que j’ai bâti (ou développé selon les contextes), c’est un changement d’état d’esprit. C’est une idée de la réussite qui s’apprécie quand vous avez passé le pouvoir.

Donc, j’ai plusieurs priorités… d’abord, accepter de transmettre (même si ce n’est pas encore pour tout de suite… quoi que ?), puis développer l’entreprise avec ambition et sens, et enfin poser les bases d’une nouvelle transmission sur plusieurs générations. Créer les conditions de cette réussite, ça ne s’improvise pas, ça se prépare : Ouvrir notre entreprise aux évolutions sociétales, la rendre inclusive. Et y réfléchir dès maintenant avec ma famille. On garde l’entreprise dans la famille ou on la vend ?

Ce qui compte pour moi c’est la liberté de choisir, c’est que le projet d’entreprise me survive, qu’il s’adapte, qu’il reste aligné avec nos valeurs. Heureusement, il y a des outils et des réseaux qui existent pour faciliter ce passage de relais. Encore faut-il les activer et s’y consacrer avec détermination et patience. Alors ? Je transmets ou après moi le déluge ?».

Finalement qu’est-ce qui compte ? Conte ?

« Je comprends mieux aujourd’hui que gouverner une ETI, c’est être garant d’un équilibre entre l’excellence du métier et la vision sur le long terme de la création de richesses. C’est penser en stratège, agir en gestionnaire et transmettre en bâtisseur. Si je veux que mon entreprise me survive, j’aurai envie de préparer le passage de relais. Pas le subir, mais le construire. Je dois aussi veiller à l’équilibre entre financier et extra-financier : résultats, bien sûr, mais aussi engagement et sens. Prendre soin de mon capital santé, de toutes nos santés : financières, humaines et de nos territoires.

Mettre en place un pilotage solide à tous les niveaux : opérationnel, stratégique, actionnarial. Gouverner, pour tracer une route claire, sans attendre qu’il soit trop tard.

Et si je veux que notre ETI reste ce qu’elle est : solide, résiliente, incarnée… Nous devons continuer chacun à notre niveau, à prendre le temps de gouverner pour durer en laissant la place sereinement pour que d’autres trouvent leur place et prennent une nouvelle place pour régner sans diviser ! ».

Par Dominique Druon, fondatrice d’Aliath, Cabinet conseil en gouvernance d’entreprise et Marianne Dajon, fondatrice de Strateira

 

 

 

 

 

Nos contributeurs

Nos contributeurs vous proposent des tribunes ou des dossiers rédigées en exclusivité pour notre média. Toutes les thématiques ont été au préalable validées par le service Rédaction qui évalue la pertinence du sujet, l’adéquation avec les attentes de nos lecteurs et la qualité du contenu. Pour toute suggestion de tribune, n’hésitez pas à envoyer vos thématiques pour validation à veronique.benard@gpomag.fr

Du même auteur

Bouton retour en haut de la page

Adblock détecté

S'il vous plaît envisager de nous soutenir en désactivant votre bloqueur de publicité