Mathieu Nohet, cofondateur de Manty : une nouvelle génération d’entrepreneur au service de la collectivité
Son bac scientifique en poche, Mathieu Nohet rentre en 2012 à l’École Centrale de Paris et en fin de 2ème année, il choisit de faire une césure à l’étranger. Il part donc un an à San Francisco et fait du développement logiciel pour Apto Payments, une entreprise de crypto-monnaie. Il découvre OpenGov, une plateforme d’aide à la gestion des dépenses publiques qui compte parmi ses clients des villes et des comtés.
De cette rencontre, il réalise que les collectivités sont des organisations indispensables au bon fonctionnement de nos sociétés, mais que les décideurs n’ont pas toujours les outils pour évaluer l’impact de leur politique ou répartir les énormes ressources dont ils disposent.
En 2015, il continue ses études à New-York à Columbia University et complète sa formation en 2016 par un double diplôme de Master of Science, Management Science and Engineering dans cette université.
De retour en France, fort du constat de l’absence d’outils des organisations, il cofonde, en 2017, Manty avec deux camarades de promotion. Aujourd’hui, cette start-up travaille avec plus de 80 collectivités en France et compte plus de 20 employés.
Gageons que Manty a encore de beaux jours devant elle afin de réussir le pari qu’elle s’est fixée, à savoir contribuer à bâtir le service public de demain.
- GPO Magazine : Vous êtes le cofondateur de Manty, comment et pourquoi avoir créé en 2017 cette start-up ?
Mathieu Nohet : Avant de créer la société Manty, je me suis d’abord renseigné sur ce qui était fait en France au niveau de la GovTech, notamment sur les outils mis à disposition tels que les logiciels, le Big Data… Et je me suis rendu compte que l’on avait un problème similaire à celui des américains, à savoir que beaucoup de processus avaient été numérisés et cela générait des données. Cependant, les administrations n’avaient pas les moyens d’exploiter lesdites données et d’en faire quelque chose pour améliorer la qualité du service public.
Partant de là, j’ai monté Manty en 2017 avec Lucas Gaillard et Joseph-Marie Valleix, deux camarades de promotion de l’École Centrale. Nous avons démarré en construisant des solutions pour deux mairies de la région parisienne (Courbevoie et Clichy). Puis, des villes de tailles différentes comme Limoges et Clermont-Ferrand nous ont fait confiance.
Actuellement, nous travaillons pour des départements, des villes, des agglomérations… Notre objectif est de décliner notre solution à l’échelle des régions et des ministères.
- GPO Magazine : Quelles sont les solutions que vous proposez aux collectivités ?
Mathieu Nohet : Concrètement, nous nous connectons aux sources de données des collectivités et les analysons afin d’aider à la décision et au pilotage des politiques publiques.
Nous intervenons à travers une plateforme pour des métiers différents des collectivités locales, à savoir par exemple, les ressources humaines (au niveau de la masse salariale, la formation, l’absentéisme, les heures supplémentaires…), les finances (budget, marchés publics). Ces indicateurs transversaux pourraient se retrouver de la même manière dans le privé, mais il y a des logiciels spécifiques pour les administrations.
En outre, il va y avoir d’autres indicateurs d’activité qui vont concerner l’activité de ces collectivités, par exemple la petite enfance (gestion des crèches : nombre d’enfants accueillis, public touché, quotient familial facturé), l’enfance (cantines scolaires : combien de repas servis, gaspillage éventuel, prédiction pour en gaspiller moins). Bien entendu, tout cela peut être décliné pour d’autres métiers (services techniques : combien d’interventions, matériel utilisé à bon escient, stocks, consommation énergétique : notamment comment faire pour réduire cette consommation…).
On peut donc vraiment couvrir l’ensemble des domaines métiers que gère les collectivités, ce qui est très vaste par définition. Bien entendu, nous nous adaptons ensuite en fonction des besoins des organisations.
- GPO Magazine : Est-ce que les administrations doivent obligatoirement repenser leurs politiques publiques à travers le prisme du numérique ?
Mathieu Nohet : Toutes les politiques publiques sont forcément impactées par le numérique. Mais beaucoup de choses ne peuvent être faites en virtuel et les administrations, telles que les mairies, ont un vrai rôle à jouer avec l’accueil physique notamment. Elles doivent inclure l’outil numérique dans l’ensemble de leurs démarches qui nécessitent de rester en contact avec les citoyens (démarches administratives comme une inscription, un paiement en ligne…).
Au sein des services techniques, on peut aussi voir avec ces collectivités comment le numérique peut être un levier afin d’améliorer leur efficacité, leur action. Notre approche est flexible et s’adapte à un certain nombre de cas d’usage. C’est ainsi que la crise sanitaire du Covid a permis de voir comment on pouvait mieux gérer les RH (arrêts maladies dus au Covid et son impact budgétaire sur les recettes de l’année…), les stocks et les achats des masques. Ensuite, nous pouvons diffuser cette pratique à d’autres mairies, par exemple, à travers notre newsletter. C’est intéressant car cela peut jouer un rôle de mutualisation et de diffusion des bonnes pratiques.
- GPO Magazine : Comment arrivez-vous, en pratique, à orienter l’innovation au service des citoyens ?
Mathieu Nohet : Il faut faire une distinction entre la CivicTech et la GovTech. D’une part, la CivicTech permet aux citoyens de pallier une situation de carence démocratique et un défaut de représentation de l’administration. D’autre part, la GovTech fournit des outils pour que les administrations soient plus efficaces dans leur fonctionnement. Mais les ponts entre les deux sont possibles, notamment sur le volet Open Data.
Nous n’avons pas vocation à être en prise directe avec les citoyens. Notre approche est de donner aux administrations les outils pour être plus efficace et nous leur faisons confiance pour augmenter la qualité du service rendu.
- GPO Magazine : Quelles sont les perspectives de croissance d’un acteur de la GovTech comme Manty dans les prochaines années ?
Mathieu Nohet : Nous sommes 20 salariés actuellement. Nous avons fait une levée de fonds de 2,4 millions d’euros l’an dernier, avec l’objectif de se déployer commercialement en France.
L’ambition de notre côté est clairement européenne, et cela va au-delà de la simple visualisation de données. Le but est vraiment d’aider les collectivités à être plus efficaces et plus transparentes dans tous les domaines.