Laurent Prenant, Président du Groupe Prenant : un fin stratège

L’imprimerie familiale Prenant a été créée en 1965 par Christian et Jacques Prenant, père et grand-père de Laurent. À l’époque, l’entreprise d’imprimerie n’a qu’une presse monocouleur et un employé. Par la suite, Christian Prenant va acquérir d’autres machines feuille. En parallèle, il se lance sur le marché de la rotative.

Pendant de nombreuses années, l’entreprise s’est développée, toujours à l’équilibre et installée dans deux bâtiments. Par la suite, elle va avoir l’opportunité de regrouper ses activités sur le site de Vitry, un atelier jusqu’alors occupé par le brocheur Peghaire. Mais il faut alors déménager deux machines anciennes et installer trois nouvelles rotatives. Ce déménagement et la réorganisation ont été fatals à l’entreprise. Le 11 septembre 1997, l’imprimerie Prenant dépose le bilan avec une période d’observation. L’entreprise a alors dû repartir sur de nouvelles bases.

En janvier 2002, Laurent Prenant, qui était entré dans la société à l’âge de 22 ans en qualité de commercial puis était devenu directeur commercial, est nommé Président du groupe. À partir de 2008, il décide d’effectuer des opérations de croissance externe avec notamment la reprise de l’Imprimerie Nationale, Lasermatic, CFI, VIC, Diamant Graphic, Ferréol, Diam, etc. Christian Prenant reste quant à lui toujours très actif au sein du groupe.

Groupe Prenant equipe dirigeanteDepuis 2012, Laurent Prenant et son équipe ont participé aux nombreuses opérations de croissance externe du groupe et à la mise en oeuvre des stratégies de montée en gamme et de personnalisation à toutes les étapes de la chaîne graphique. Le groupe Prenant capitalise désormais autour de 3 sites de production, proposant ainsi une offre globale avec des entreprises ayant des savoir-faire complémentaires. Un service complet optimal avec cette recherche constante de la valeur ajoutée…

GPO Magazine : Aujourd’hui, comment est organisé le groupe Prenant ?
Laurent PRENANT : Le groupe Prenant est composé de six unités, en grande partie spécialisées soit par leurs équipements, soit par les produits qu’elles fabriquent : La Galiote (Vitry-sur-Seine, 94) spécialisée dans l’impression rotative, FP Industries (Vitry-sur-Seine) dédiée au façonnage, Diamant Graphic (Choisy-le- Roi, 94), spécialisée dans l’imprimé rare et précieux, Atelier Concours (Choisy-le-Roi, 94) spécialisée dans l’imprimé sécurisé, CFI Technologies (Evry-Lisses, 91), dédiée au Marketing direct et à l’éditique.

C’est ainsi que les métiers du groupe intègrent le digital, de la création à l’exécution, l’impression sous toutes ses formes numérique, Offset…, le façonnage sous toutes ses finitions ainsi que le routage (mise sous enveloppe, adressage et expédition).

GPO Magazine : Vous dirigez le groupe Prenant, est-ce que vous avez toujours voulu être entrepreneur ?
Laurent PRENANT : À l’origine, je voulais être avocat ou architecte mais je n’avais pas fait les études pour le devenir. De son côté, mon père me conseillait de travailler dans la pub. Avec le recul, je n’ai aucun regret d’être entré dans l’entreprise familiale créée par mon grand-père et mon père. Je me suis pris au jeu dès ma première prise de fonction de commercial dans cette entreprise. Et j’ai voulu aborder ce secteur réputé difficile avec un oeil différent en m’inspirant de ce qui fonctionnait ailleurs. En ce sens, je suis devenu entrepreneur car j’étais porteur d’un projet.

GPO Magazine : Quel a été votre parcours ?
Laurent PRENANT : J’ai un Bac scientifique et j’ai fait une école de commerce (ESG, spécialisation internationale). À l’âge de 22 ans, je suis entré dans l’entreprise familiale dirigée à l’époque par mon père. Je suis presque autodidacte mais j’ai toujours eu un sens pratique assez développé. J’ai débuté par un poste de commercial, ce qui est une très bonne chose, car la fonction commerciale est un maillon central de l’articulation de l’entreprise avec le client.

Par la suite, je suis devenu Président du groupe éponyme. Lorsque les opportunités de croissance externe se sont présentées, j’ai entamé la diversification du groupe familial afin de sécuriser son avenir dans un monde de la communication imprimé en plein bouleversement.

GPO Magazine : Le groupe familial a connu des années difficiles en 1997, vous pouvez dire : « tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort » ?
Laurent PRENANT : À partir de 1997 et jusqu’en 2000, nous avons vécu des années difficiles. Un dépôt de bilan avec une période d’observation : ce n’est pas rien. Mais nous avons su nous relever. En effet, avant le dépôt de bilan, l’esprit d’équipe faisait défaut. L’entreprise risquait de disparaître et à ce moment-là, il y a eu une prise de conscience de tout le personnel qu’il fallait sauver le groupe. Cela a eu le mérite d’assainir les relations professionnelles : certains sont partis, d’autres (220 salariés) sont restés en se serrant les coudes. Nous avons présenté un plan de continuation et en 10 ans, nous avons réussi à apurer toutes nos dettes.

GPO Magazine : Comment votre groupe a-t-il réussi à repartir de l’avant ?
Laurent PRENANT : Il a fallu adapter de nouvelles méthodes de gestion et réorganiser l’entreprise. On a constitué une « machine de guerre » avec la rigueur prônée par mon père comme stratégie d’entreprise. Cela ne nous a pas freinés dans des investissements novateurs, toujours à la pointe de la technologie. Nous nous sommes interrogés sur l’avenir de notre entreprise. Comment faire pour que notre entreprise reparte sur de nouvelles bases ? Une réduction des coûts ? Des investissements ? Des innovations ?

Nous avons fait le pari risqué de la croissance avec un apprentissage accéléré de tous les dispositifs de croissance qui s’offrent à un entrepreneur. Nous avons fait à la fois de la croissance organique (développement matériel et logistique, élargissement de l’offre de produits et de services) et de la croissance externe (rachats d’entreprises). Au fil des années, nous avons conforté cette stratégie, ce qui nous a permis d’aboutir à une croissance à un chiffre pour la croissance organique et à deux chiffres pour la croissance externe.

Le développement de notre groupe nous a permis de devenir leader sur le marché en l’espace de 10 ans. Par la suite, nous avons été copiés sur cette stratégie par la concurrence.

GPO Magazine : En quelle stratégie croyez-vous pour un groupe tel que le vôtre ?
Laurent PRENANT : Nous n’avons jamais opté pour une stratégie de croissance internationale. En effet, chaque pays a ses propres règles, habitudes et le time to market est très court dans le domaine de l’imprimerie. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire de la délocalisation. En outre, nous devons nous adapter à la demande de chaque client. La consolidation du secteur est donc inéluctable. Elle passera par des rapprochements entre les groupes leaders et des acquisitions permettant de conforter nos parts de marché.

GPO Magazine : Quel est le moteur de la transformation de l’imprimé ?
Laurent PRENANT : L’innovation est pour nous le moteur de la transformation de l’imprimé. Nous ne recherchons pas à tout prix la réduction des coûts. À l’heure du tout digital, nous croyons en l’avenir du papier s’il est ennobli, personnalisé et connecté. Nous allons même plus loin et à notre sens, la cohabitation des supports papier et digital sont complémentaires et deviennent une nécessité. Cela matérialise la promesse d’un annonceur tant pour conquérir que pour fidéliser sa cible.

GPO Magazine : Qu’est-ce que l’arrivée de la presse Landa a changé dans votre entreprise ? Va-t-il y avoir d’autres technologies innovantes à venir ?
Laurent PRENANT : Nous avons été sollicités par l’entreprise Landa. Philippe Vanheste, DGA du Groupe Prenant, s’est alors rendu en Israël pour voir la presse du constructeur israélien Landa. Nous avons été conquis car c’est une vraie révolution de l’impression numérique. De ce fait, nous avons décidé de la faire venir dans notre groupe.

Il s’agit d’une nouvelle technologie israélienne d’impression nanographique, qui parvient à combiner la polyvalence et les avantages économiques inhérents aux courts tirages de l’impression numérique, avec les qualités et la productivité de l’Offset. En effet, la taille minuscule des pigments Landa Nanolnk©, et leur capacité à former une très fine couche d’encre, permet d’imprimer en numérique à de très hautes vitesses, comparables à celles de l’Offset.

Outre une qualité de restitution des couleurs inégalée, sa mise en oeuvre est simplifiée et ouvre de nouveaux champs d’application tant pour les créatifs que pour les directions Marketing.

GPO Magazine : Quelles sont les valeurs auxquelles vous êtes attaché en tant que dirigeant d’entreprise ?
Laurent PRENANT : Notre groupe est engagé sur des valeurs fondamentales tels que le respect du droit du travail, de l’environnement, des droits de l’Homme, la lutte contre la corruption,… Le Groupe Prenant est signataire de la Charte de la diversité (proposée à tout employeur qui souhaite, par une démarche volontariste, agir en faveur de la diversité et dépasser ainsi le cadre légal et juridique de la lutte contre les discriminations). La bienveillance et le bien-vivre ensemble sont l’une de nos priorités.

En outre, nous avons à coeur de respecter l’environnement. Notre groupe est certifié PEFC promouvant la mise en place d’une chaîne de contrôle depuis la forêt (provenance du bois jusqu’au produit fini, papier certifié PEFC). Nous avons aussi le label Imprim’Vert (élimination conforme des déchets dangereux, sécurisation des stockages de liquides dangereux, non-utilisation de produits toxiques, sensibilisation environnementale des salariés, suivi des consommations énergétiques du site,…). Nous sommes en mesure de fournir pour chaque commande un récapitulatif reprenant le tonnage et les caractéristiques du papier.

Enfin, nous avons adopté l’encre blanche eco-friendly. L’une des entreprises du groupe, La Galiote, est le deuxième rotativiste français à généraliser l’utilisation d’encres de haute performance avec un impact environnemental réduit.

GPO Magazine : Est-ce que comme beaucoup d’entrepreneurs, l’arrivée de la Covid-19 a entraîné de profonds changements dans votre entreprise ?
Laurent PRENANT : Fort heureusement, notre groupe a un service informatique très performant : tous les postes sont virtualisés et nos collaborateurs ont pu faire du télétravail. Cependant, certaines tâches ne peuvent pas être faites chez soi. Nous avons pris conscience de l’importance de la transformation digitale à tous les niveaux de l’entreprise. L’automatisation des tâches simples et récurrentes est en cours afin de permettre à nos collaborateurs de s’épanouir davantage dans des missions plus intéressantes. Cohésion et résilience sont les maîtres-mots qui guident nos actions à venir pour les prochains mois.

GPO Magazine : Vous avez fait le pari de la croissance externe : quels sont les avantages ?
Laurent PRENANT : Il y a différents types de croissance externe : fusion, acquisition, prise de participation… Nous avons repris plus de 20 entreprises en 15 ans, soit plus d’une entreprise par an. Nous avons racheté à la fois des entreprises in bonis et en difficulté. Concernant les entreprises in bonis, nous avons à chaque fois repris l’intégralité des collaborateurs, lesquels nous transmettent leur savoir-faire.

Concernant les entreprises en difficulté, nous n’avions pas l’obligation d’employer tous les collaborateurs. Il faut mesurer la complexité de reprendre une entreprise de ce type. Car la reprise ou le rachat d’une entreprise ne peut être réussie sans une véritable réflexion stratégique et de rigoureux préparatifs. En outre, je dois partager mon emploi du temps entre les différentes entreprises qui font partie du groupe et une entreprise que je dois remettre sur les rails. C’est à la fois excitant avec une montée d’adrénaline, moins de routine mais angoissant.

Faire le pari de la croissance externe comme nous l’avons fait est une vraie prise de risques mais à la fin, nous pouvons dire avec fierté : « We did it ! ». Au final, c’est un formidable accélérateur de développement ainsi que l’opportunité de rencontrer de nouveaux collaborateurs avec des nouvelles idées.

GPO Magazine : La réalité augmentée est-elle devenue une technologie incontournable ?
Laurent PRENANT : Nous tenons là un véritable rôle de Business Angel. Il y a 5 ans, nous avons, avec le Groupe Revue Fiduciaire, fait de gros investissements en ce sens : 33 personnes travaillent chez nous dans ce secteur. Nous sommes implantés au Canada ainsi qu’aux États-Unis. Nous sommes persuadés qu’il n’y a pas de guerre entre le digital et le papier. C’est pour cette raison que j’ai décidé de connecter ces deux supports afin de garder le meilleur d’entre eux. Au papier l’émotion et l’éveil des sens, au digital le complément d’informations et les réseaux sociaux.

GPO Magazine : Quels sont les défis à relever dans les années à venir ?
Laurent PRENANT : Il convient encore de consolider notre marché et d’installer durablement le groupe comme leader de l’imprimé « premium ». Il faut aussi redonner au papier toutes ses lettres de noblesse, tout en le faisant cohabiter avec les supports digitaux.

GPO Magazine : Arrivez-vous à « décrocher » ? Comment vous ressourcez-vous ?
Laurent PRENANT : Un entrepreneur n’arrive jamais à décrocher complètement. Il est multitâche : il peut s’occuper d’un problème RH, informatique, marketing, financier, etc. Il doit gérer une multitude d’informations et doit savoir prendre des décisions stratégiques.

Je parviens néanmoins à me ressourcer au travers de ma famille et de mes amis. Je fais rarement des voyages lointains car je n’en ai pas le temps. Je pars quand je le peux en Corse. D’ailleurs, pourquoi partir ailleurs ? Le dépaysement est total : on a la chance d’avoir le sable blanc, la mer avec des eaux transparentes, la montagne… Ce n’est pas un hasard si on l’appelle : « L’Île de Beauté ».

Le Groupe Prenant en quelques chiffres

3 sites
49500 m2
432 collaborateurs
500 clients
CA 60,3 M€
10 000 tonnes de papier en stock

Linda Ducret

Linda Ducret a une double formation : littéraire (hypokhâgne, licence de philosophie) et juridique (maîtrise de droit des affaires, DESS de Contrats Internationaux). En 1987, elle devient avocate et crée son cabinet en 1990. Elle exerce pendant 15 ans dans différents domaines du droit (droit des affaires, droit pénal, droit de la famille…). Depuis 2005, elle est journaliste avec comme terrains de prédilections : les dossiers stratégie du dirigeant, propriété intellectuelle, nouvelles technologies, Incentive...Mais également les visions et les portraits d’entrepreneurs. Écrire est l’une de ses passions. En 2009, elle publie un roman policier Taxi sous influence, finaliste du Prix du Premier roman en ligne. Elle a publié un recueil de nouvelles : Le Ruban Noir ainsi qu’un polar : L’inconnue du Quai Henri IV.

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