IA et décarbonation : entre vigilance et opportunité

L’IA est aujourd’hui à un stade capital de son développement, devant se confronter au défi majeur de concilier son potentiel d’innovation avec l’urgence de décarbonation. À ce sujet, Google a récemment reconnu avoir enregistré une hausse de 48 % de ses émissions de gaz à effet de serre en raison du recours à l’IA. Une annonce qui suscite des inquiétudes sur l’impact environnemental des innovations technologiques.
Les voix les plus pessimistes préviennent d’une croissance non maîtrisée de la consommation d’énergie, mettant en garde contre une augmentation des usages et donc des émissions carbones. Pour autant, les avancées technologiques peuvent aussi être perçues comme une opportunité d’améliorer les performances énergétiques, notamment grâce à un suivi et une meilleure prédiction des consommations.
Sobriété, décroissance ou croissance responsable ?
L’émergence de l’IA soulève des questions importantes : impact indéniable sur nos vies, nos emplois, nos interactions sociales et, point essentiel, sur l’équilibre de notre environnement. En partant de ce constat évident, il devient alors impératif d’aborder ce sujet avec une vigilance toute particulière, en intégrant les questions éthiques, sociales et environnementales pour une utilisation responsable de cette technologie dont on entend tant parler, mais qui, il ne faut pas l’oublier, reste émergente.
Les visions les plus pessimistes invitent à une réflexion profonde sur nos modes de vie et sur la nécessité de revenir à des pratiques plus sobres pour limiter notre impact sur la planète. En 2022 déjà, Jean-Marc Jancovici déclarait : « Il n’y a pas d’échappatoire au problème climatique ». Un appel à de plus en plus de sobriété, considérant toute autre solution comme vaine.
Pourtant, un avenir de croissance responsable où l’IA aurait nécessairement un rôle clé est envisageable. Malgré une augmentation potentielle des usages, les avancées technologiques peuvent contribuer de manière significative à la réduction de l’empreinte carbone à travers des solutions innovantes ou des approches comme l’IA frugale, qui vise une consommation énergétique réduite. Il ne s’agit pas d’une innovation en soi, mais plutôt d’une composante essentielle du développement de l’IA.
Ouvrir la voie à la transition
En proposant des solutions innovantes concentrées sur une réduction de la consommation énergétique, il est possible d’ouvrir la voie à une transition vers des pratiques plus durables et respectueuses de l’environnement. Par cette perspective plus optimiste, on appelle à réfléchir sur le potentiel de l’IA à concilier avancées technologiques et préservation de la planète. Le progrès technologique, sur de nombreux points encore en phase d’immaturité, présente un potentiel considérable pour transformer notre manière de consommer l’énergie et pour réduire l’empreinte carbone à long terme.
En exploitant les capacités d’apprentissage et d’optimisation de l’IA, nous avons l’opportunité de repenser nos systèmes énergétiques, d’anticiper les besoins en énergie et de mettre en place des solutions plus efficaces et durables. L’intégration de l’IA dans la gestion intelligente des ressources énergétiques peut non seulement améliorer l’efficacité opérationnelle, mais aussi contribuer à une réduction significative des émissions de carbone. On peut alors considérer l’IA comme un acteur clé dans la transition vers une économie plus verte et respectueuse de l’environnement.
Les grandes puissances face à un monde en évolution
En 2023, les énergies renouvelables ont représenté pour la première fois plus de 30% de la production mondiale d’électricité, selon le rapport annuel sur les énergies renouvelables de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE). Cette évolution souligne les progrès en cours pour accroître la part des énergies propres dans le mix énergétique mondial, tout en mettant en lumière le besoin pressant d’accélérer la transition énergétique pour atteindre les objectifs de décarbonation.
Si l’Union européenne se distingue aujourd’hui en tant que pionnière de la décarbonation, en adoptant des politiques environnementales strictes et en s’engageant vers une économie plus verte, des disparités d’engagement entre les différentes puissances mondiales sont évidentes. Les États-Unis et la Chine, bien que dotés de moyens considérables, doivent encore intensifier leurs actions en faveur de la décarbonation. Mais le progrès technologique offre des opportunités transfrontalières pour relever les défis climatiques à l’échelle mondiale.
La collaboration internationale dans le domaine de l’innovation et de la technologie peut favoriser le partage des connaissances, des solutions et des bonnes pratiques pour accélérer la transition écologique. Les avancées technologiques telles que les énergies propres, les solutions numériques et l’IA peuvent jouer un rôle clé dans cette transition, en fournissant des outils innovants pour réduire les émissions de carbone et promouvoir un développement durable à l’échelle internationale.
Ne devrions-nous pas considérer l’intelligence artificielle comme une opportunité pour une transition écologique globale et harmonisée en tirant parti de l’engagement des acteurs régionaux et des avancées technologiques ?
Par Charles Sutton, CTO et cofondateur de DataScientest