Facturation électronique : l’État abandonne le Portail Public de Facturation (PPF)

Le 15 octobre 2024, le Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie a annoncé l’abandon du développement du Portail Public de Facturation (PPF), initialement conçu pour permettre aux entreprises de gérer gratuitement leurs factures électroniques. Désormais, les entreprises devront passer par des Plateformes de Dématérialisation Partenaires (PDP) pour se conformer aux obligations légales en matière de facturation électronique, dans le cadre de la réforme prévue par la loi de finances pour 2024.

Un déploiement progressif confirmé

La généralisation de la facturation électronique entre entreprises interviendra progressivement à partir du 1er septembre 2026. À cette date, toutes les entreprises devront être en mesure de recevoir des factures électroniques, tandis que les grandes entreprises et entreprises de taille intermédiaire auront l’obligation d’en émettre. Le 1er septembre 2027, cette obligation sera étendue aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux micro-entreprises.

Un écosystème de plateformes renforcé

Le ministère a indiqué dans son dernier communiqué que « plus de 70 plateformes de dématérialisation partenaires ont été immatriculées, sous réserve par la DGFiP conformément au décret du 25 mars 2024, confirmant le haut degré d’intérêt, d’implication et de préparation de l’écosystème et des opérateurs de dématérialisation pour la réforme ». Le gouvernement, en renonçant au PPF, mise donc sur le dynamisme et la capacité des PDP à répondre aux besoins de toutes les entreprises.

Le rôle de la DGFiP sera de veiller à ce que ces plateformes respectent les normes en vigueur, en renforçant les audits et contrôles. Les efforts de l’État se concentreront sur la création d’un annuaire central des destinataires et d’un concentrateur de données, afin d’assurer la transmission des informations à l’administration fiscale. L’État en profite pour réaffirmer son engagement à accompagner les entreprises tout au long de cette transition, en concertation avec les PDP, les fédérations professionnelles et les éditeurs de logiciels.

L’Ordre des experts-comptables se félicite de cette décision

L’Ordre des experts-comptables a salué cette annonce. Depuis plusieurs mois, il plaidait pour une simplification du dispositif et un respect strict du calendrier. Dans un communiqué du 16 octobre 2024, la présidente du Conseil national de l’Ordre des experts-comptables, Cécile de Saint Michel, a exprimé sa satisfaction quant aux arbitrages du ministère du Budget. Selon elle, cette réforme constitue une avancée majeure pour la compétitivité des entreprises, notamment les TPE et PME. En effet, la facture électronique représente une opportunité non seulement pour se conformer aux nouvelles obligations, mais aussi pour améliorer la compétitivité des entreprises en optimisant leurs processus internes.

Toujours selon l’Ordre des experts-comptables, cette anticipation permet aux entreprises d’en tirer rapidement profit en termes de productivité et de compétitivité, tout en les préparant efficacement à l’e-reporting, une composante essentielle de la réforme. Le report initial de juillet 2023 avait permis un délai supplémentaire, mais risquait de créer un engorgement à l’approche de la date butoir. À la suite des annonces du gouvernement, les entreprises disposeront désormais d’un cadre clair et d’un calendrier étalé, réduisant ainsi ce risque.

Une perte de gratuité pour les PME et micro-entreprises

En remplaçant « Chorus Pro », le Portail Public de Facturation (PPF) devait conserver un rôle dans les échanges entre les entreprises et le secteur public. Le PPF devait surtout assurer un accès universel et gratuit à un outil de facturation électronique, en étant une plateforme d’émission et de réception accessible gratuitement pour tous les émetteurs et récepteurs de factures, et permettre aux entreprises de disposer d’un service minimal mais efficace pour émettre, contrôler et recevoir leurs factures électroniques dans l’un des trois formats syntaxiques définis par l’administration fiscale : UBL, CII ou Factur-X.

Son abandon pourrait représenter un manque à gagner pour de nombreuses PME et microentreprises, qui seront désormais contraintes de passer par des PDP payantes pour se conformer à la législation. La CPME dans son dernier communiqué ne manque pas de souligner « alors que l’on nous avais promis une réforme indolore, sans coût supplémentaire, via un accès à une plateforme public gratuite, les entreprises seront finalement obligé de passer par une plateforme privé -et donc payante- pour satisfaire à leurs obligations ».

Cela pourrait engendrer des disparités entre les plus grandes entreprises et les entreprises de plus petite taille. En effet, selon le baromètre annuel de Generix, seul 11 % des ETI et GE envisageaient l’utilisation du PPF. Pour les PME et micro-entreprises, le déploiement sera réalisé par un réseau de PDP focalisées sur ce marché de plus de 7 millions d’assujettis : les experts comptables, les logiciels de gestion, les banques.

Maintenir le planning de facturation électronique à tout prix

L’administration semble avoir privilégié le maintien du calendrier tout en réduisant l’ampleur de la réforme, une décision saluée par l’Ordre des experts-comptables. Cela pourrait aider à clarifier le panorama des solutions disponibles sur le marché. Il est également envisageable que les spécifications techniques subissent un renforcement. Celles initialement conçues pour le PPF devraient être adaptées pour correspondre aux nouvelles exigences.

De plus, un effort pourrait être fait pour garantir une interopérabilité efficace entre les diverses PDP, permettant ainsi un échange fluide des factures électroniques entre les entreprises. Le modèle Pan-European Public Procurement On-Line (PEPPOL), déjà en usage en France, pourrait jouer un rôle important dans cette harmonisation, facilitant les échanges tant à l’échelle nationale qu’européenne. La Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) pourrait, par ailleurs, intensifier sa surveillance des PDP, avec la mise en place de processus d’immatriculation, d’audit et de contrôle visant à assurer la fiabilité et la qualité des services proposés aux entreprises.

 

 

Céline Prieur

CEO de Médias et Entreprises Depuis 2011 à la tête de Médias et Entreprises et directrice des publications GPO Magazine, GPOMag.fr, Entreprisedigitale.info et du Pôle Editorial, Céline Prieur voue une passion aux contenus éditoriaux et aux médias. Elle s’inscrit dans un processus sociétal qui consiste à créer, offrir et échanger des services de valeur. L'arrivée en force du digital a aiguisé sa curiosité, cette envie de décrypter les tendances et les modèles qui guident notre manière de penser et d'agir. Elle prend rarement la plume, préférant laisser ses équipes journalistiques décrypter les tendances pour nos dirigeants.

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