GED et éthique documentaire
Le numérique est partout dans notre vie. Il nous entoure, nous séduit, nous amadoue avec son intelligence artificielle qui améliore nos travaux, corrige nos travers. La Gestion Électronique de Documents (GED) est omniprésente dans notre quotidien, même quand ce n’est pas notre métier. De l’autre côté du miroir, l’écologie pointe du doigt ces « irresponsabilités » pour notre planète, pour les générations futures. Heureusement, nous avons des clés pour agir.
L’histoire a pris racine avec le rapport Meadows en 1972 puis s’est assoupie jusqu’au Forum économique Mondial, lancé par Kofi Annan en 2000. La démarche RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) se concrétise, se structure et se légifère. Sans urgence, trop souvent prise à la légère.
Le rythme s’est accéléré avec la percée des différents mouvements écologistes ; le papier recyclé, le tri et le compost ne suffisent plus ! Aurélien Barrau, Thimothée Parrique, Pablo Servigne, Jean-Marc Jancovici (pour ne citer qu’eux) nous le répètent à chaque interview : le système actuel et son mode de fonctionnement ne peut perdurer.
L’Ademe nous concocte des rapports toujours plus alarmants à chaque parution. Les alarmes sonnent de toute part, concernant l’impact écologique de notre travail quotidien ; nous en sommes submergés et souvent, trop souvent, agacés. Parfois démunis.
Une éthique de vie, même numérique
L’éthique pourrait se résumer à agir positivement pour un plus grand nombre. Nous ne sommes pas parfaits, mais nous pouvons faire du mieux possible. Les indices de réparabilité ont fait leur apparition mais ce sont nos actes, nos choix qui feront la différence.
Si vous avez envie de jeter votre appareil électroménager, qui vous en empêchera ? Certaines choses prennent du temps, d’autres se font instinctivement. Nous avons bien appris à éteindre la lumière en sortant de chez soi, à mettre en veille ou débrancher des appareils électroniques quand nécessaire. N’est-ce pas ?
Dans le numérique, certains médias nous rappellent que renouveler nos smartphones tous les ans ou tous les deux ans n’est pas une bonne idée, qu’une télévision n’a pas besoin d’être renouvelée à l’occasion d’une promotion. Nous lisons aussi que passer par le wifi de la maison est plus « salutaire » que la 4G ou la 5G. Même si c’est sympa de pouvoir finir un épisode de sa série préférée dans les transports en commun.
Parfois, nos gestes dépendent de notre volonté. De notre intelligence.
La transformation numérique des entreprises accélère depuis une vingtaine d’années, transformant nos méthodes de travail sensiblement. Les emails sont privilégiés aux échanges téléphoniques, les facturations électroniques ont pris le pas sur les factures papier et les courriers qui allaient avec.
Même les billets d’avion, les tickets de métro ou les billets de train disparaissent à grande vitesse, pour intégrer nos smartphones. Nous suivons le mouvement avec les applications qui se démultiplient sur nos smartphones, dématérialisant nos différentes relations aux banques ou aux fournisseurs d’énergie.
Les premiers gestes éthiques
Il ne s’agit pas d’arrêter de travailler ou de tout quitter pour devenir survivaliste. Changer nos habitudes ou notre perception, peut déjà suffire. Nous connaissons les fameux « cleaning days » annuels. Changeons le rythme et essayons de le faire chaque mois, ou mieux encore, chaque semaine.
Dans nos différentes boîtes mails, nous avons des mails inutiles, des éléments supprimés (mais pas tout à fait puisqu’ils sont encore dans la corbeille), des mails envoyés qui contiennent des documents que nous avons sur notre ordinateur et qui ont été envoyés pour information à des tiers. Sans parler des mails tellement anciens que l’on ne se souvenait même plus de leur existence. Détruisons ces mails et gagnons de la place sur les serveurs de messagerie. Chaque petit pas contribuera.
Le rapport de l’Ademe de mars 2023 indique qu’entre 2020 et 2050, nous allons passer d’une consommation de 2,7 Mt équivalents CO2 pour les Centres de Données à 10,9 Mt dans le meilleur des cas et plus probablement à 22,8 Mt.
Je crois sincèrement que nous pouvons inverser la tendance, au travers d’actions éthiques.
Dans ces mêmes scenarii, l’Ademe est incapable de mesurer l’impact du déploiement de la 5G (6G et plus), de l’aspect Intelligence Artificielle et autres nouveaux usages (Microsoft a indiqué en 2022 que l’IA obligeait à consommer 30 % d’eau en plus pour refroidir ses serveurs dédiés). L’usage de l’Intelligence Artificielle en est à ses débuts.
Tous les utilisateurs de l’IA lui permettent d’apprendre et de progresser et cela laisse donc des traces électroniques de plus en plus conséquentes. À nous de décider comment utiliser cette IA efficacement : outrageusement ou avec parcimonie.
Les enjeux des documents électroniques
Les documents électroniques et les usages que nous en avons, sont une des principales « failles » de nos Centres de Données. Pour y remédier, rien de plus simple : arrêter de stocker plusieurs fois un même document sur des espaces différents ! Cette compulsion du « au cas où » doit cesser pour le bien de tous.
Les espaces partagés d’entreprise sont souvent sauvegardés, le Cloud vous garantit de toujours avoir un accès à votre document, parce qu’une sauvegarde est réalisée. Alors pourquoi une sauvegarde de plus ? Nous faisons régulièrement, dans notre vie privée, des sauvegardes de documents pour ne jamais y accéder, en fin de compte. Un disque dur externe reste moins problématique sur l’aspect écologique que les Centres de Données, le Cloud ou un Serveur d’entreprise.
Une autre bonne action éthique serait de ne conserver qu’une ou deux versions des documents et non plus la panoplie complète depuis l’origine des temps. Combien de fois faites-vous appel à une version antérieure d’un document ? Rarement. Jamais. Conserver plein de versions d’un document génère aussi de la confusion quand un utilisateur recherche la « bonne dernière version ». Simplifions la vie de tous, y compris la nôtre : conservons peu de versions d’un document et ne les stockons pas dans différents espaces de stockage. Libérons de la place et offrons-nous de la liberté.
Partageons. Donnons accès aux documents là où ils sont. En fonction des droits, le partage depuis l’espace où est stocké le document sera une bonne façon de lutter contre les stockages « sauvages ». Si nous ne partageons qu’avec parcimonie, les autres utilisateurs voudront conserver le document dans leur propre espace. Et s’ils font des sauvegardes de leur côté, nous avons perdu le bénéfice des actions ci-dessus. Le partage est le vrai pouvoir !
La solution de contournement à cette incapacité de partage, le mail. L’une des actions les moins éthiques aujourd’hui est pousser un document par mail à plusieurs interlocuteurs – en lieu et place d’un lien vers un espace partagé où est stocké ledit document. Pourquoi l’une des moins éthique ?
Votre document est dans votre espace, il sera également dans les éléments envoyés de votre boîte mail, mail qui sera stocké dans le Cloud également pour garantir le transfert vers tous les destinataires, chaque mail consomme de l’énergie et de la bande passante, tous les destinataires auront un exemplaire du mail et du document qu’ils auront tendance à télécharger sur leur ordinateur. Chaque octet coûte de l’énergie, tant sur un ordinateur que sur le réseau ou dans les boîtes mails.
Montrez l’exemple et limitez les copies de vos documents électroniques.
Après le partage, le courage d’un avenir plus léger
Une dernière tentation ? Telle une glace quand on est au bord de la plage, les images haute définition nous font envie. Rassurez-vous, cela veut dire que vous êtes un humain normal. Peut-être que la même image, en moins bonne définition (et donc moins lourde à intégrer) suffira pour votre document et l’impact que vous voulez avoir. C’est à vous de choisir. Avec le regard des sauvegardes multiples, l’image insérée dans un document existe au moins en deux endroits : le document et son espace de stockage.
Comme indiqué plus avant, si vous rajoutez une sauvegarde, un envoi par mail à de multiples destinataires, vous savez déjà que vos actions ne vont pas dans le bon sens. À vous de trouver comment changer ces habitudes, comment montrer le bon exemple. Ce qui est sûr : la course effrénée d’une plus grande définition d’image est un luxe que la planète et les prochaines générations ne peuvent se permettre.
Des « premiers pas positifs » vers une éthique documentaire et consciente. Il y a encore d’autres petits pas dans le monde de la GED. Changez votre vision du document et vos usages. Soyez courageux pour que demain soit radieux.
Tel le sage africain sous l’arbre à palabres, vous pourrez vous poser au coin du feu et regarder fièrement les futures générations et leur dire : nous avons agi !
Par Éric VIOULÈS, Expert Fonctionnel GED