Le private equity en question

Dans le contexte économique actuel, financer son entreprise par le private equity ou capital-investissement reste une alternative. Décryptage…

En 2011, les actifs gérés par le capital-investissement ont grimpé de 9 % à 3 000 milliards de dollars (source LaTribune.fr). Une croissance étonnante dans le contexte économique. A contrario, pour Thierry Dartus, directeur Transaction Advisory Services chez Grant Thornton, un cabinet d’audit et de conseil, la situation est nettement moins rose aujourd’hui : « On constate un net retrait des levées de fonds et une contraction des volumes. Le nombre d’entreprises qui bénéficient de ce type d’investissements reste, par contre, à peu près le même ». Et d’expliquer cette morosité, entre autres raisons, par les « nouvelles instructions fiscales » décidées par le gouvernement actuel. Une crainte à priori non justifiée. Le budget 2013 devrait maintenir l’exonération fiscale au taux de 50 % pour les ménages assujettis à l’ISF qui investissent dans les PME. Les raisons tiennent davantage à la frilosité des investisseurs. Un rapport* de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris dresse un état des lieux plus nuancé. Il constate que le nombre d’entreprises faisant appel au capital-investissement reste assez modeste. Il se chiffrait à 1 685 entreprises en 2010. Les rapporteurs attribuent cette relative faiblesse à la focalisation sur les entreprises innovantes. Le même rapport estime que le capital-investissement « ne couvre donc pas les besoins de la grande masse des entreprises en manque de fonds propres ».

Sur le terrain, les différentes formes du capital-investissement connaissent des fortunes très diverses. Pour rappel, le capital-investissement consiste pour un investisseur à entrer au capital d’entreprises ayant besoin de capitaux propres. Des entreprises qui ne sont, en général, pas cotées en bourse. « Il s’agit un peu de remplacer les banques », explique Frédéric Zablocki, directeur associé d’Entrepreneur Venture, un spécialiste du domaine. L’investissement ne rime pas forcément avec prise majoritaire pour l’investisseur. « Il peut s’agit de FCPR dédiés aux obligations convertibles », ajoute Frédéric Zablocki. Cet investissement se traduit par une prise de participation dans le capital, minoritaire ou majoritaire, ou par la reprise de ces obligations par l’entreprise.

Les différentes déclinaisons
Les professionnels du financement se sont spécialisés dans différentes formes de capital-investissement pour financer le démarrage, la croissance, la transmission ou le redressement, voire la survie de l’entreprise ; des étapes corres­pondant au Capital Risque, Capital Dévelop­pement, Capital Transmission / LBO et Capital Retournement. Le gros des fonds part dans le capital-développement, « nous nous intéressons aux PME qui réalisent entre 10 et 30 millions d’€ de chiffre d’affaires », illustre Frédéric Zablocki. Les chiffres de l’Afic**, une association professionnelle du secteur, confortent cette tendance. En 2010, sur les 1 685 entreprises au total, le capital-développement en a concerné 916.

Frédéric Zablocki précise qu’Entrepreneur Venture « accompagne des PME rentables dans leur développement ». Pour Thierry Dartus, de Grant Thornton, il s’agit par exemple d’aider des dirigeants « à racheter des concurrents. Nous travaillons pour obtenir le meilleur prix d’achat et identifier les synergies entre les entreprises, comme la mutualisation des systèmes d’infor­mation, par exemple. Quand on achète une structure déjà bénéficiaire, il faut s’assurer qu’elle continuera à être rentable après l’acquisition ». Les PME innovantes, notamment celles spécialisées dans les biotechnologies ou les nouvelles technologies, captent une bonne partie des fonds de capital-risque. Le capital-transmission, souvent sous forme de rachat par LBO***, a concerné 264 entreprises en 2010 et a drainé des fonds importants ces dernières années. Il s’agit souvent du rachat des parts de la société par la direction. La crise a limité ce dernier type d’opérations.

Les points sensibles
Quelque soit le type d’investissement, il se traduit, comme avec les financements bancaires, par une charge financière mais aussi par une prise de participation dans le capital. Thierry Dartus, de Grant Thornton, souligne : « Notre rôle est de nous assurer que les entreprises pourront soutenir le service de la dette. Si le rendement n’est pas là, les contrats prévoient des clauses permettant d’augmenter les parts dans l’entreprise ». Pour les investisseurs, il s’agit de bénéficier de la fiscalité ISF-PME permettant à un ménage de réduire son impôt à hauteur de 50 %. Entrepreneurs Venture gère les avoirs de quelques 17 000 investisseurs en les plaçant dans 80 PME, soigneusement sélectionnées afin de garantir au mieux la ren­tabilité annuelle et les plus-values lors de la sortie du capital. Dans les faits, les délais sou­haités par les investisseurs avant sortie du capital varient en fonction des secteurs d’activité entre 3 et 10 ans. Choisir une solution de capital- investissement suppose donc de vérifier de nombreux points, de la spécialisation (type d’investissement, secteurs économiques, etc.) à la surface financière en passant par les délais de sortie et la rentabilité exigée. Une démarche risquée mais obligée au vu de la pusillanimité des banques.

Par Patrick BRÉBION

 

* www.entreprises.ccip.fr/web/pme/les-techniques-de-financement-des-entreprises

** www.afic.asso.fr

*** LBO ou leveraged buy-out : acquisition d’une entreprise par endettement bancaire ou obligatoire

 

Retour terrain : Avencall se tourne vers des investisseurs

Créée en 2009, Avencall est éditeur et intégrateur d’une solution de communication unifiée basée sur des logiciels libres. Malgré une forte croissance dès le départ – le chiffre d’affaire était de 3,6 M€ en 2011 et devrait atteindre 5 M€ en 2012 et 10 M€ en 2013 – la société n’a pas trouvé de financement à la hauteur de ses besoins, pour son développement auprès des banques. Elle se tourne alors vers des investisseurs et trouve trois fonds : Sigma Gestion, InnovaFonds et la CDC via son FSN PME, « des fonds complémentaires », souligne Anthony Lavigne, directeur administratif et financier de la société. D’un montant global de 3 M€, la levée de fonds correspond en partie à un emprunt obligatoire convertible, « au bout de 4 ans, les fonds ont la possibilité de convertir leurs obligations en actions et de renforcer leur prise de partici­pation dans le capital social ou bien d’en demander le rembour-sement partiel ou total au gré de la société ». Pendant cette période, Avencall assure un taux d’intérêt minimal garanti aux investisseurs. Cette levée de fonds « va permettre le développement en France par la création de nouvelles agences commerciales, mais aussi de se développer à l’international, de financer la R&D* et le BFR** générés par cette hausse d’activité dont notamment les nouvelles embauches », résume Anthony Lavigne.

Patrick Brébion

Après des débuts dans le développement logiciel, Patrick est devenu journaliste dans les années 90. Depuis, il couvre de nombreux sujets pour la presse BtoB avec une prédilection pour les technologies de l’information.

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