François-Xavier Castille, Arval France – Sous la glace du gestionnaire le feu du manager
Au départ, je dois avouer que je m’attendais plutôt à rencontrer un homme au profil de banquier. Son costume strict et sa cravate noire ne parviennent cependant pas à dissimuler son empathie affirmée vis-à-vis du monde qui l’entoure. Malgré son apparence sérieuse, indispensable ou conventionnelle à toute direction générale de ce niveau, son regard brillant dévoile une profonde curiosité. À 46 ans, son parcours démontre qu’il sait imposer son management partout où il passe. Cadre au sein d’un grand groupe, François-Xavier Castille nous révèle qu’exigence et rigueur ne riment pas avec froideur et distance. Mais il faut insister un peu et lire parfois entre les lignes pour le découvrir…
Entretien avec François-Xavier Castille, Directeur Général Arval France
GPO Magazine : Quels sont d’après vous les principaux critères de réussite pour un dirigeant d’entreprise ?
François-Xavier Castille : Il est toujours très constructif de se poser cette question ; c’est d’ailleurs exactement celle que m’a posée mon ancien patron lorsque j’étais en charge de la direction générale d’Arval Espagne. Plus précisément, je crois, qu’outre la chance qui reste un facteur important – on en a ou on n’en a pas ! – il faut en tout premier lieu savoir s’entourer de collaborateurs compétents pour ensuite, et c’est à mon sens la seconde condition de la réussite, déléguer dans les conditions optimales de confiance. Lorsque l’on prend un poste de direction générale, une difficulté peut apparaître : on ne choisit pas toujours tous ses collaborateurs directs. Mais que ce soit au Portugal, en Espagne et maintenant en France, j’ai eu cette chance d’être toujours très bien entouré, mais c’est aussi parfois une chance qu’il faut savoir cultiver…
GPO Magazine : Ne voyez-vous pas d’autres critères ?
F.-X. C : Oui, bien sûr, mais ils sont plus classiques. Il faut bien entendu connaître parfaitement le métier et toutes ses facettes. Ensuite il est impératif d’avoir une vision stratégique à trois ou quatre ans minimum. Il faut aussi déterminer et fixer des objectifs clairs en sachant les partager avec tous. Il est fondamental de communiquer et de transmettre sa vision à l’ensemble des collaborateurs, du haut en bas de l’organisation de l’entreprise. Chez Arval France, nous avons la chance d’avoir des équipes qui partagent cette même ambition.
GPO Magazine : Un bon dirigeant a-t-il des qualités particulières ?
F.-X. C : C’est une banalité de dire qu’il doit être exemplaire, en manifestant une très grande capacité de travail… mais vous savez… mieux on est entouré et moins on travaille ! (sourire – ndlr). Je reviens ici au fait de savoir déléguer. Il est impossible de savoir tout, sur tout, en permanence et en voulant tout contrôler. Cela étant, le bon dirigeant doit connaître tous les rouages et tous les services de son entreprise. Il est également important de bien connaître ses clients et partenaires.
Mais il est vain de croire qu’il peut être à la fois un super financier, un super comptable, un super mécanicien, un super commercial, un super informaticien, etc. Savoir déléguer et savoir contrôler est donc un énorme atout. C’est finalement l’atout de tout bon manager qui sait entretenir et valoriser les relations humaines auxquelles je tiens tout particulièrement.
GPO Magazine : Vous sentez-vous plutôt financier ou plutôt commercial ?
F.-X. C : Ma formation universitaire est celle du commerce et du marketing. J’ai donc logiquement commencé comme vendeur, puis directeur des ventes et directeur commercial avant de prendre ma première direction générale. Étant curieux de tout, j’ai compris que pour progresser je devais m’intéresser à d’autres rouages de l’entreprise, notamment bien sûr à celui de la finance. Il était impossible de prétendre accéder à des responsabilités de direction générale sans connaître et comprendre l’univers de la finance, des budgets, du contrôle de gestion, etc.
GPO Magazine : Arval serait-elle donc une entreprise strictement financière ?
F.-X. C : Non, pas uniquement. Arval est une filiale du groupe BNP Paribas, mais Arval est d’abord et avant tout une société commerciale qui conçoit et vend des services packagés. Nous louons en longue durée un produit : l’automobile. Mais surtout nous l’entourons de toute une logique de services : conseils dans les choix des véhicules selon leur utilisation, maintenance, pneumatiques, assurance, dépannage, gestion des sinistres, formation à la conduite économique, gestion complète de parc, etc. Pour nos clients, le produit automobile n’est rien s’il n’est pas accompagné de toute cette panoplie. Si nous ne faisions que le financement, il serait plus simple pour nos clients de s’adresser à leur banque. Ce n’est pas ce qu’ils attendent de nous et le financement est quasi secondaire. Nous sommes bel et bien et avant tout une société de commerce de full services.
GPO Magazine : Aimez-vous l’automobile ?
F.-X. C : Oui, heureusement. J’ai d’ailleurs eu mon permis à 18 ans et 3 jours. Il ne faut jamais oublier que l’automobile n’est pas un objet tout à fait comme les autres. Il fait toujours vibrer son utilisateur. Certes pour l’entreprise c’est un produit où la gestion compte beaucoup, mais pour le conducteur final la dimension affective demeure très élevée. Les services que nous délivrons nous placent en grande proximité avec lui. Au moindre problème ou incident, il nous appelle. Nous avons donc pour habitude de dire que nos 200.000 conducteurs sont nos 200.000 clients.
GPO Magazine : Revenons maintenant à votre parcours. Diplômé de l’ISG, estimez-vous que les écoles de commerce apportent et inculquent les fondamentaux nécessaires à une vie professionnelle épanouie ?
F.-X. C : J’ai d’abord commencé par faire des études de droit, car je souhaitais devenir avocat. Puis je suis rentré à l’ISG. Je pense que ce type d’écoles apporte deux atouts majeurs aux étudiants. D’abord une ouverture sur le monde de l’entreprise, non seulement avec les stages obligatoires, mais aussi avec nombre d’enseignants qui sont eux-mêmes souvent responsables d’entreprise ; puis l’ouverture sur le monde, avec parfois des années complètes passées à l’étranger. Si je suis parti au Portugal et en Espagne, c’est sans doute que mon école m’avait donné le goût et l’envie d’aller voir ailleurs, de partir. Lorsque j’ai accepté de prendre la direction générale d’Arval Portugal, je peux vous confier que c’était un sacré challenge. Bien que ne parlant pas un mot de portugais, j’ai foncé, ma hiérarchie m’a fait confiance et nous avons réussi. La même histoire s’est répétée en Espagne. Ce n’est pas facile de se retrouver dans un pays étranger, déraciné, loin de sa famille ou de ses amis, à chercher un logement, à trouver ses marques dans une autre culture… Chez Arval France, nous prenons de nombreux stagiaires et beaucoup de contrats d’alternance. Nous embauchons nombre de juniors issus de BTS, d’universités, d’écoles de commerce et d’ingénieurs. Je veille tout particulièrement à notre engagement sur ce terrain, y compris avec des étudiants et stagiaires étrangers.
GPO Magazine : D’après vous, faut-il les mêmes qualités pour réussir dans un grand groupe que dans une PME ?
F.-X. C : Un créateur d’entreprise doit probablement afficher un caractère particulier. Mais après, pour diriger et gérer, je pense que les qualités requises sont identiques. Diriger une PME ou une filiale de grand groupe fait appel au même sens de la gestion et aux mêmes valeurs de management. Cela étant, dans un grand groupe, il faut apprendre à travailler beaucoup plus en transverse, le dirigeant n’y étant jamais le seul et unique décisionnaire comme souvent dans une PME. Il faut aussi savoir accepter les directives qui viennent de la hiérarchie. Enfin, il faut savoir, je dirais… naviguer. Il faut être beaucoup plus consensuel.
GPO Magazine : Vos nombreuses années à l’étranger vous sont-elles utiles aujourd’hui ?
F.-X. C : Outre de m’avoir parfaitement appris l’entreprise, cela m’a indéniablement donné une ouverture d’esprit. Pour revenir aux jeunes diplômés, un passage plus ou moins long à l’étranger se remarque immédiatement sur un CV. En entretien, lorsque je fais passer des oraux à des étudiants, on voit tout de suite la différence. Être mobile, ne craindre ni de partir, ni le changement, se sentent. C’est un grand avantage au moment de l’embauche et dans tout le parcours effectué au sein de l’entreprise. Je l’ai d’ailleurs constaté depuis trois ans chez Arval France. L’entreprise s’est profondément réorganisée. Pas un seul collaborateur qui n’ait changé de poste ou de fonction depuis cette période. Ce mouvement perpétuel n’est pas toujours simple à vivre, mais il habitue les équipes aux changements. Bien entendu, il faut aussi savoir accompagner et guider ceux que l’on dirige ; sur ce point je veille toujours à la mise en œuvre de programmes d’accompagnement, de formation et d’information. C’est essentiel au bien-être de tous les collaborateurs.
GPO Magazine : Comment pouvez-vous affirmer qu’ils ont bien accepté cette profonde mutation ?
F.-X. C : C’était fondamental de parler avec eux. Avant, ils étaient légitimement inquiets, voire peu motivés par ces mouvements. Après la réorganisation, ils viennent spontanément vous dire qu’il fallait effectivement bouger et qu’ils ne veulent surtout pas revenir en arrière. Nous rentrons alors dans un cercle vertueux qui fait qu’un collaborateur, heureux dans son poste, transmet cette valeur à tout son entourage, y compris à ses clients.
GPO Magazine : Quel type de relations aimez-vous entretenir avec votre entourage ?
F.-X. C : J’apprécie de travailler en confiance. Je vous le disais, je ne peux absolument pas donner mon avis sur tout, partout et à tout moment. J’ai besoin de compétences autour de moi. Je ne peux donc travailler sans réelles relations de confiance avec mon Directeur Commercial, mon Directeur Financier ou mon DRH. Le conflit est rarement créatif et lorsqu’il l’est, il faut savoir rapidement trouver une solution. Apprécier de travailler dans la sérénité ne veut pas dire que j’ai toujours bon caractère. Je recherche cependant et je trouve toujours une solution à toute tension.
GPO Magazine : Que ne supportez-vous pas, quels sont vos qualités, vos défauts ?
F.-X. C : Je suis attaché à la ponctualité, j’aime les personnes qui savent travailler en équipe. J’ai appris à mes collaborateurs à se réunir sans moi et surtout, à décider sans moi. Un mail, une question avec quelques mots, réponse, oui, non…et voilà tout. C’est tout aussi efficace et le gain de temps est considérable.
Je suis sans doute exigeant. C’est peut-être une qualité mais l’être trop peut devenir un défaut si on ne prend pas le soin d’expliquer ce que l’on attend et d’accompagner. Je suis curieux de tout. Je lis tout. Je dévore la presse. J’aime l’innovation, j’aime le management et l’esprit d’équipe, j’aime les challenges et les défis.
GPO Magazine : Les relations humaines semblent être au cœur de vos préoccupations. Est-ce une de vos fiertés ?
F.-X. C : Les relations humaines que j’ai et que j’entretiens avec mes collaborateurs sont pour moi un facteur important de mon management et même de mon équilibre. Ceux qui ont travaillé à mes côtés au Portugal ou en Espagne ont aussi évolué vers d’autres responsabilités. Mon objectif, dans tous mes postes, a été de donner les moyens de leur réussite à mes collaborateurs, en plus de réussir notre mission.
Aujourd’hui, ils ont tous des postes importants un peu partout dans le monde. Et nous continuons à beaucoup échanger, ça oui j’en suis fier.
GPO Magazine : Mais à côté de votre métier, avez-vous des passions, des rêves, des refuges… ?
F.-X. C : J’aime rêver à ce qui est réalisable. J’aime le nautisme, voile ou moteur ; je prévois d’ailleurs toujours mes vacances avec ma famille en fonction des possibilités de navigation. J’aime aussi le football, avec un attachement tout particulier pour le Real Madrid dont je suis un inconditionnel, tout comme le Benfica au Portugal, inutile de vous expliquer pourquoi.
GPO Magazine : Pas d’autre amour sportif ?
F.-X. C : Le rugby. Etant d’origine toulonnaise, je suis, avec mes garçons, un grand supporter du RC Toulon. Dès que je le peux, je m’échappe et j’assiste aux matchs au stade Mayol. L’ambiance y est extraordinairement chaleureuse et conviviale. J’adore. Vous aviez raison, les relations humaines sont chez moi une seconde nature.
Propos recueillis en entretien par Philippe DERMAGNE
Arval France en 2013
Création : 1989 Groupe Arval |