L’IA, c’est maintenant

Auréolées de promesses en tout genre, l’intelligence artificielle devrait dans les mois et les années à venir impacter les économies et accélérer la transformation digitale des entreprises. Si pour le moment ces évolutions sont difficilement mesurables et analysables, les gouvernements et les entreprises commencent à investir, parfois même massivement, pour saisir toutes les opportunités offertes par ces technologies.

Si l’IA n’est pas une technologie nouvelle, elle connaît néanmoins depuis ces dernières années une véritable envolée grâce notamment à l’amélioration des algorithmes et à l’augmentation de la puissance de calcul des
machines.

Les IA Génératives qui aujourd’hui font tant couler d’encre sont ainsi nées de la convergence d’avancées technologiques majeures en modélisation des langues, l’accès à des volumes massifs de données et à l’augmentation significative des capacités de calculs.

Selon les prévisions publiées par les Market Insights de Statista, le secteur mondial de l’IA pourrait ainsi dépasser les 500 milliards de dollars de chiffre d’affaires d’ici 2028, soit une multiplication par quatre par rapport à la taille du marché estimée en 2023.

Les segments qui devraient connaître la plus forte croissance entre 2023 et 2028 sont l’apprentissage automatique, la robotique basée sur l’IA et le traitement automatique des langues, avec une croissance de plus de 200 % attendue par les analystes du marché sur cinq ans (plus de 400 % pour l’apprentissage automatique). L’apprentissage automatique est de loin le segment le plus important du marché : il pesait environ 38 % du chiffre d’affaires total du secteur en 2023, et cette part devrait grimper à plus de 50 % d’ici 2028.

Un impact sur la croissance économique

Bien que l’impact des IA sur les économies soit encore difficilement mesurable, en raison notamment de ses très fortes capacités de développement et d’innovation, plusieurs études sur le sujet ont été réalisées.

La Direction Générale du Trésor estimait ainsi en 2024, dans son rapport sur « Les enjeux économiques de l’intelligence artificielle », « qu’au niveau macroéconomique, il est actuellement trop tôt pour distinguer empiriquement l’effet de l’IA sur la croissance. Un constat notamment relevé en raison de la difficulté à évaluer l’impact de l’utilisation de l’IA à grande échelle.

Plusieurs éléments convergeant conduisent néanmoins les analyses de BNP Paribas CIB-Markets 360 à estimer que l’adoption de l’IA et son impact sur l’économie se feront sentir beaucoup plus rapidement, et ce très probablement d’ici la fin de la décennie :

  • la vitesse d’adoption des nouvelles technologies ne cesse de s’accélérer,
  • la digitalisation de l’économie continue de se renforcer notamment depuis la crise Covid, augmentant les capacités de déploiement de l’IA dans l’ensemble de l’économie
  • les entreprises intègrent rapidement cette nouvelle technologie qui pourrait par ailleurs être adoptée en masse dans les deux à cinq ans à venir,
  • à l’échelle mondiale, les investissements des entreprises dans l’IA ont été multipliés par plus de 10 cette dernière décennie…

Ainsi, malgré les incertitudes qui subsistent sur l’ampleur de son impact potentiel, l’intelligence artificielle pourrait accroître la productivité annuelle de 1 % à l’horizon 2030.

PwC prévoit pour sa part une contribution de l’IA à hauteur de 15 700 milliards de dollars à l’économie mondiale d’ici 2030, en raison notamment de la personnalisation des produits, des gains de productivité et de l’augmentation de la demande des consommateurs. Toujours selon PwC, 14 % d’accroissement du taux de PIB mondial prévu d’ici 2030 serait dû à l’IA. En France, la commission IA évalue une hausse du PIB de 250 à 420 milliards d’euros en 2030 imputable au déploiement de l’intelligence artificielle.

Ces études risquent néanmoins d’être rapidement obsolètes au regard du rythme et du développement des innovations liées à l’IA.

Multiplication des investissements dans l’intelligence artificielle

Gage des potentialités offertes par ce marché, les investissements sur cette technologie se multiplient, à l’instar par exemple du nouveau projet d’intelligence artificielle « Stargate » présenté par Donald Trump en janvier dernier. Ce projet qui réunit le spécialiste du « cloud » Oracle, le géant japonais des investissements SoftBank, et la Start-up d’IA générative OpenAI, devrait faire l’objet de près de 500 milliards de dollars d’investissements dans des infrastructures IA aux États- Unis.

Pendant le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle qui s’est tenu du 6 au 11 février 2025 à Paris, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, a annoncé un plan d’investissement de 200 millions d’euros pour le secteur de l’IA européenne avec le lancement d’« InvestAI ».

La France quant à elle compte en 2025 un millier de Start-ups dans l’intelligence artificielle (contre 502 en 2021). Selon le gouvernement, elles ont levé 1,4 milliard d’euros en 2024 (contre 556 millions d’euros en 2018). Ces acteurs émergents de l’innovation portent de nombreux projets de développement de produits et services reposant sur de l’IA, notamment grâce aux programmes d’investissement de l’État.

Le montant total des aides nationales et régionales associé aux guichets de financement structurels de Bpifrance s’élève à 1,5 milliard d’euros en 2022, soit un investissement public 10 fois supérieur à celui de 2018 (170 millions d’euros).

L’IA bouleverse les modèles économiques des entreprises

« Les technologies sont aujourd’hui prêtes et abordables, explique ainsi Julien Kopp, associé Deloitte France. Les entreprises doivent désormais en saisir les opportunités, définir les cas d’usages qu’elles pourraient en faire, pour ensuite déployer les bonnes technologies qui y sont associées ».

Quels que soient la taille de l’entreprise et son secteur d’activité, l’IA est en effet un outil au service de la productivité et de la compétitivité. Selon PwC, les secteurs les plus exposés à l’IA connaissent des gains de productivité 5 fois supérieurs aux autres secteurs. Elle redéfinit néanmoins les contours du travail, propose de nouvelles solutions pour libérer les collaborateurs de tâches sans valeur ajoutée et leur permet de se consacrer à des missions plus stratégiques et créatrices de valeur pour leur organisation.

« Par exemple dans les banques, il aurait fallu plusieurs dizaines/centaines de personnes pour préparer les rendez-vous clients des conseillers commerciaux, ce qui était difficile à justifier, notamment d’un point de vue économique, poursuit Julien Kopp. Aujourd’hui, cette activité est faite par l’IA. Même si cela a un coût, l’IA apporte dans un tel cas de la valeur concrète aux organisations ».

L’IA peut également accompagner les entreprises dans une exploitation différentes de leurs données. « Une démarche notamment adoptée par la société de transport maritime Maersk, ajoute Julien Kopp. Grâce aux caméras embarquées dans ses ports d’attache et sur les bateaux, la société dispose d’une masse conséquente de données vidéo. L’IA leur permet d’analyser les flux vidéo du trafic maritime, le niveau de chargement des bateaux en fonction des saisons et des ports, en déduire des analyses qu’ils peuvent vendre. Dans ce cas, l’IA leur a ainsi permis de développer une nouvelle activité, et une nouvelle source de revenus ».

De nouveaux métiers naissent également avec l’IA. C’est par exemple le cas de XXII (« Twenty-Two ») qui a développé une solution de vision par ordinateur et d’analyses des flux vidéo grâce à l’IA. « Notre ambition est de devenir le leader mondial de la vision par ordinateur, déclarait William Eldin, CEO de XXII lors de la levée de fonds de 22 milliards d’euros de sa société réalisée en 2023. Nous avons toutes les clés pour y parvenir : une avance technologique et stratégique, une forte reconnaissance de nos clients et de nos partenaires, des cas d’applications qui répondent à des enjeux opérationnels, économiques et sociétaux, au-delà de la sécurité. Le marché s’ouvre, la législation autour de cette technologie se précise ». Depuis, la société s’est notamment fait connaître pour son implication dans la sécurité des JO de Paris.

La maturité des entreprises françaises face à l’IA reste inégale

En dépit des promesses de l’intelligence artificielle, la maturité des PME et ETI face à l’IA reste inégale. Selon le baromètre Konica Minolta de la sérénité numérique 2025, réalisé en partenariat avec l’Institut Occurrence (groupe Ifop), l’intelligence artificielle est perçue comme une opportunité par la majorité des PME/ETI, mais reste sous-exploitée, freinée par des compétences limitées et des décideurs prudents.

« Le niveau de compétence déclaré est faible, ce qui limite la capacité des entreprises à intégrer l’IA, précise Jonathan Leyva, PDG de Konica Minolta Business Solutions France. En effet, d’après notre étude, à peine la moitié des dirigeants se déclarent prêts à intégrer l’IA. Les DAF sont encore plus réticents, ce qui reflète une prudence accrue liée aux enjeux financiers et à la possibilité d’évaluer les retours sur investissement. En revanche, une majorité de DSI, eux, se déclarent prêts. De nombreuses disparités fonctionnelles et sectorielles demeurent. Par exemple, le secteur des Services est plus avancé avec près d’un répondant sur deux, puis l’Industrie, avec un peu plus de quatre répondants sur dix. En revanche, le secteur de la Construction affiche le niveau de préparation le plus faible, avec seulement un tiers des répondants concernés. Nous constatons néanmoins que, bien que les entreprises déclarent un faible niveau de compétences en IA, elles ne considèrent pas leur retard comme critique et ne ressentent pas un stress élevé face à cette transformation. Une situation qui suggère un manque de sensibilisation aux enjeux réels de l’IA ou une minimisation de l’impact lié à son adoption tardive ».

Bien qu’ils soient prudents, notamment en termes d’investissement autour de l’IA, les dirigeants français ont bien conscience des potentialités offertes par cette technologie, notamment en vue d’améliorer la productivité. « Ils manquent encore de visibilité sur les retours sur investissement », poursuit Jonathan Leyva. Pourtant, les cas d’usages commencent à être connus dans différents secteurs d’activité et différents métiers.

Anne Del Pozo

Elle collabore depuis près de 20 ans à différents magazines en qualité de journaliste. Elle y traite de sujets articulés essentiellement autour de la finance, des flottes automobiles, du voyage et du tourisme d'affaires ou encore des ressources humaines. Anne del Pozo participe également à la rédaction de nombreux témoignages clients et de newsletters d'entreprise.

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