Comment l’entreprise peut-elle faire face à l’inflation ?
Pour limiter l’impact des hausses des coûts, tout en préservant leurs marges, les entreprises disposent de différents leviers à actionner dans le contexte inflationniste actuel.
Si pendant plus de 30 ans l’inflation (hausse généralisée des prix des biens et des services) est restée basse, notamment en France où elle oscillait entre 0 et 3 % par an), elle a brusquement augmenté depuis l’été 2021. Les sources gouvernementales font ainsi état d’une évolution de l’inflation de 1,5 % à 6,8 % entre juillet 2021 et juillet 2022, avant de légèrement ralentir en août dernier (6,5 %).
Cette hausse de l’inflation est portée par des facteurs aussi bien conjoncturels (augmentation de la demande après la pandémie, guerre en Ukraine, relance budgétaire massive ou encore faiblesse de la monnaie unique) que structurels (modification des comportements d’achats, augmentation des prix de l’énergie, politique monétaire des banques centrales, etc.).
Un contexte qui n’est pas sans conséquence sur les entreprises. 77 % des répondants au baromètre « Comment les PME réagissent-elles à l’inflation ? » (Agicap, octobre 2022) estiment ainsi que l’inflation impacte leur entreprise.
« Certaines, particulièrement touchées par la hausse du prix de l’énergie, anticipent même déjà des arrêts de leur activité, voire craignent pour leur propre survie, précise Philippe Cheron, directeur général d’Agicap France. D’autant que le retour aux prix de l’énergie d’avant la pandémie Covid n’est pas attendu avant plusieurs années. D’autre part, l’augmentation du prix de l’énergie impacte également le coût des matières premières ».
À cette conjoncture inflationniste, il convient désormais d’ajouter le remboursement des PGE qui pourrait contribuer à mettre encore plus les trésoreries sous tensions.
Ainsi, selon le baromètre Agicap, le top 3 des priorités des entreprises en matière de gestion de trésorerie pour les douze prochains mois concerne la hausse des cours de l’énergie (49 %), l’accès au financement (51 %) et la hausse du coût des matières premières (64 %). Des priorités qui seront d’autant plus complexes à surmonter que la plupart d’entre elles sont déterminées à préserver leurs marges. À cet effet, elles disposent de différents leviers.
Anticiper les hausses des coûts des matières premières
En premier lieu, elles disposent d’outils pour anticiper la hausse des coûts des matières premières. « Elles ont notamment la possibilité de mettre en place une stratégie de « hedging » qui consiste à se couvrir contre les fluctuations des prix du marché, souligne Philippe Cheron. Aujourd’hui, ce dispositif est notamment adapté pour répondre aux évolutions à la hausse des coûts des matières premières et de l’énergie ».
Dans le cadre de ce dispositif, les entreprises conviennent d’un prix pour un produit qui sera livré ultérieurement et prennent une « option » (assurance) pour supprimer le risque de variation des cours du marché.
Une solution notamment adoptée par le verrier Duralex dont le coût de l’énergie représente désormais 40 % du chiffre d’affaires (contre 5 et 7 % l’année précédente). Pour assurer la pérennité de l’entreprise, Duralex a fait le choix début novembre de mettre en veille sa production, tout en faisant l’acquisition dès maintenant de l’énergie nécessaire au fonctionnement de ses fours à partir d’avril 2023. Une acquisition de l’énergie à un prix certes plus élevé que les années précédentes, mais qui lui permettra de reprendre l’activité au printemps à des prix plus acceptables que ceux des mois de novembre à février.
« Les entreprises peuvent également mettre en place une technique de « Power Purchase Agreement » (contrat d’achat d’électricité) qui permet d’obtenir un prix fixe garanti pour l’électricité, et ce pour une durée pouvant aller de 3 à 15 ans, voire plus, poursuit Philippe Cheron. En contrepartie, l’entreprise ne pourra bénéficier d’une baisse éventuelle du prix de l’énergie ».
Renégocier les contrats fournisseurs
Pour réduire leurs dépenses achats, les entreprises ont également la possibilité de travailler sur leurs modalités contractuelles. Certains contrats s’appuient sur des indices de référence de marché.
« Les entreprises peuvent alors optimiser la gestion de ces indices de référence, notamment en vérifiant qu’ils sont en leur faveur et que leur fréquence de mise à jour est bonne et bien respectée, poursuit Philippe Cheron. Par exemple, lors d’une négociation avec un transporteur, il est possible d’indexer le coût des transports au prix de l’énergie ».
D’autre part, une facture est souvent réalisée sur la base de plusieurs composantes, chacune représentant un levier de négociation. Par exemple, une facture d’électricité s’articule autour du coût de la production, du transport et de la distribution. Si la production dépend du prix du marché et n’offre pas de marge de manoeuvre, il est en revanche possible de négocier les prix fixes tels que ceux liés au transport et à la distribution.
Dans le cadre de ces renégociations, les entreprises ont également la possibilité de revoir les clauses liées aux délais de paiement avec leurs fournisseurs. Cette démarche permet d’avoir plus de marge de manoeuvre en matière de gestion de trésorerie. Pour calculer quel est le délai de paiement le plus opportun, il convient que l’entreprise réalise un suivi strict de sa trésorerie et de ses différentes échéances mensuelles. Elle pourra alors solliciter des délais de paiement fournisseurs en adéquation avec ses besoins.
Cette démarche doit cependant bien être contractualisée car les délais de paiement sont encadrés par la loi. Le délai de paiement est fixé, par principe, au 30ème jour suivant la réception des marchandises ou l’exécution de la prestation. Mais ce délai peut aller au-delà des 30 jours, sans dépasser 60 jours à partir de la facturation (ou 45 jours fin de mois) s’il est précisé au contrat.
Quelles aides de l’État pour les dépenses de gaz et d’électricité ?Le point avec Laurent Coynel, associé KPMG FranceFace à l’augmentation des coûts de l’énergie, le Gouvernement a mis en place différents processus de soutien, notamment aux entreprises. Les industriels très énergivores peuvent ainsi bénéficier du dispositif Aide Énergie, correspondant à un pourcentage des coûts éligibles, qui vise à compenser les surcoûts de leurs dépenses en gaz et en électricité. Cette aide ne s’adresse qu’aux entreprises dont le coût de l’énergie représentait 3 % du chiffre d’affaires en 2021, et qui subit un doublement du prix du gaz et/ou de l’électricité sur la période éligible par rapport à une moyenne de prix sur l’année 2021. Selon le Ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Lemaire, ces contraintes d’éligibilité à ce dispositif pourraient être allégées l’année prochaine, afin que davantage d’entreprises en bénéficient. Les entreprises de moins de 10 salariés ou dont le bilan ou chiffre d’affaires est inférieur à 2 millions d’euros bénéficient pour leur part du tarif de l’électricité réglementé. Il leur revient alors de se tourner vers leur fournisseur d’électricité pour mettre en place ce dispositif. Selon le Ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Lemaire, ces contraintes d’éligibilité à ce dispositif pourraient être allégées l’année prochaine, afin que davantage d’entreprises en bénéficient. Les entreprises de moins de 10 salariés ou dont le bilan ou chiffre d’affaires est inférieur à 2 millions d’euros bénéficient pour leur part du tarif de l’électricité réglementé. Il leur revient alors de se tourner vers leur fournisseur d’électricité pour mettre en place ce dispositif. D’autre part, les entreprises qui recourent à un prêt bancaire pour payer leurs factures d’énergies, peuvent également demander une garantie de l’État (à hauteur de 70 %). Cette dernière fonctionne comme le système du Prêt garanti par l’État (PGE). |
Comment continuer à se financer et à se développer dans un contexte inflationniste ?