Les entreprises s’engagent dans la transition énergétique de leur flotte

Le durcissement réglementaire sur les émissions polluantes, lié à la norme WLTP, et la hausse de la fiscalité des véhicules qu’il entraîne, amènent les gestionnaires de parc à éliminer progressivement les véhicules thermiques de leur Car Policy au profit de modèles hybrides et électriques et à instaurer des solutions de mobilité partagée plus écologiques.

Branle-bas de combat au sein des flottes d’entreprise. Face à la nouvelle norme d’homologation des véhicules WLTP en vigueur, plus sévère sur les émissions polluantes que le précédent procédé NEDC, et à son impact sur la fiscalité des véhicules thermiques, les entreprises sont amenées à engager la transition écologique de leur flotte.

« Grâce à une plus grande rigueur de mesure et de conditions de test, le cycle WLTP devrait révéler des hausses de valeurs d’émissions de CO2 de 15 à 30% selon les modèles », rappelle François Piot, président de l’Observatoire du véhicule d’entreprise (OVE).

Cette augmentation des émissions polluantes va mécaniquement impacter la fiscalité des véhicules. « Selon les marques, les modèles et les motorisations diesel ou essence, les tests WLTP peuvent entraîner une hausse de 6 à 25% de la taxe sur les véhicules de fonction (TVS) et du malus écologique, les deux fiscalités indexées sur les émissions de CO2 », estime Robert Maubé, expert conseil en gestion de parc automobile.

Adopter des véhicules plus écologiques

Pour limiter ce surcoût fiscal, les gestionnaires de parc font évoluer leur Car Policy vers des véhicules plus écologiques qui n’émettent peu ou pas de CO2 ni de microparticules, notamment les oxydes d’azote (NOX). C’est le cas d’Orange. Le groupe Télécom a jugé nécessaire de supprimer les véhicules diesel de sa flotte au profit de motorisations essence, hybrides et surtout électriques. « On a décidé cette année de ne plus proposer de voitures diesel à nos collaborateurs dans le but d’éliminer ce type de motorisation de notre flotte d’ici quatre ans », indique Patrick Martinoli, directeur délégué Innovation Projet de la flotte d’Orange.

Le groupe ne va plus ainsi commander que des voitures essence, hybrides et électriques pour sa flotte de 12 000 véhicules de liaison et de fonction. « On va ainsi renouveler régulièrement notre flotte à raison de 3 000 véhicules par an jusqu’à nous débarrasser complètement des véhicules diesel qui constituent encore 60 % de notre parc », souligne-t-il. Du coup, Orange a modifié sa Car Policy qu’il segmente désormais en deux parties selon le kilométrage annuel des véhicules. L’entreprise propose dans son catalogue des modèles essence et hybrides pour les collaborateurs qui font plus de 15 000 km par an et des modèles électriques pour ceux qui en font moins. Orange qui détient déjà 700 véhicules électrifiés dans sa flotte, vise une proportion de 20 à 30% de voitures électriques à l’horizon 2025. Cette stratégie d’acquisition de véhicules électriques servira à compenser la hausse d’émission de CO2 générée par les modèles essence.

« Notre objectif est d’acquérir un maximum de véhicules électriques pour diminuer la moyenne de nos émissions de CO2 sur un seuil qu’on a fixé à 106 g/km sur l’ensemble de notre flotte », explique Patrick Martinoli. En dégageant en moyenne 130g/km de CO2, les véhicules thermiques essence pénalisent en effet l’entreprise en matière d’émissions polluantes vis-à-vis de la nouvelle norme WLTP.

De son côté, Accenture compte éliminer carrément tous les véhicules thermiques de sa flotte pour ne proposer à ses collaborateurs que des modèles hybrides essence rechargeables et électriques. « Notre objectif est de basculer à terme 100 % de notre flotte en hybrides rechargeables et en électriques », confirme Marc Thiollier secrétaire général d’Accenture France et Benelux. Après avoir supprimé ses commandes de véhicules diesel au profit de modèles hybrides rechargeables, le cabinet conseil en management est passé dans une deuxième étape au tout hybride et électrique. « On va même bientôt interdire les véhicules hydrides diesel et nous débarrasser à terme de tous les véhicules thermiques essence et diesel qu’il nous reste, soit 20 % de notre flotte », expose Marc Thiollier.

Il faut dire que les modèles hybride essence et électriques sont adaptés aux trajets des consultants de l’entreprise en zones urbaine et périurbaine d’Île-de-France. « Nous incitons nos collaborateurs dotés de voitures hybrides à passer le plus souvent et le plus longtemps possible en mode électrique de façon à limiter les émissions polluantes de la motorisation thermique », soulignait récemment Alexandra Melville, sa responsable achat flotte automobile et mobilité.

Passer l’intégralité de sa flotte à l’électrique

SAP Labs France, la filiale R&D du géant du logiciel SAP, va passer, elle, au tout électrique. « Nous nous sommes fixés pour objectif d’atteindre la totalité de notre parc électrifié en 2021 », révèle Hanno Klausmeier, son président. En attendant, les véhicules électriques représentent 60 % de la flotte de véhicules de fonction de l’entreprise. « Sur nos 280 voitures de fonction, 170 sont électriques », précise-t-il.

Une proportion de véhicules électriques qui devrait croître jusqu’à 80 % du parc en 2020. Pour cela, SAP Labs France a choisi de proposer depuis peu à ses collaborateurs des modèles équipés d’une grosse batterie pour garantir une autonomie réelle de 300 km. « On privilégie les modèles électriques coréens Hyundai et Kia ainsi que les américaines Tesla S, et la nouvelle Nissan Leaf », expose Hanno Klausmeier.

Ces nouveaux modèles s’ajoutent au contingent plus ancien des modèles électriques Renault Zoé, Volkswagen E-Golf de la flotte que l’entreprise a progressivement introduit dans son catalogue depuis 2016. SAP Labs France n’a pas attendu les contraintes réglementaires et fiscales liées à la norme WLTP pour instaurer un mix énergétique dans sa flotte. « 2016 a marqué un premier tournant dans notre Car Policy où nous avons supprimé l’acquisition des véhicules diesel », avoue le dirigeant.

Le second tournant est intervenu le 1er janvier dernier lorsque l’entreprise a décidé d’en éliminer toutes les voitures thermiques. Pour mener à bien sa politique d’électrification de la flotte de véhicules de fonction, SAP Labs France a dû progressivement convaincre ses collaborateurs sur la pertinence de la voiture électrique. L’entreprise a d’abord mis une Tesla Model S en voiture de pool pour leur montrer le plaisir de la conduite électrique. « Nous les avons ensuite amenés à adopter la motorisation électrique par une incitation financière, une sorte d’écobonus interne », explique Hanno Klausmeier.

Enfin, il a fallu lever les réticences sur les limites de l’autonomie de tels véhicules. En même temps, l’entreprise a développé son infrastructure de recharge sur ses trois sites de Mougins (Alpes-Maritimes), de Caen (Calvados) et de Paris pour accompagner la croissance de sa flotte électrique. SAP Labs France a ainsi investi 200 000 € pour développer 26 points de recharge à Mougins, dont deux bornes de charge rapide, et 50 000 € pour installer 8 points de charge à Caen. Son site parisien géré par la maison mère SAP France est, quant à lui, équipé de 20 bornes de recharge.

Comme SAP Labs France, Orange et Accenture accompagnent l’électrification de leur flotte en développant l’infrastructure de recharge des véhicules. Le groupe Telecom a déployé sur ses établissements des bornes de recharge qui peuvent être pilotées à distance et identifiées par les collaborateurs. De même, Accenture a installé une trentaine de bornes de charge à disposition de ses consultants sur son siège social parisien. En accès libre, ces bornes permettent de recharger rapidement (une heure) les véhicules.

Le Plan mobilité pour accentuer la transition des flottes

Autopartage, vélopartage, covoiturage… Les salariés se voient proposer de plus en plus par leur entreprise ces nouvelles formes de mobilité, en vertu du nouveau Plan de Mobilité en vigueur depuis le 1er janvier 2018. La loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, oblige en effet tout site d’entreprise de plus de 100 salariés à élaborer un Plan de mobilité pour ses employés. Ce Plan est un ensemble de mesures qui vise à optimiser et à augmenter l’efficacité des déplacements quotidiens des salariés, pour diminuer les émissions polluantes et réduire le trafic routier.

Ces mesures doivent encourager l’utilisation de transports alternatifs à la voiture individuelle, comme le covoiturage, l’autopartage ou le vélopartage… sur les trajets domicile-travail et les déplacements professionnels.

Certaines entreprises multiplient les initiatives sur une variété de solutions de mobilité. Schneider Electric propose ainsi à ses collaborateurs un mix de solutions de mobilité comme le vélo-partage en libre-service, l’autopartage inter-sites ou le covoiturage. L’entreprise a lancé mi-2017 sa solution d’autopartage mise en place à Grenoble en partenariat avec le loueur Arval. Plus de 600 collaborateurs du groupe ont adhéré à l’utilisation aller-retour d’une douzaine de voitures électriques Renault Zoé en libre-service réparties sur 4 sites. Schneider Electric devrait étendre sa flotte partagée à d’autres sites grenoblois sur des tracés directs. De son côté, Accenture a gagné plus de 200 consultants adhérents à sa solution d’autopartage mise en place sur son siège social parisien et constituée d’une petite flotte de quatre véhicules, hybrides pour les longs trajets et électriques pour des déplacements plus courts.

Bruno Mouly

Journaliste économique, avec près de 20 ans d'expérience en journalisme économique et en communication d'entreprise. Spécialisé en numérique, achats logistiques et mobilité. Il collabore également avec les Échos et le JDD.

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