L’incertitude comme catalyseur : tabler sur la valeur des données dans l’entreprise

Bien que les dirigeants d’entreprise soient habitués à gérer la pression, ils font face aujourd’hui à une conjonction de défis d’une ampleur inédite depuis des décennies. Leur capacité à naviguer dans les incertitudes macroéconomiques, financières, géopolitiques et commerciales actuelles déterminera leur succès futur.
Pour certaines entreprises, l’enjeu est même existentiel. En revanche, il est certain que ceux qui maîtriseront au mieux les opportunités offertes par la transformation digitale prendront l’avantage.
L’heure de la modernisation a sonné
Les dirigeants d’entreprise aspirent à la prévisibilité, un sujet complexe en France depuis plusieurs années. L’instabilité de la scène politique nationale, conjuguée aux graves défis géopolitiques internationaux, fait peser une menace sur l’amélioration des perspectives macroéconomiques.
Simultanément, les entreprises hexagonales doivent impérativement entreprendre des réformes d’envergure pour répondre aux impératifs du changement climatique et se conformer aux nouvelles exigences réglementaires en matière de durabilité et d’économie circulaire.
Dans de telles conjonctures de crise potentielle, il peut être tentant de consolider les actifs et de suspendre certains investissements en attendant que le pire soit passé. Néanmoins, il s’agit peut-être du moment propice pour investir dans les technologies émergentes.
La modernisation des infrastructures informatiques peut doter les entreprises d’une agilité accrue pour faire face aux soubresauts des marchés financiers. Dans un monde désormais caractérisé par le chaos et l’imprévisibilité, cette flexibilité adaptative revêt une importance capitale. L’incertitude ambiante devrait, par conséquent, être interprétée comme un catalyseur de la transformation numérique.
Tout commence avec les données
Indépendamment du secteur d’activité considéré, l’orientation stratégique doit être claire : exploiter les données de l’entreprise afin d’appréhender et d’optimiser son fonctionnement, en particulier les processus métier qui en constituent la structure fondamentale.
La phase initiale requiert l’établissement d’une culture des données solide, conjuguée à une gouvernance rigoureuse par l’entremise de politiques régissant le stockage, le traitement, l’enregistrement et le formatage des données. Cette démarche contribue à garantir la qualité et la pertinence effective des données.
Une fois cette phase initiale effectuée, il est temps de tirer pleinement parti de la valeur de ces données. Le Process Mining, bien que peu médiatisé, recèle des avantages potentiellement substantiels pour les entreprises. En appliquant des algorithmes intelligents aux journaux des événements, cette technologie permet aux organisations de mieux comprendre et d’améliorer leurs processus métier.
Au lieu de se fonder sur des conjectures, les dirigeants obtiennent ainsi des informations factuelles relatives à l’exécution des processus dans un contexte réel, grâce aux données issues des plateformes ERP, PLM, CRM, SCP, WMS et autres logiciels essentiels de l’entreprise.
Le monitoring continu de l’exécution de ces processus permet aux entreprises d’en mesurer la performance, d’identifier et de résoudre les problèmes, tels que les goulets d’étranglement et les inefficiences.
L’objectif principal consiste à rendre visible et à mettre en lumière les problèmes cités ci-dessus, ainsi que les éventuelles variantes par rapport au processus standard – au fil des jours, des semaines et des mois –, afin d’adapter la stratégie et de procéder aux ajustements nécessaires. Les informations en temps réel sur les processus peuvent aider les responsables dans la résolution de problématiques majeures avant qu’elles n’affectent le client final.
La puissance du Cloud
La bonne nouvelle est que ces fonctionnalités s’inscrivent de façon naturelle au sein des suites logicielles des entreprises hébergées dans le cloud, qui permettent déjà la collecte et le traitement des données essentielles à l’activité. Ces plateformes Cloud gagnent du terrain dans de nombreux secteurs d’activité en tant que moyen sûr et agile pour améliorer la performance de l’entreprise.
Pour les dirigeants d’entreprise, il ne s’agit plus désormais de savoir s’il faut migrer vers le cloud, en s’affranchissant des technologies sur site (on-premise), mais quand et comment. Le Process Mining fournit une raison supplémentaire d’accélérer ce parcours.
Ces offres SaaS (Software-as-a-Service) bénéficient également, de manière croissante, des capacités qu’offre l’IA générative (GenAI) en vue d’améliorer encore les performances. Cette technologie permet d’automatiser les tâches routinières telles que la saisie des données, libérant ainsi les équipes qui peuvent dès lors se consacrer à des tâches plus complexes et à plus forte valeur ajoutée pour l’entreprise.
Elle peut également faciliter l’interaction des utilisateurs avec les données et permettre l’extraction d’informations en utilisant des prompts en langage naturel. Il reste indéniablement du chemin à parcourir – à peine un tiers des entreprises françaises avaient déployé de l’IA en 2024, comparativement à d’autres régions du monde (59% en Inde, 58% aux Émirats arabes unis ou encore 53% à Singapour). Mais l’opportunité demeure tangible.
Créer de nouveaux Business Models
Cette conjoncture représente également une opportunité non seulement d’accroître la productivité par l’optimisation des processus et l’IA générative, mais aussi de tirer parti de la tendance à la servicialisation.
Ceci revêt une importance particulière dans le secteur manufacturier, où les acteurs traditionnels recherchent de nouvelles opportunités commerciales permettant de générer des revenus à travers des services proposés en complément des produits physiques. Il serait ainsi envisageable d’offrir des prestations de maintenance et de réparation, et/ou des échanges de produits facilités.
La servicialisation est susceptible non seulement d’accroître le chiffre d’affaires et de renforcer la fidélisation de la clientèle, mais elle s’inscrit également en parfaite adéquation avec les objectifs de durabilité et la directive européenne relative au droit à la réparation.
Le groupe Michelin en constitue une illustration pertinente, avec une garantie de longévité de 50 000 km pour ses pneumatiques. Si ce kilométrage n’est pas atteint, Michelin s’engage auprès de ses clients à un remplacement gratuit.
Ces nouveaux modèles économiques devront s’appuyer sur une logistique inverse efficiente pour assurer le retour et la réparation des produits de manière appropriée. Cependant, ce sont précisément des domaines où le Process Mining et l’IA générative peuvent s’avérer particulièrement pertinents.
L’heure est venue pour les chefs d’entreprise français de s’aligner sur leurs pairs mondiaux et d’explorer de nouvelles voies pour optimiser leurs processus. Les opportunités offertes par la technologie sont là, tout comme le besoin. Le monde en mutation rapide dans lequel nous évoluons requiert un leadership plus marqué et une agilité toujours plus grande pour les entreprises.
Par Jean-Roland Brisard, VP of Solution Consulting, Infor