L’entretien incognito : un défi pour la confiance en entreprise

En poste, de nombreux salariés cherchent activement de nouvelles opportunités, mais cette démarche – tenue secrète – et les défis qu’elle comporte engendrent une pression supplémentaire. Exclusion des projets clés, perte de perspectives d’évolution ou climat de méfiance : les collaborateurs craignent les risques d’être découvert par leur employeur.

En parallèle, dans le contexte actuel de « guerre des talents », les salariés sont également sollicités directement par des recruteurs, accentuant leur désir de changer de poste tout en restant discrets. Ce phénomène, favorisé par une forte demande des secteurs sous tension, illustre la complexité des mobilités professionnelles dans un environnement compétitif.

Les défis logistiques

Lorsqu’un salarié recherche activement un nouvel emploi tout en étant en poste, il fait face à plusieurs défis logistiques. Entre l’agenda professionnel, les obligations, les collègues et l’absence potentielle de flexibilité, ils sont vite amenés à faire face à des difficultés majeures au regard des enjeux pour leur carrière.

Répondre aux appels des recruteurs pendant les heures de bureau peut être particulièrement délicat. Les employés doivent souvent jongler avec leur emploi du temps professionnel, les réunions ou la présence de collègues à proximité, rendant ces échanges plus difficiles si aucun espace à disposition ne permet d’en garantir la confidentialité.

  • Assurer les entretiens physiques relève du véritable challenge, en particulier pour les salariés qui ne bénéficient pas du télétravail ou de flexibilité sur leurs horaires. Poser un jour de congé ou un RTT pour ces occasions est parfois la seule solution, mais cela doit être pensé avec soin car des absences ponctuelles récurrentes pourraient attirer l’attention.
  • Les entretiens à distance nécessitent autant de concentration et de disponibilité que les rencontres en présentiel. Bien que le format en visioconférence semble plus simple en apparence, ces entretiens requièrent également une organisation particulière, surtout pour ceux qui n’ont pas accès au télétravail. Réserver un endroit calme et isolé dans un environnement professionnel peut se révéler complexe,  notamment dans des bureaux partagés ou des open spaces, puis parler bas pour ne pas être entendu accentue le stress tout en risquant de compromettre le succès de l’entretien.
  • Gérer des documents personnels au sein de l’entreprise pour la création, l’actualisation et l’impression de CV, lettres de motivation ou portfolios tout en maintenant une certaine discrétion n’est pas chose facile. L’utilisation d’équipements ou de réseaux professionnels pour ces tâches personnelles est à éviter autant que possible, mais cela implique de pouvoir séparer ces activités dans le temps et l’espace.
  • Fournir des références professionnelles peut poser un problème pour les candidats encore en poste. Certaines entreprises demandent ces références dès les premières étapes du processus de recrutement. Or, pour les candidats, il s’avère souvent difficile d’obtenir des recommandations sans que leur employeur actuel n’en ait connaissance.
  • Gérer le stress supplémentaire généré par les entretiens, notamment lorsqu’ils s’enchaînent, demande beaucoup d’efforts aux candidats. Ce stress peut être difficile à dissimuler dans un cadre professionnel et peut altérer l’attitude au travail, tout comme les relations avec les collègues et la productivité.

La recherche d’emploi : un tabou ?

Au lieu de se cacher, il serait préférable que les salariés en recherche puissent discuter ouvertement de leur démarche avec leur employeur, sans craindre de conséquences négatives. Cela ouvrirait la voie à deux grandes possibilités :

  • Instaurer le dialogue pour améliorer la situation actuelle : Si l’employeur souhaite retenir l’employé, cela pourrait permettre d’ouvrir des discussions honnêtes sur les besoins, les désirs voire les frustrations de ce dernier. De tels échanges constructifs pourraient mener à des ajustements ou à des solutions favorisant le bien-être de l’employé au sein de l’entreprise, tout en renouvelant son engagement.
  • Préparation à une transition en douceur : Si l’employé est déterminé à quitter l’entreprise, une communication transparente faciliterait un départ aussi fluide que possible. Cela inclurait la passation des dossiers et le recrutement anticipé d’un remplaçant dès lors que l’employé démissionnaire sécurise un nouvel emploi, permettant ainsi une séparation en bon termes, sans précipitation. Cela est d’autant plus important, dans un contexte de pénurie de talents, que certains employés qui partent peuvent souhaiter revenir, devenant des “employés boomerang”. De manière générale, il est essentiel de prêter attention à sa stratégie de départ en tant qu’employeur, car ces anciens employés pourraient aussi devenir des clients, des prestataires de services ou des ambassadeurs, contribuant ainsi à attirer de nouveaux talents pour l’entreprise.

Le pouvoir de la transparence

La transparence sur les démarches de mobilités professionnelles a ses avantages pour toutes les parties. Pour l’employé, cela peut permettre d’optimiser la recherche d’emploi en exploitant des outils comme LinkedIn ou des Cvthèques sans craindre que l’employeur ne le découvre. Cela offre aussi la possibilité de partager son CV et d’interagir avec des recruteurs ou des contenus professionnels sans pression.

Pour l’employeur, connaître les raisons de la recherche d’un nouvel emploi par un salarié peut s’avérer constructif. Cela peut permettre d’éviter de reproduire certaines frustrations au sein de l’entreprise ou, parfois, de comprendre que l’employé souhaite simplement explorer de nouveaux horizons. Cette prise de conscience est importante pour déculpabiliser les deux parties. Cependant, il est essentiel de rappeler que l’employé reste maître des informations qu’il choisit de partager. Les détails concernant les entreprises ciblées, par exemple, peuvent rester confidentiels.

Un équilibre à maintenir

En échange d’une communication transparente avec son employeur, l’employé se doit de rester engagé et performant jusqu’au jour de la transition. Par ailleurs, garder ses projets et ses ambitions discrètes au sein de l’équipe est essentiel pour maintenir une atmosphère professionnelle sereine.

Dans un monde professionnel idéal, la recherche d’un nouvel emploi devient un processus ouvert et les employés peuvent discuter librement de leurs aspirations avec leur employeur sans crainte de répercussions. En favorisant une meilleure compréhension des besoins et des frustrations, ce dialogue permet aux dirigeants d’adapter leurs pratiques pour renforcer la satisfaction et l’engagement de leurs équipes. Lorsque des employés quittent effectivement l’entreprise, une communication transparente facilite également une transition harmonieuse, ouvrant même la porte aux retours fructueux de ceux qui ont acquis de nouvelles compétences ailleurs. En cultivant cette culture de transparence, les entreprises améliorent non seulement leur taux de rétention, mais deviennent également proactives dans la gestion des talents, faisant de la transparence une véritable force ”, commente Laurent Girard-Claudon, fondateur d’Approach People Recruitment.

 

La rédaction

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