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La loi de finance 2024 et le nouveau délit de mise à disposition d’instruments de facilitation de fraude fiscale

Poursuivant une politique fiscale toujours plus rigoureuse, le gouvernement a obtenu, avec le vote de la loi de finance 2024, l’institution d’un nouveau délit visant à lutter contre la fraude fiscale, et en particulier contre la chaîne de personnes physiques et morales dont les actions peuvent faciliter la commission d’un délit de fraude fiscale : le délit de mise à disposition d’instruments de facilitation de fraude fiscale.

Avant l’instauration de cette nouvelle disposition, les poursuites engagées contre les auteurs de montages fiscaux mis au service de contribuables se fondaient essentiellement sur les dispositions relatives à la complicité de manquements fiscaux (article 1740 A bis du Code général des impôts) ou à celles relatives à la complicité de fraude fiscale (article 1742 du code général des impôts).

Désormais, aux termes de l’article 1744 du Code général des impôts, la mise à disposition, à titre gratuit ou onéreux, d’un ou de plusieurs moyens, services, actes ou instruments juridiques, fiscaux, comptables ou financiers ayant pour but de permettre à un ou plusieurs tiers de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel d’impôts constitue un délit.

Le législateur a souhaité déterminer avec précision les actes réprimés par la nouvelle loi. Ainsi, prévoit-il :

  • l’ouverture de comptes ou la souscription de contrats auprès d’organismes établis à l’étranger,
  • l’interposition de personnes physiques ou morales ou d’organismes, de fiducies ou d’institutions comparables établis à l’étranger,
  • la fourniture d’une fausse identité ou de faux documents au sens de l’article 441-1 du Code pénal, ou de toute autre falsification,
  • la mise à disposition ou la justification d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger,
  • la réalisation de toute autre manoeuvre destinée à égarer l’administration.

En outre, appuyant la tendance initiée par la Loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, laquelle était soucieuse d’accorder une plus grande autonomie au Parquet dans la poursuite de la fraude fiscale, les poursuites du chef de ce délit sont à la libre appréciation de ce dernier, qui n’est donc tenu par aucune obligation à l’égard de l’Administration fiscale ni soumise au dépôt d’une plainte préalable par celleci.

Les prévenus personnes physiques déclarés coupables de ce délit encourent une peine de 3 ans d’emprisonnement et une amende de 250 000 euros, portée à 5 ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende lorsque la mise à disposition est commise en utilisant un service de communication au public en ligne.

A titre de peine complémentaire, ils encourent les peines prévues aux articles 1741 et 1750 du CGI.

Les personnes morales déclarées coupables encourent une amende égale au quintuple de celle prévue pour les personnes physiques (articles 131-37 et 131-38 du Code pénal), ainsi que des peines complémentaires (articles 131-39, 1° à 6°, 9° et 12° du Code pénal).

Enfin, les poursuites du chef de mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude fiscale ne seront pas cumulables avec celles de complicité de manquements fiscaux (article 1740 A bis du code général des impôts).

Les montages fiscaux impliquent de nombreux acteurs, en particulier ceux issus du monde du conseil (avocats, experts-comptables, banques, etc.). Ces nouvelles dispositions doivent encourager chacun d’eux à agir en parfaite connaissance de l’environnement juridique et économique présenté à lui, et ce en exigeant communication de toute information utile à s’assurer qu’il ne contribue pas à un projet in fine frauduleux.

En cela, le législateur a accru la nécessité de contrôle et de prudence des professionnels eux-mêmes, donnant à ce nouveau délit une facette visible, et une autre plus insidieuse.

Par Sahand SABER – Avocat au Barreau de Paris

Sahand SABER

Sahand SABER - Avocat au Barreau de Paris et cofondateur d’HIRO Avocats Il en dirige la pratique dédiée au droit pénal des affaires, et assiste à ce titre les entreprises et leurs dirigeants sur le contentieux pénal de la responsabilité et les risques pénaux qu’ils encourent dans le cadre de leurs activités. Ses domaines d’intervention recouvrent en particulier les problématiques liées à la gestion de l’entreprise (abus de biens sociaux, banqueroute, pratiques commerciales trompeuses, blanchiment, etc.), les problématiques fiscales (fraude fiscale, escroquerie à la TVA, établissement stable, etc.) et les problématiques sociales (travail dissimulé, accidents involontaires, délits d’entrave, manquement aux règles de sécurité, etc.).  

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