Les organisations au défi des crises futures

Dans un monde en proie à des crises soudaines, brutales et imprévisibles, les organisations doivent développer des stratégies innovantes pour surmonter ces chocs tout en préservant leur capacité d’innovation et de croissance. Ces événements, comme la pandémie, la hausse des coûts énergétiques consécutive à la guerre en Ukraine ou la diffusion de l’intelligence artificielle générative, affectent tous les niveaux de l’entreprise et questionnent sa résilience.

Face à la complexité croissante des crises et des bouleversements, le monde du vivant offre une source d’inspiration précieuse. Contrairement à l’idée d’un équilibre stable, la nature démontre une adaptation continue, souvent trop lente pour être immédiatement visible, en faisant face de temps à autre à un « mur sélectif », qui voit disparaître des espèces, des populations entières pour laisser place à de nouveaux gagnants.

Le cycle de l’évolution – variation, adaptation, élimination – guide aussi les organisations. Elles évoluent par ajustements successifs, renouvelant leurs pratiques et ressources.

Le mur sélectif : transformer les contraintes en opportunités

Le concept de « mur sélectif », issu de l’évolution biologique, désigne les contraintes environnementales susceptibles de limiter les trajectoires d’évolution, en éliminant les moins résilients. Un mur sélectif opère un tri entre ceux qui s’adaptent et ceux qui échouent.

Dans la nature comme dans les organisations, ces obstacles stimulent l’innovation et redéfinissent les équilibres. La transition numérique illustre ce phénomène : les entreprises incapables de se moderniser disparaissent, tandis que d’autres prospèrent en exploitant de nouvelles opportunités.

Les crises soudaines, imprévisibles et déstabilisantes constituent des murs sélectifs pour les entreprises. Il devient essentiel de savoir les identifier et les franchir. Leur détection repose sur une vigilance stratégique, une culture d’écoute et une capacité à percevoir les signaux faibles. Une approche fondée sur l’intelligence collective permet d’anticiper ces transformations disruptives et d’adopter des stratégies adaptées.

Franchir un mur sélectif demande une double préparation : opérationnelle et culturelle. L’adaptabilité des processus et la résilience des équipes sont essentielles. Des dispositifs comme la gestion prévisionnelle des compétences ou des simulations stratégiques, inspirées du domaine militaire, aident les organisations à se préparer aux défis inattendus.

De notre point de vue, celles qui comprennent et intègrent la logique de fonctionnement d’un mur sélectif vont non seulement survivre aux crises, mais elles vont en ressortir renforcées et innovantes.

Valoriser les perdants pour avancer

Face à un mur sélectif, des pertes sont inévitables. Plutôt que de les nier, il faut les anticiper et les intégrer à la culture de l’organisation : il faut apprendre collectivement à accepter et valoriser les perdants. Cette acceptation facilite une réaction rapide et limite les impacts négatifs, notamment lorsque les perdants sont des collaborateurs. Les RH ont un rôle clé dans cet accompagnement et cette gestion.

Le management intermédiaire doit également s’impliquer en reconnaissant, lors des bilans, non seulement les succès mais aussi les pertes nécessaires à l’évolution. Mettre en avant ces transformations et « glorifier les perdants » permet de renforcer la résilience et l’adaptabilité de l’organisation.

Savoir s’écarter de la gestion de crise classique : de la crise au mur sélectif

Il ne faut pas confondre la gestion d’un mur sélectif avec celle d’une crise. La gestion de crise repose sur des plans préétablis et l’activation de ressources spécifiques pour viser un retour rapide à la normale. En revanche, un mur sélectif exige une préparation à l’imprévisible, comparable à un exercice d’improvisation où créativité et expérience sont essentielles pour limiter les erreurs fatales.

L’objectif ne consiste pas à revenir à la normale : il faut franchir ce mur sélectif sans y laisser trop de plumes, puis, découvrir et gérer un monde différent.

Pour y faire face, trois axes sont essentiels : développer l’agilité managériale, favoriser la prise de décision rapide et renforcer l’autonomie des collaborateurs. Un management réactif évite la propagation de l’incertitude et permet une mise en œuvre efficace des décisions. Des collaborateurs autonomes peuvent être redéployés plus facilement en cas de nécessité. Les DRH doivent intégrer ces principes dans la stratégie de l’entreprise pour renforcer sa résilience.

Anticiper l’inédit : stratégies pour franchir les murs sélectifs de demain

Dans un avenir proche, les organisations pourraient être confrontées à un nombre croissant de murs sélectifs. Leur nature, leur intensité et leur timing restent incertains. Ils pourraient prendre des formes familières (guerre, crise politique, révolution, épidémie, pénurie, etc.) ou nous surprendre sous des formes inédites, telles les récentes taxes douanières de l’équipe Trump.

Il est donc impératif d’intégrer cette réflexion au cœur des stratégies organisationnelles : comment se préparer pour gérer les prochains murs sélectifs ? Cette question constitue un nouveau domaine d’exploration pour le management. Dans cette première analyse, nous avons esquissé plusieurs pistes sans prétendre offrir de solutions toutes faites : agilité, transparence, connaissance du terrain, autonomie, culture du collectif, prise de décision, etc.

À ce stade exploratoire, il nous semble judicieux de s’orienter vers les directions suivantes : s’inspirer des principes du Lean, s’appuyer sur des fonctions existantes telles que la Qualité ou la GPEC, la RSE, former le management et promouvoir la pratique des Serious Games. Nos réflexions à venir auront pour objet d’approfondir ces pistes pour mieux les intégrer dans la gestion des murs sélectifs à venir.

Par Pierre-Louis Bergier et Christophe Coupé


Pierre-Louis Bergier

Ingénieur CentraleSupélec, originaire des métiers des services informatiques Pierre-Louis Bergier s’est forgé une solide expérience en gestion de projets stratégiques et en management d’équipes. Il accompagne les entreprises sur toutes les composantes d’un pilotage des changements adaptés aux enjeux : stratégies, implication des parties prenantes, communications, gestion des victoires, gestion des résistances, dans des contextes de transformations digitales.

Christophe Coupé

Ingénieur en télécommunications et docteur en économie, se consacre à l’accompagnement des organisations et des grands programmes dans leur recherche d’excellence opérationnelle. Fort d’une expérience riche et variée dans plusieurs secteurs, il possède l’expertise nécessaire pour concevoir et mettre en œuvre des solutions pragmatiques, parfaitement adaptées aux enjeux spécifiques de ses clients. Grâce à son approche axée sur les résultats, il permet aux entreprises d’optimiser leur performance et d’atteindre leurs objectifs avec succès, tout en favorisant une culture d’amélioration continue.

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