La facturation électronique, une opportunité d’optimiser les process achat et vente
Principales concernées par la réforme sur la facturation électronique, toutes les directions financières et achats vont devoir, entre 2024 et 2026, se mettre en ordre de marche pour respecter la réglementation sur la facturation électronique. Une mise en conformité impactante pour leur process, leur organisation et leur système d’information, mais sur laquelle elles peuvent néanmoins capitaliser pour améliorer certains de leurs process de gestion, et en particulier ceux liés à la chaîne de valeur de la facture.
En vertu de la réforme sur la facturation électronique, à compter du 1er juillet 2024, toutes les entreprises françaises devront être en mesure de recevoir des factures BtoB électroniques. À cette même date, tous les grands comptes auront également l’obligation d’émettre leurs factures sous format électronique. Une contrainte qui s’appliquera ensuite aux ETI au 1er janvier 2025, puis aux TPE et PME au 1er janvier 2026. Cette réforme s’articule ainsi autour de deux volets : « l’e-invoicing » et « l’e-reporting ».
« L’obligation de facturation électronique (e-invoicing) concerne l’ensemble des opérations d’achats et de ventes de biens et/ou de prestations de services réalisées entre assujettis à la TVA, précise David Brillet, directeur commercial Clear’Invoice de Ventya.
« L’e-reporting porte pour sa part sur la transmission des données liées à des transactions non couvertes par l’obligation de e-invoicing : avec des entreprises en BtoB à l’international ou des entreprises en BtoC. Parallèlement à la transmission des données de transaction, les assujettis devront également, dans le cadre de l’obligation de e-reporting, transmettre le statut de leurs factures ainsi que les données de paiement devant permettre un suivi et un contrôle de l’exigibilité de la TVA », ajoute-t-il.
Une réglementation qui pose le cadre technologique
Concernant les opérations entre entreprises françaises, ces dernières devront émettre et recevoir les factures via un Portail de Dématérialisation Partenaire (PDP) immatriculé par l’administration fiscale, et/ou directement via le Portail Public de Facturation (PPF). Les Opérateurs de Dématérialisation (OD) sont pour leur part des plateformes privées non immatriculées qui ont notamment pour vocation de convertir une facture émise et l’envoyer ou de la récupérer via le Portail Public de Facturation (PPF) ou la Plateforme de Dématérialisation Partenaire (PDP) de l’émetteur.
Le choix pour l’une ou l’autre de ces plateformes dépendra du volume des flux de facturation et des formats de facturation en place dans l’entreprise, mais également des objectifs qu’elle se fixe dans le cadre de sa mise en conformité avec la réglementation.
D’autre part, les factures devront contenir à minima certaines données sous un format structuré – UBL, CII ou Factur-X – permettant son traitement automatique et électronique. D’autres formats pourront être mis en oeuvre sous réserve de l’accord des parties et de la faisabilité technique des plateformes retenues. En tout état de cause, les factures sous format papier et PDF simple ne seront plus acceptées à compter du 1er janvier 2026.
« Il est donc urgent que les entreprises se mettent en ordre de marche pour la réforme sur la facturation électronique, d’autant qu’elle peut s’avérer complexe à respecter pendant la période transitoire de 2024 à 2026 et à déployer pour certaines entreprises, dont celles qui opèrent à l’international », précise David Brillet.
« D’ailleurs, alors que ces échéances se rapprochent, la réforme sur la facturation électronique est clairement devenue l’une des principales priorités des directions financières, note pour sa part Sylvain Le Hénaff, directeur commercial Pytheas Capital (Treso2). Elles s’interrogent tout particulièrement sur les outils et les processus à mettre en place pour recevoir et émettre des factures dans le respect de cette contrainte réglementaire ».
Une réforme aux multiples impacts
En effet, cette réforme profonde et structurante soulève de nouveaux enjeux fiscaux et de TVA, IT et de Datas, mais aussi opérationnels et organisationnels. La mise en oeuvre de ces obligations nécessite donc en premier lieu de réaliser une cartographie de l’existant en termes de flux, de process, de données et d’outils ainsi qu’une analyse de l’impact de la réforme sur ces différents points.
Cette démarche en amont est en effet indispensable pour définir le modèle cible le plus pertinent, déterminer la plateforme de facturation qui sera utilisée, établir le rétro-planning du projet, et évaluer la charge liée à sa mise en oeuvre.
« Si la mise en conformité des entreprises avec cette réforme est inéluctable, elle représente en effet un challenge important, explique Thierry Bourrier, directeur avant-vente de la facture électronique chez Docaposte.
« En effet, dans les grandes entreprises, elle implique, par exemple, de redéfinir leur système de facturation, de comptabilité et de factures fournisseurs, mais aussi l’archivage électronique, la mise en place d’une solution opérant la connexion vers l’émission et la réception de factures (PDP, OD ou en direct vers le PPF), la gestion des encaissements, l’e-reporting auprès de l’administration… Les entreprises doivent de surcroît veiller à ce que l’ensemble de leurs partenaires, même les plus petites entreprises, adhèrent à cette transformation, et puissent recevoir leurs factures », précise-t-il.
De la contrainte aux opportunités
Bien que contraignante et obligatoire, la réglementation sur la facturation électronique représente également, pour la finance, une opportunité de pousser plus loin sa digitalisation et de répondre ainsi à ses enjeux de maîtrise des coûts et d’amélioration de la performance.
« Un important travail de pédagogie est donc à réaliser auprès des entreprises afin de leur expliquer comment transformer cette contrainte réglementaire en opportunité de remettre à plat l’ensemble de leurs processus opérationnels pour les optimiser, notamment en les automatisant autant que possible », ajoute Sylvain Le Hénaff.
Gains de productivité dans le traitement des documents liés à la chaîne de valeur de la facture
Plus concrètement, la réglementation sur la facturation électronique est par exemple l’occasion pour les entreprises de dématérialiser tout ou partie des documents liés à la chaîne de facturation. Les Constructions de l’Erdre, société spécialisée dans la construction de maisons individuelles, souhaitant anticiper la réforme sur la facturation électronique, a par exemple dématérialisé ses factures, documents de gestion et marchés de sous-traitance en mettant en oeuvre la solution de Gestion électronique des documents de DocuWare.
« Cette démarche nous a permis de gagner du temps au quotidien : fini les impressions papiers, les recherches sont rapides, précise Patricia Rochedereux, assistante de direction des Constructions de l’Erdre. Nous avons également réalisé un gain de place non négligeable, gagné en confort de travail et en sécurité dans le traitement des documents. Sans parler des économies de papier qui sont estimées à environ 40 000 feuilles A4 par an ! ».
C’est également pour en finir avec le traitement manuel des documents achats et la dispersion des archives qu’Inibar Services, spécialisé dans la fourniture de services informatiques autour de l’encaissement et des solutions numériques, s’est en 2019 équipé de la solution de dématérialisation DocuWare.
Le premier chantier couvrait la dématérialisation des factures fournisseurs, mais très vite les besoins se sont étendus à l’ensemble du processus achats : formulaires de demandes d’achats, bons de livraison, bons de commandes sont ainsi intégrés aux processus, afin de dématérialiser l’ensemble des flux et de constituer un dossier entièrement digitalisé.
« Très rapidement, les bénéfices sont constatés en termes de temps, témoigne Stéphane Roche, directeur des moyens opérationnels d’Inibar Services. Les factures fournisseurs sont traitées en une journée maximum par semaine et font gagner l’équivalent d’un poste à temps complet ».
Optimiser les process liés à la chaîne de facturation
Au-delà de la seule dématérialisation et gestion des documents, la réforme sur la facturation électronique est également une opportunité d’aller un cran plus loin dans la digitalisation des processus Order-to-Cash et Purchase-to-Pay.
Les solutions Order-to-Cash gèrent l’ensemble de la chaîne de facturation clients depuis la gestion des devis (réception d’une demande client, émission d’un devis et/ou d’une proposition commerciale, Workflow de validation) jusqu’au traitement des commandes clients puis l’émission et le traitement de la facture client (en passant par la relance, l’enregistrement et le rapprochement du paiement de la facture).
Elles permettent notamment à la Finance, et en particulier au Credit Management, d’optimiser la gestion du poste clients, de limiter les litiges et d’accélérer les rentrées de cash. Elle contribue ainsi à l’optimisation de la trésorerie des entreprises et à l’amélioration de leur besoin en fonds de roulement.
« Dans le cadre de cette démarche, il est d’ailleurs recommandé d’aller jusqu’à la digitalisation du paiement via, par exemple, une solution d’automatisation de la collecte des paiements directement depuis le compte en banque des clients (prélèvement bancaire et/ou Open Banking) », précise Alexandra Chiaramonti VP & General Manager EMEA chez GoCardless. L’automatisation de cette démarche contribue à réduire les délais d’encaissement (et donc de paiement) et à l’optimisation de la gestion du cash de l’entreprise. Elle améliore la visibilité des équipes comptables sur les encaissements ».
Des constats par exemple relevés par Doctolib qui a opté pour GoCardless pour automatiser ses paiements via le prélèvement et le mandat SEPA.
« GoCardless s’est parfaitement intégré à Zuora, notre solution de facturation des abonnements, précise un financier de Doctolib. Nous pouvons suivre nos paiements en temps réel, facilitant ainsi le cash et le credit management pour notre équipe, et permettant un gain de temps et d’administration ».
Les solutions de Procure-to-Pay (ou Purchaseto- Pay) traitent pour leur part toutes les étapes dédiées à la gestion des achats situées en aval des opérations Source-to-Contract, depuis les bons de commandes jusqu’aux paiements, en passant par les achats, les processus de validation, les émissions de bons de commandes, le traitement des factures.
Elles contribuent à ce titre à l’amélioration du contrôle des dépenses : la collecte de données relatives à la gestion des fournisseurs (qualité de la mission effectuée, retards éventuels, coût de la mission…) permet en effet aux donneurs d’ordre de veiller à la rentabilité de leurs projets. En centralisant les flux administratifs et financiers des équipes internes et externes, les solutions P2P permettent par ailleurs de rationaliser les échanges.
L’équipe comptable dispose d’une seule facture pour l’ensemble des fournisseurs. Une fois traités, les virements bancaires sont redistribués à chaque fournisseurs. Enfin, avec ces outils, les délais de traitement et de paiement sont respectés et les risques de fraudes sont maîtrisés.
« Chez Restalliance, la dématérialisation des factures fournisseurs marchandises réalisée avec la solution Basware nous a, par exemple, permis d’automatiser le rapprochement des factures avec les bons de commandes et de livraisons, ainsi que le traitement des écarts et de les intégrer directement en comptabilité, précise Pierre-Louis Caputo, directeur des comptabilités et projets SI Finance de Restalliance. Les données et les comptes ont gagné en fiabilité. D’autre part, la dématérialisation des factures fournisseurs, des frais généraux et des Workflows de validation ainsi que leur inté gration automatique en comptabilité a contribué à la sécurisation des processus achats frais généraux et à l’amélioration du contrôle interne. Enfin, cette automatisation a permis d’affiner la comptabilité analytique pour un enjeu d’amélioration de la performance de l’entreprise ».
Renforcer la relation fournisseurs
La réforme sur la facturation électronique peut également contribuer à renforcer la relation fournisseurs, notamment en mettant à leur disposition de nouveaux services tels qu’un portail fournisseurs sur lequel les fournisseurs peuvent suivre en temps réel le traitement de leurs factures, ou encore le paiement fournisseur anticipé.
Un service par exemple proposé par Chantiers de l’Atlantique, société notamment spécialisée dans la conception et la production de navires de croisière et militaires. Cette entreprise, présente en France et à l’international, place le respect de ses délais de paiement fournisseurs au coeur de ses priorités.
À cet effet, Chantiers de l’Atlantique s’appuie sur la plateforme Treso2 de Pytheas qui lui permet de digitaliser, sécuriser et optimiser la gestion de ses factures fournisseurs, mais également de proposer à ces derniers un service de financement anticipé, via Bpifrance.
« Nous cherchions depuis plusieurs années un moyen simple d’ouvrir notre comptabilité à nos fournisseurs afin qu’ils sachent en temps réel si leurs factures ont été reçues, si elles ont été traitées et quand elles seront payées, déclare Thierry Pralong, responsable comptable chez Chantiers de l’Atlantique. Les premiers retours d’expérience ont confirmé le bon fonctionnement de cet outil qui, cerise sur le gâteau, donne en plus accès à des solutions de financements intéressantes pour nos four nisseurs. Ce nouvel outil développé devrait à terme faciliter la relation avec nos fournisseurs et donner accès à des conditions de financement avantageuses ».
Capitaliser sur la donnée
Au regard de ces différentes contraintes et du contexte, la transformation digitale de la Finance devrait donc s’accélérer. « Cette démarche est d’autant plus importante pour les financiers au regard de la place que prend la Data dans l’exercice de leurs différentes missions », indique Liviu Apolozan, directeur général de DocProcess.
En effet, si les directions financières manipulent de la donnée depuis longtemps, avec la dématérialisation, le volume de ces données (internes et externes) reçues et analysées notamment par le contrôle de gestion, est en forte augmentation.
« Les équipes Finance ont donc été amenées à travailler de façon différente, avec de nouveaux outils, conclut Julien Maldonato, associé Industrie Financière chez Deloitte. Dans ces équipes finance, Excel, largement utilisé jusqu’à présent, est progressivement remplacé par des solutions de Business Intelligence, d’analytique ou encore de Datavisualisation, grâce auxquelles elles peuvent gérer de plus grandes masses de Data, croiser des données financières avec des données d’autres types. Enfin, la finance doit d’ores et déjà se préparer à des disruptions importantes qui seront générées notamment par des technologies d’intelligence artificielle telles que ChatGPT qui pourrait, dans une version plus avancée, être en capacité de comprendre, utiliser et analyser tous les chiffres, ou encore de la Blockchain qui, pour sa part, lui permettra de transférer de la valeur sans pour autant passer par les banques ».