Hausse des cotisations patronales sur les bas salaires : quels vrais effets pour les entreprises ?
Le gouvernement projette d’augmenter, dès le 1er janvier prochain, les charges patronales pour les salaires compris entre le Smic et 3,2 Smic. Cette mesure ferait gagner 5,1 milliards d’euros à la Sécurité Sociale, et permettrait, selon les défenseurs de cette mesure, d’encourager les employeurs à augmenter leurs salariés payés au Smic.
Mais elle suscite aussi une levée de boucliers de la part du patronat. Quels sont les vrais effets de cette mesure pour les entreprises, quels enjeux en termes d’emploi et de compétitivité ?
La désmicardisation, enjeu de la réforme
On parle depuis près de deux ans de « désmicardisation » en référence aux 50% de salariés français du privé qui perçoivent 2100 € net ou moins par mois, soit 1,5 SMIC. Les annonces du gouvernement s’inspirent de l’idée selon laquelle ces salariés ne sont pas augmentés car leur employeur n’y est pas incité : en-dessous de 1,6 SMIC, il bénéficie d’un allègement de charges tel que cela lui coûterait trop cher d’augmenter son salarié. On considère ainsi qu’il en coûte 241 euros à un employeur s’il veut augmenter de 100 euros net un salarié célibataire sans enfant payé au SMIC.
« Cette mesure propose donc de sortir de la « trappe à bas salaires » en rendant moins intéressant pour l’employeur le fait de payer ses salariés au SMIC, explique Angélique Acosta, directrice associée du cabinet de conseil Spartes. C’est la première fois depuis 30 ans qu’on s’attaque aux charges concernant les bas salaires, c’est pourquoi les auteurs du rapport qui a inspiré cette mesure parlent de briser un tabou ».
Quel véritable impact pour les entreprises ?
Les petites entreprises, et celles qui emploient beaucoup de main-d’œuvre à bas salaire, (transport, propreté, BTP, aide à domicile, patrons de TPE…) seront les plus touchées.
« Mais l’impact reste relatif, reprend Angélique Acosta : sur un salaire de 2000 euros par exemple perçu par un chauffeur routier, les charges vont augmenter de 320 d’euros par an, soit seulement 26 euros/mois de plus pour l’employeur ».
Par ailleurs, bon nombre d’aides aux entreprises, qui existent toujours, restent sous-utilisées. Au total, moins de 30% des entreprises utilisent les aides auxquelles elles auraient droit : par exemple, les aides à la formation, à l’alternance, les aides géographiques…
« Il en existe plus de 30 au total, explique Angélique Acosta, mais les entreprises les ignorent ou se découragent devant leur complexité. Pourtant, les budgets existent ! Je pense donc qu’elles peuvent mieux utiliser ces aides pour moins subir l’impact des hausses de charges. Nous les aidons à identifier les aides auxquelles elles ont droit, et les assistons dans leurs démarches pour recouvrer les sommes auxquelles elles peuvent prétendre ».
Par ailleurs, les entreprises qui maintiennent les salaires de leurs salariés durant leurs arrêts maladie doivent récupérer des indemnités journalières auprès de la Sécurité Sociale. Or, 20% de ces indemnités ne sont jamais récupérées. C’est une autre piste d’économie sur laquelle peuvent se pencher les entreprises.
Finalement, cette mesure permettra-t-elle de sortir de la trappe à bas salaires ?
« On peut en douter, estime Angélique Acosta. Les calculs à effectuer pour savoir jusqu’où augmenter les salaires, sans trop augmenter les charges patronales, s’avèrent tellement complexes que beaucoup d’entreprises renoncent. Je pense qu’elles vont tout simplement considérer que, puisqu’elles ont plus de charges à payer sur l’ensemble des salaires, elles augmenteront moins leurs salariés ».
Cette mesure risque surtout de tendre le climat social qui n’est déjà pas serein, les représentants du personnel vont soupçonner les dirigeants de se « cacher » derrière ces augmentations de charges pour éviter d’augmenter leurs salariés. Et les employeurs, de leur côté, vont avoir le sentiment d’être les « têtes de turc » que le gouvernement cible à chaque fois qu’il a besoin de nouvelles recettes.
« Pour conclure, je pense que cette mesure n’atteindra guère son objectif de désmicardisation, et qu’elle va plutôt peser sur le dialogue social, résume Angélique Acosta. En revanche, son impact sur la trésorerie des entreprises restera limité, d’autant plus si elles utilisent mieux les autres aides existantes ».