L’intelligence humaine, juge de paix de l’adoption des innovations

A mesure que l’innovation technologique accélère, le différentiel avec la capacité d’adoption des utilisateurs se creuse et pose la question de l’utilité. Quand l’entreprise doit-elle décider du déploiement de nouvelles technologies ? S’agit de forcer l’adoption et l’usage au risque de perdre des collaborateurs au passage ? Ou bien d’adopter une démarche plus raisonnée au risque de laisser passer plus qu’une tendance, une opportunité d’avantage concurrentiel ?

Diffusion des technologies : la folle accélération

Statista a récemment publié des chiffres intéressants concernant le temps qu’il a fallu aux grands services et plateformes en ligne pour atteindre 1 million d’utilisateurs. ChatGPT détient pour le moment le record : 5 jours seulement. En comparaison, il avait fallu 3 ans et demi à Netflix pour franchir ce seuil symbolique. C’était bien sûr à une autre époque et ces chiffres montrent surtout une chose : la diffusion des innovations se fait de plus en plus rapidement. D’autant plus quand elles sont ultra médiatisées et que la curiosité nourrit l’engouement.

Actuellement, plus de 60 % de la population mondiale possède un téléphone portable, dont 80 % sont des smartphones. Ces appareils connectés, ajoutés aux 22 milliards d’autres appareils non téléphoniques connectés de la même manière, constituent l’internet des objets. Ce réseau composé de voitures intelligentes, de systèmes de sécurité, de téléphones et même de feux de signalisation partage une grande quantité exponentielle d’informations et devrait compter 50 milliards d’appareils d’ici à 2030 (source : How Fast is Technology Advancing).

Si la technologie progresse si rapidement, c’est parce que chaque innovation technologique multiplie les possibilités et fait généralement baisser les coûts de la technologie. Cette baisse des coûts rend les technologies actuelles de plus en plus accessibles, ce qui les rend plus répandues, et ces innovations ouvrent des portes pour développer les prochaines technologies, ce qui les aide à progresser rapidement et, à leur tour, à devenir plus accessibles.

Adoption des technologies : une réalité plus nuancée

Diffusion veut-elle nécessairement dire adoption ? Il faut probablement apporter de la nuance face à tous ces chiffres vertigineux. Le succès sans précédent d’OpenAI, par exemple, se traduit-il par une adoption pleine et entière dans les usages ? Certes, la plateforme estime qu’elle a atteint 100 millions d’utilisateurs en janvier dernier, deux mois à peine après son lancement. Mais tous ne l’adoptent pas de la même manière. Combien l’utilisent pour l’essayer, pour se distraire occasionnellement ? Combien en exploitent réellement les capacités ? Combien ont radicalement transformé leur productivité au travail grâce à cette IA ?

Un autre type de nuance peut être avancé : l’adoption d’une technologie ne signifie pas nécessairement que son usage est positif. Une partie (importante ?) des utilisateurs de technologies d’IA générative s’en servent de manière inappropriée, se déchargeant de tout effort intellectuel et créant de la médiocrité dans le meilleur des cas, quand elles ne violent pas les droits d’auteur ou font du plagiat.

Dans d’autres cas, diffusion et même adoption (si large soit-elle) ne signifient pas acceptation. Prenons les trottinettes électriques. Cette innovation a certes connu un immense succès dans les grandes villes, mais son usage dévoyé crée finalement plus de nuisances que de bénéfices – entrainant le ras-le-bol des citadins et poussant de plus en plus de villes à les interdire.

En somme, la courbe de diffusion est rarement également à la courbe d’adoption, et cette dernière comporte un large éventail de nuances – allant parfois jusqu’au rejet.

Temporalité, utilité, responsabilité

L’adoption des technologies se fait à un rythme humain, relativement linéaire, alors que les technologies elles-mêmes se transforment à un rythme exponentiel. Même en considérant que l’humain est de plus en plus apte à intégrer les innovations technologiques et qu’il le fait plus rapidement d’une génération à l’autre, ses limites sont vite atteintes. Cela signifie que notre capacité à adopter et à nous adapter à ces nouvelles technologies est aujourd’hui largement dépassée par le rythme de l’innovation.

Cette temporalité est un premier point que les entreprises doivent prendre en compte lorsqu’elles définissent leur stratégie d’innovation et choisissent les technologies qu’elles souhaitent intégrer.

Le second point est celui de l’utilité : une innovation n’a de sens que si elle est utile. Cela va sans dire, certes, mais cela n’empêche pas beaucoup d’entreprises de ne pas appliquer cette règle et de suivre parfois aveuglément l’air du temps. Combien de déploiements décidés par mimétisme ou effet de mode, et qui finalement restent inutilisés ou presque (les chatbots, par exemple) ?

Ces deux aspects – temporalité et utilité – doivent guider les décisions des entreprises et leur permettre de prendre le recul nécessaire pour faire les bons choix en termes d’innovations technologiques. Ce n’est pas qu’une question de stratégie, c’est une question de responsabilité.

Par Loïc Besnard, Director of Product Marketing & Head Technology Evangelist chez EasyVista

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