L’IA générative : un accélérateur de compétences pour les professionnels en formation

« CyberForge, apprendre autrement », est un projet porté par la Fondation Falret et financé par le Conseil Régional d’Île-de-France et l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées) et soutenu par la Fondation Sopra Steria. L’intelligence artificielle (IA) générative est souvent perçue comme un outil réservé aux experts ou comme une menace pour les emplois peu qualifiés. Pourtant, une expérience de formation récente prouve qu’elle peut devenir un levier de transformation pour des personnes très éloignées de l’emploi.
En leur apprenant à dialoguer efficacement avec ces outils, nous avons constaté que ces personnes pouvaient atteindre des résultats comparables à ceux de consultants ou d’ingénieurs qui n’utilisent pas l’IA. Ce phénomène repose sur une pédagogie adaptée, une durée de formation suffisante et un ancrage dans des réalités concrètes du monde professionnel.
Une formation centrée sur les apprenants
Ce programme de formation que nous avons mis en place dans le cadre de ce projet s’adresse à un public ayant parfois un niveau scolaire faible et rencontrant des difficultés à accéder au marché de l’emploi. Pendant plus de six mois, ces apprenants ont suivi un cursus intensif basé sur la résolution de cas réels issus d’entreprises.
À titre d’exemple, nous avons collaboré avec la mutuelle Unéo pour proposer des solutions concrètes aux problématiques qu’ils nous avaient soumises. Cette approche pratique a permis aux participants de se plonger directement dans les exigences, les attentes et les contraintes du monde professionnel.
La clé de ce succès repose sur une pédagogie dynamique et principalement centrée sur les apprenants. Les étapes de l’apprentissage ont été conçues pour favoriser la compréhension progressive : évaluer les besoins des entreprises, apprendre à poser des questions précises et à dialoguer avec l’IA, interpréter les réponses générées par cette dernière et valider leur pertinence en équipe.
Nous avons constaté que même des personnes sans bagage technique préalable pouvaient, avec une méthodologie structurée, produire des livrables professionnels de haute qualité ce qui ne serait pas le cas sans l’IA et sans son utilisation habile.
Des équipes mixtes pour une dynamique collaborative
Une des pratiques les plus révélatrices a été de mélanger des équipes composées de personnes en formation avec des consultants et/ou des ingénieurs. Ces sessions collaboratives ont mis en évidence un élément marquant : les apprenants formés à utiliser l’IA générative pouvaient rivaliser en efficacité avec des professionnels confirmés qui ne maîtrisaient pas ces outils par manque de temps.
L’explication tient dans la capacité de l’IA à multiplier les propositions et à effectuer des analyses rapides, ce qui permet aux apprenants de compenser leur manque d’expérience et l’absence de compétences techniques acquises pendant leur formation professionnelle. Par exemple, ces derniers étaient capables de produire des études comparatives, des résumés stratégiques ou des plans d’amélioration organisationnelle avec une précision impressionnante.
La pensée critique : le véritable facteur différenciateur
Cependant, exploiter l’IA générative ne signifie pas simplement obtenir des résultats automatisés. Contrairement à la logique humaine basée sur la déduction, l’intuition ou le jugement individuel, l’IA génère des réponses basées sur des modèles statistiques ou de décision. Cela implique que les apprenants doivent développer une solide pensée critique pour valider ces résultats, les contextualiser et les adapter aux besoins spécifiques des entreprises.
Dans cette optique, chaque session incluait des exercices destinés à renforcer cette capacité d’analyse critique. Les apprenants étaient amenés à comparer les différentes réponses fournies par l’IA, à identifier les biais potentiels et à proposer des ajustements. Ces activités ont non seulement augmenté leur compréhension, mais aussi leur ont permis de prendre confiance en leurs capacités.
Une transformation durable pour l’emploi
Au-delà des compétences techniques, cette formation a offert aux auditeurs un tremplin vers l’emploi auquel ils n’accédaient pas jusqu’alors. L’acquisition d’une maîtrise fonctionnelle de l’IA générative leur a permis de prouver leur valeur dans des environnements professionnels exigeants. De nombreux apprenants ont ensuite été recrutés dans les entreprises partenaires et/ou ont utilisé leurs nouvelles compétences pour créer leur propre activité.
Cette expérience illustre une vérité essentielle : l’IA générative, loin d’être un simple gadget technologique, peut devenir un outil puissant d’inclusion et de réinvention professionnelle. Encore faut-il que les programmes de formation soient conçus avec soin, en mettant l’accent sur la pensée critique et en favorisant l’apprentissage par la pratique réelle ?
Vers un nouveau paradigme de formation
L’avenir du travail passe par une adaptation aux technologies émergentes, mais aussi par une refonte des approches pédagogiques. Cette expérience nous a montré que même les publics les plus fragiles peuvent devenir des acteurs performants du monde professionnel à condition de leur fournir les bons outils et un cadre d’apprentissage adapté.
L’IA générative a le potentiel de transformer non seulement les compétences individuelles, mais aussi les dynamiques économiques et sociales, à condition que nous investissions dans une formation audacieuse et inclusive.
Par Abraham Hamzawi, diplômé de l’Université Paris-Dauphine et de l’ENA, est spécialiste en stratégie des systèmes d’information. Il accompagne les organisations dans l’intégration efficace des technologies avancées, notamment l’IA Générative et la RPA, pour améliorer leur performance opérationnelle, Yann Verchier, docteur, enseignant-chercheur à l’Université de Technologie de Troyes et Professeur associé à l’Université de Sherbrooke. Ses recherches portent sur la transition numérique et l’usage des nouvelles technologies dans les dispositifs de formation, et Myriam Maumy, professeur des universités en santé numérique à l’EHESP – Paris 15ème.