Jérôme Garnache-Creuillot : « Nous sommes au bon moment, au bon endroit »

En novembre 2024, Valdunes Industries a vu son activité relancée, enregistrant 4 millions d’euros de commandes pour le marché ferroviaire. Un succès qui semble conforter le groupe Europlasma, repreneur de la société, dans la diversification de ses activités. Son PDG, Jérôme Garnache-Creuillot, nous explique ses choix industriels et financiers.

Le groupe Europlasma a étoffé son offre en 2024, à la suite de la reprise de l’entreprise Valdunes. Avec le site des Forges de Tarbes, vous disposez désormais d’une capacité de production unique en Europe. Quels investissements avez-vous réalisés pour moderniser l’appareil industriel ?

Mes engagements de confidentialité en matière d’information privilégiée ne me permettent pas de vous donner des chiffres, mais des investissements importants ont été réalisés, et d’autres, plus importants encore, sont à venir. Désormais, nous automatisons davantage les procédés, nous nous efforçons de réduire la pénibilité de certains métiers en investissant dans les postes de travail. Le mois dernier notamment, six centres d’usinage sont arrivés aux Forges de Tarbes, ce sont des investissements significatifs. 

Au printemps dernier, vous avez repris Valdunes, spécialisée dans la fabrication de roues de train, dont les installations vous permettront également de travailler pour l’industrie de défense. Comment avez-vous financé ce nouvel investissement ?

Quand nous avons repris Valdunes au tribunal de commerce, nous savions que nous devrions opter pour des modes de financement alternatifs, en dehors des formats bancaires traditionnels. La réglementation bancaire, transposition d’un ensemble de directives européennes, impose aux banquiers, lorsque qu’une entreprise a été placée en redressement judiciaire, une mobilisation de fonds propres dans des proportions telles que cela renchérit le crédit au point qu’il devient impossible d’emprunter.

Nous avons donc utilisé le même schéma de refinancement que lors de la reprise d’Europlasma en 2019 et de celle des Forges de Tarbes en 2021, en optant pour un refinancement par OCABSA (obligations convertibles en actions avec bons de souscription d’actions), certes dilutif mais qui constitue la seule voie pour permettre le retournement d’une entreprise comme Valdunes. La perte inhérente à la dilution ne peut être compensée que par une création de valeur équivalente dans le même moment. Or, dans l’industrie, le retournement d’une société en grande difficulté prend du temps.

La réalité est crue. Sans ce refinancement alternatif obtenu auprès de notre partenaire financier, les Forges de Tarbes n’existeraient plus, alors qu’aujourd’hui, elles tournent à plein régime et sont même devenues un élément constitutif très important – voire stratégique – de la BITD française. Il en va de même pour Valdunes et son savoir-faire qui garantit à la France la pérennité d’une activité essentielle dans le secteur ferroviaire. À l’heure de la mobilité verte et de la décarbonation de l’économie, c’est crucial puisque nous serons en mesure de satisfaire, en France, la demande industrielle française d’un transport à faible émission de CO2 conférant à ses utilisateurs un avantage compétitif certain.  Notre projet de préserver notre souveraineté industrielle dans un secteur clé fonctionne. 

Les difficultés de financement sont-elles encore un frein à votre développement aujourd’hui ?

En sa qualité de holding, Europlasma a réussi à intégrer les Forges de Tarbes, Satma et Valdunes, grâce à ces modes de financement. Proportionnellement, nous consommons de moins en moins d’OCABSA. Quand nous avons repris Europlasma en 2019, le rythme de refinancement était supérieur à 1 million d’euros par mois. Aujourd’hui, nous sommes très en-dessous alors que le nombre des activités a triplé. Certaines d’ailleurs n’ont plus besoin de la liquidité procurée par les OCABSA.

En effet, des pans entiers du groupe passent au vert. Les activités du secteur de la Défense et la fabrication de CSR (combustibles solides de récupération) fonctionnent très bien. Nous allons déployer des activités de Défense dans le Nord, ce qui va nous permettre d’endosser des investissements importants et d’augmenter très rapidement et très sensiblement notre chiffre d’affaires. À terme, la bonne santé des filières d’Europlasma devrait rapidement permettre au groupe de s’affranchir des OCABSA.

Quels sont les principaux défis stratégiques auxquels vous êtes désormais confrontés ?

Chez Valdunes par exemple, nous avons fondé notre reprise sur des éléments très tangibles de rationalisation de l’activité historique et de diversification dans la Défense. Avec la forge, nous avons acquis un outil industriel capable de produire des pièces parmi les plus compliquées de la planète, en mettant de côté le secteur nucléaire. Nous fabriquons des roues de train de passagers à grande vitesse,  l’excellence est de mise pour des raisons de sécurité. Notre outil industriel ne va certes pas très vite, mais il est robuste et opéré par des techniciens d’excellence.

Maintenant, il faut investir pour développer cette activité parce que nous disposons de tout : le savoir-faire, les connaissances et les salariés. Notre problème majeur pour accélérer nos activités et augmenter notre capacité de production, ce sont les ressources humaines.

Comment cet enjeu impacte-t-il votre activité aux Forges de Tarbes et sur le site de Valdunes à Dunkerque ?

En France, pendant de nombreuses d’années, nous avons dissuadé les jeunes d’aller vers les filières techniques et technologiques, synonymes d’échec scolaire. Et aujourd’hui, nous nous rendons compte que pour réindustrialiser le pays, il faut des ingénieurs et des techniciens, et nous en manquons terriblement.

Chez Europlasma, nous avons besoin de savoir-faire en pénurie, alors que nous sommes investis dans des activités porteuses. Ainsi, la loi de programmation militaire prévoit près de 400 milliards d’investissements jusqu’en 2030. Faute de ressources humaines, il va falloir automatiser massivement.

Mais l’automatisation, ce sont aussi des ingénieurs, des techniciens, des régleurs… La question des ressources humaines reste donc centrale. Sur les sites de Valdunes, nous faisons revenir des salariés, licenciés au moment de la reprise par l’ancien actionnaire, et nous en formons de nouveaux. Nous n’avons pas pu reprendre tout le monde, mais avec l’accumulation des contrats que nous signons dans des conditions de rentabilité et de réalisation satisfaisantes, j’espère que nous pourrons le faire progressivement  : ils sont les dépositaires d’une expérience et d’un savoir-faire dont l’industrie française ne peut pas se passer.

Les Forges de Tarbes et Valdunes sont stratégiques et constituent des fleurons de l’industrie française. Avez-vous d’autres exemples au sein de votre groupe ?

Au sein d’Europlasma, nous avons Satma, à côté de Grenoble, seule entreprise au monde aujourd’hui, en dehors de la Chine, qui fabrique les feuilles d’aluminium entrant dans la composition des condensateurs de démarrage, selon un procédé développé par Péchiney. Les condensateurs sont des composants stratégiques, indispensables au bon fonctionnement de l’électro-ménager, ou des calculateurs, dans les industries de Défense notamment.

Concrètement, à quelques kilomètres de Satma, l’entreprise STMicroelectronics fabrique des semi-conducteurs, dont les activités sont jugées stratégiques, avec comme actionnaires principaux la BPI et l’État italien. Comme le condensateur de démarrage est essentiel au fonctionnement d’un semi-conducteur, et que la quasi-totalité de la production de la feuille d’aluminium est localisée en Chine, on comprend que Satma est une entreprise des plus essentielles à notre souveraineté.

Initialement, le cœur de métier d’Europlasma était le traitement des déchets dangereux, via votre filiale Inertam par exemple. Avez-vous de nouveaux projets dans ce secteur ?

Inertam reste la seule entreprise au monde à traiter l’amiante sans l’enfouir. La reprise d’Inertam a été un peu chaotique parce qu’il fallait revoir beaucoup de choses sur le plan industriel, parce qu’il y a eu la crise sanitaire qui a paralysé le secteur du désamiantage et parce qu’ensuite la crise énergétique a renchéri notre procédé. Toutefois, nous avons réduit sensiblement notre consommation énergétique. Par ailleurs, l’un des écueils au redéploiement d’Inertam et à son développement, est le fait que les clients n’avaient d’autre choix que celui d’enfouir à 100%, ou de traiter via Inertam à 100%, sans alternative. Or, le traitement est beaucoup plus cher que l’enfouissement : il y a un actif industriel complexe à financer, à opérer, avec une main d’œuvre très spécialisée. Mais enfouir l’amiante ne résout rien : on cache un produit dangereux « sous le tapis », que l’on peut ensuite retrouver dans les nappes phréatiques.

Nous étions donc pénalisés. Mais le mois dernier, nous avons repris une autre entreprise, FP Environnement, qui fait du désamiantage et de la dépollution. Désormais, avec FP Environnement, rebaptisée FP Industries, nous allons proposer un panachage à nos clients qui souhaiteraient majoritairement opter pour le traitement plutôt que pour l’enfouissement. Ce sont nos clients qui, en fonction de leurs capacités financières, choisiront la quantité à traiter et celle à enfouir.

Forges de Tarbes, Valdunes, Satma, Inertam… La diversification d’Europlasma est-elle la clé de la bonne santé du groupe ?

Nous avons une stratégie, l’investissement dans des activités stratégiques. Notre travail porte ses fruits, notre objectif est d’accélérer cette politique. Dans le secteur de la Défense, le marché est en très forte croissance, les cartes sont redistribuées, nous sommes agiles et créatifs. Nos concurrents dans l’industrie ferroviaire sont à saturation alors que nous avons des disponibilités. Nous avons tous les atouts entre les mains pour réussir, en particulier notre capacité à tenir les délais pour livrer les commandes. Nous sommes au bon moment, au bon endroit avec les savoir-faire les plus éprouvés.

La rédaction

Le service Rédaction a pour mission de sélectionner et de publier chaque jour des contenus pertinents pour nos lecteurs internautes à partir d’une veille approfondie des communiqués de presse pour alimenter les rubriques actualité économiques, actualités d’entreprises, études ou encore actualités sectorielles. Pour échanger avec notre service Rédaction web et nous faire part de vos actualités, contactez-nous sur redaction@gpomag.fr

Du même auteur

Bouton retour en haut de la page

Adblock détecté

S'il vous plaît envisager de nous soutenir en désactivant votre bloqueur de publicité