La gestion de projet : un métier, pas une improvisation !

« Par ma foi ! Il y a plus de vingt ans que je fais de la gestion de projet sans que j’en susse rien ! » Cette exclamation, inspirée de Monsieur Jourdain dans Le Bourgeois Gentilhomme de Molière, pourrait être celle de nombreux professionnels qui, au quotidien, organisent des tâches, coordonnent des équipes et suivent des échéances sans jamais revendiquer le titre de chef de projet. Car gérer un projet semble, en apparence, à la portée de tous.

Pourtant, cette approche intuitive est souvent source d’échecs retentissants. Un projet mal cadré, des délais mal maîtrisés, des risques sous-estimés et c’est toute une initiative qui vacille, avec des conséquences parfois désastreuses pour l’entreprise.

L’illusion du « bon sens » contre la rigueur méthodologique

Comme Monsieur Jourdain, nombreux sont ceux qui « font de la gestion de projet » sans en maîtriser les fondamentaux. Ils comptent sur leur bon sens, convaincus que quelques notions d’organisation suffisent pour mener un projet à bien. Or, le management de projet est une discipline à part entière, alliant méthodologies, bonnes pratiques et compétences interpersonnelles (les soft skills).

Un projet réussi repose sur une approche structurée :

  • Un cadrage clair pour définir le périmètre, les objectifs et les parties prenantes.
  • Une vision éclairée du chef de projet, garantissant des prises de décisions cohérentes.
  • Des méthodologies éprouvées pour adapter la réalisation du projet aux enjeux.
  • Une gestion des risques rigoureuse, intégrée dès le départ pour anticiper l’imprévu.
  • Une capacité à bien gérer et communiquer avec toutes les parties prenantes : commanditaire, client, bénéficiaires, équipe projet, fournisseurs, instances réglementaires, médias, …
  • Des outils de suivi performants, car un projet bien géré ne repose pas sur des intuitions, mais sur des indicateurs concrets.

Les tendances actuelles

Aujourd’hui, la gestion de projet évolue en profondeur, portée par plusieurs tendances majeures qui transforment son rôle et son impact.

  • L’ère de l’économie de projet

Les entreprises se structurent généralement autour de deux grands domaines : l’opérationnel, qui garantit leur fonctionnement quotidien, et les projets, qui façonnent leur adaptation et leur stratégie future. Avec l’essor de l’intelligence artificielle et de l’automatisation, l’exécution de l’opérationnel est de plus en plus confiée à des systèmes divers et variés, réduisant ainsi le besoin en ressources humaines dans ce domaine.

En parallèle, pour relever les défis de leur marché, les entreprises doivent lancer des projets à forte valeur, alignés sur leurs objectifs de transformation et d’innovation, marquant ainsi l’essor d’une véritable économie de projet.

Cette évolution impose un redéploiement des ressources humaines vers les projets, et donc le recrutement et la formation de professionnels des projets très compétents.

  • La formation continue des savoir-faire et savoir-être

Les compétences d’un chef de projet ne se limitent pas à l’expertise technique et méthodologique. La réussite d’un projet repose également sur des compétences humaines essentielles (soft skills), telles que le leadership, la gestion du changement, la communication, la collaboration, la négociation, la gestion des conflits, l’intelligence émotionnelle…

Dans un environnement en perpétuelle évolution, former et accompagner les collaborateurs sur ces dimensions, est devenues un levier déterminant pour garantir la réussite des projets. Le rapport « Pulse of the Profession » 2024 du PMI (*) souligne d’ailleurs que les organisations investissant dans la formation continue, combinée à des dispositifs d’accompagnement tels que le coaching, le mentorat ou les communautés de pratique, améliorent significativement la performance de leurs projets.

  • L’hybridation des méthodologies

L’opposition parfois « idéologique » entre les méthodes projet dites prédictives (Waterfall, Cycle en V) et l’agilité tend à s’estomper. Aujourd’hui, pour gagner en efficacité, les projets adoptent de plus en plus une approche hybride, tirant parti des méthodologies traditionnelles pour les éléments planifiables tout en intégrant l’adaptabilité itérative pour mieux gérer les incertitudes et les évolutions rapides du marché. Maîtriser cette flexibilité et savoir ajuster la gestion de projet en fonction du contexte, sont devenues une compétence essentielle.

Cette tendance à l’hybridation connaît une croissance rapide, passant de 20 % en 2020 à 31,5 % en 2023 (*). Néanmoins, ce choix dépend de multiples facteurs : la nature du projet, les objectifs stratégiques, l’environnement économique, le secteur d’activité, la dynamique des équipes et bien d’autres paramètres.

  • L’IA comme copilote, mais le chef de projet reste profondément humain

L’intelligence artificielle est déjà un allié majeur pour les chefs de projet, facilitant l’automatisation des reportings, l’aide à analyse des risques et la planification. Le rapport « Pulse of the Profession » (*) souligne d’ailleurs l’importance pour les professionnels de la gestion de projet de développer des compétences techniques avancées, notamment dans l’utilisation de l’IA.

Toutefois, bien que l’IA va continuer d’optimiser l’efficacité des chefs de projet, elle ne pourra jamais se substituer à leur capacité d’adaptation, leur approche visionnaire et leur intelligence relationnelle. La gestion de projet reste avant tout un métier profondément humain, où la capacité à inspirer, fédérer et prendre des décisions éclairées demeure essentielle et irremplaçable.

Professionnaliser la gestion de projet : une nécessité stratégique

Ainsi, dans un contexte de transformation accélérée, il est essentiel de dépasser l’amateurisme et d’adopter un management de projet structuré et professionnalisé. Les entreprises qui misent sur le développement des compétences et la vision stratégique de leurs chefs de projet renforcent leur efficacité, leur agilité et leur compétitivité.

Investir dans la formation aux meilleures pratiques, valoriser les certifications reconnues, telles que le PMP (Project Management Professional), et instaurer une véritable culture projet sont des facteurs déterminants dans la compétitivité des entreprises. Cette culture ne doit pas se limiter aux professionnels des projets, elle implique forcément une forte prise de conscience des dirigeants et du top management.

Il est temps de reconnaître que la gestion de projet ne s’improvise pas. Gérer un projet, c’est un véritable métier qui requiert expertise, méthodologie et leadership. Le management de projet est devenu un levier essentiel à la performance durable et à la réussite des organisations.

Par Bruno Doucende, CEO Synertic et Président PMI France

(*) www.pmi.org/learning/thought-leadership/pulse/future-of-project-work

 

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