L’hypocrisie des Cost Killers détruit de la valeur avant tout

Qu’ils soient en cdd, cdi ou en simple mission de redressement, ils affichent des expertises revendiquées dans d’autres entreprises comme étant des succès alors que très souvent leur passage laisse un goût amer aux équipes qui leur survivent avec toujours une addition sociale salée.
Ils ont un ego surdimensionné du « Monsieur je sais tout et avec moi tout va aller mieux ». Ils parlent d’humain en début de mission pour tenter de se mettre dans la poche les équipes. Ils font dire aux chiffres ce qui peut justifier leurs décisions drastiques.
À aucun moment ils n’ont l’humilité de faire leurs, l’histoire et la culture de l’entreprise qu’ils doivent soi-disant redresser. Ils n’ont pas de temps à consacrer à ses mièvreries humaines car le microcosme juridico financier fait toujours appel à ce type de profil pour avoir le plus rapidement possible des chiffres présentables.
Entre frugalité et coupes radicales, la seule chose qui n’est pas dévalorisée, voir même protégée, c’est leur bonus ou leurs honoraires s’ils sont en mission.
Le principe de fonctionnement est toujours le même
Sans même réfléchir à la pertinence des livrables, on taille dans toutes les dépenses, qu’importe s’il y avait ou pas de la valeur ajoutée. Un mot d’ordre, il n’y a pas de petites économies et tant pis si cela créé du mal être dans les équipes. Seule la rentabilité du court terme prévaut. Les valeurs, la culture, la RSE tout cela est vite oublié sur l’autel de la petite comptabilité.
Sans se soucier des historiques, on annule manu militari les contrats des prestataires, soit pour transférer la charge de travail sur les équipes en place, soit pour les remplacer par la bande d’amis que l’on emmène avec soi de mission en mission. Qu’importe le stress et les burnout qui en découlent.
Sans aucune vision à moyen et long terme malgré de beaux discours marketés et des rapports « en veux-tu en voilà », on rogne dans les effectifs afin d’alléger la fameuse masse salariale quitte à recruter de nouveau 6, 12,18 mois plus tard. Qu’importe la perte de mémoire ainsi sacrifiée, l’essentiel encore une fois c’est le court terme. Inutile de dire que l’image de la DRH n’en sort pas grandie.
Sans chercher à tirer profit de ce qui marchait hier, on fait un plan de redressement dit de vision alors même que la seule vision qui compte c’est le bas de page. Rarement le client ou le consommateur est le centre des préoccupations alors même que c’est lui seul qui peut assurer la pérennité. On fait des coups qu’on qualifie d’opportunités. Pire, certains pour paraître plus intelligent que les autres vont même jusqu’à renier purement et simplement le cœur du business.
Ces quatre points créent l’illusion du redressement et de l’action, y compris parfois sur la durée à l’image de ce qui s’est passé dans un grand groupe automobile dont le dirigeant Cost Killer est remercié avec un chèque indécent face au soulagement des équipes ; ils satisfont les actionnaires financiers mais rarement les équipes.
L’illusion de jours meilleurs qui ont toujours un prix à payer
Le pire dans la plupart des cas est l’exercice d’illusionnisme qui opère, donnant le sentiment que tout va aller et amenant parfois certains à des allégeances fumeuses voir à des retours de veste. La chute est d’autant plus brutale pour celles et ceux tentés par ce chant des sirènes, car une fois la déconvenue survenue, ils ne s’en remettent pas et s’ouvre le douloureux temps des regrets.
Souvent la morale est piétinée derrière les éléments de langage aseptisés du politiquement correct. Mais là il est trop tard pour agir. Le Cost Killer est parti ailleurs porter sa bonne parole, guidé ou coopté par les armadas de conseils en restructuring qui s’engraissent sur le dos des entreprises en difficultés.
Il reste souvent une entreprise malade, avec des équipes déprimées (pour celles qui restent) et des chiffres, une fois que l’on est à l’os, en piteux état.
Parfois, l’entreprise est redressée mais elle a perdu son âme et n’est plus qu’une entreprise comme les autres…
Le pire du pire, c’est d’observer « ces pères la vertu » et de voir comment les banques et autres acteurs juridico financier sont capables d’élever leur style en modèle de la gestion rigoureuse, voir même en école de référence.
Mais le coût humain, direct et indirect, est souvent terrible et entretient ce douloureux sentiment de gâchis et de renoncement. Face aux têtes coupées, la froideur des chiffres passe par pertes et fracas, les grandes notions de fidélité, de culture d’entreprise, d’esprit d’équipe, de valeurs…
Une chose est sûre après le passage des Cost Killers, l’entreprise ne sera jamais plus la même. Sauf si, telle le Phenix, elle renait sous l’impulsion de femmes et d’hommes qui savent régénérer son ADN à l’image de Jean-Dominique Senard qui a redonné à Renault son identité après les années Ghosn et a su s’entourer de Talents pour porter haut les couleurs de l’entreprise.
Par Didier Pitelet, Président Fondateur de La Maison-Henoch Consulting