Fabien Bréget, CEO de Nomadia : un dirigeant investi dans ses opérations de croissance externe
Diplômé d’une Maîtrise d’Économie et de Gestion (MSG) et d’un DESS d’Informatique de Gestion en 1993, Fabien Bréget débute sa carrière dans les hautes technologies et les services informatiques pour les entreprises. Il travaille d’abord pendant 17 ans, dans l’Outsourcing de la paie chez ADP prenant en charge différentes fonctions de direction au sein du groupe jusqu’à devenir CEO d’ADP Italie durant plus de 7 ans.
En 2016, il devient DG de Kern RH Solutions jusqu’en 2020, puis il se lance dans l’entrepreneuriat avec pour ambition de créer le leader européen des solutions SaaS à destination des professionnels itinérants. C’est ainsi que naît Nomadia en 2021, de la fusion de trois entreprises dont il est PDG et actionnaire. Aujourd’hui, 2 nouvelles entreprises ont rejoint le Groupe qui compte désormais plus de 4000 clients répartis dans 92 pays. Les solutions de Nomadia accompagnent quotidiennement 200 000 professionnels sur le terrain (techniciens, livreurs, commerciaux, aides-soignants…). En 2023, Hg, société de capital-investissement spécialisée dans le secteur des technologies, devient l’actionnaire majoritaire du Groupe, témoignage de la place prépondérante de Nomadia.
GPO Magazine : Pouvez-vous nous présenter le Groupe Nomadia ? Pourquoi avoir créé Nomadia ?
Fabien Bréget : À la suite de la reprise de plusieurs entreprises, lesquelles étaient toutes dans le même domaine d’activité (optimisation des activités pour les professionnels itinérants), cela a fait sens de regrouper toutes ces activités autour d’un projet commun et d’une marque commune. Nomadia est donc le fruit de plusieurs entreprises et la marque Nomadia existe depuis 2021. La création du Groupe Nomadia a permis de fédérer les équipes autour d’une même organisation.
Désormais, notre groupe se présente au marché, comme une seule et même entité, ayant vocation d’aider nos clients à atteindre leurs objectifs RSE, auxquels nous contribuons grâce à la décarbonation. En effet, nous aidons d’une part les entreprises ayant du personnel itinérant (commerciaux, chauffeurs-livreurs, techniciens…) à optimiser les déplacements de leurs salariés à travers une sectorisation en amont des équipes sur le terrain. D’autre part, nous leur permettons, grâce à des outils de planning intelligents qui attribuent chaque visite au meilleur moment et à la bonne personne en fonction des compétences, de faciliter chaque tournée à réaliser.
Nos solutions permettent d’arriver à l’heure chez les clients (prise en considération des problématiques de trafic heure par heure sur toutes les routes françaises), mais également de réduire de 20 à 30 % les distances parcourues. Force est donc de constater qu’il y a un fort impact RSE de décarbonation ainsi qu’un gain de productivité en moyenne de 30 %.
Enfin, nous fournissons au quotidien à nos clients des applications mobiles qui aident le technicien à réaliser efficacement sa tournée et son intervention, et qui permettent à la direction de suivre en temps réel l’activité des équipes sur le terrain. La puissance de l’application mobile contribue à améliorer la performance des équipes terrain et à les transformer en véritable « technicien augmenté ». Après son intervention, un compte rendu automatique est rédigé, lequel est adressé au client. Cela génère une dématérialisation de toutes les activités qui permet au technicien ou au commercial de bénéficier d’un gain de temps.
GPO Magazine : Êtes-vous un « Serial entrepreneur »?
Fabien Bréget : J’ai toujours eu envie de diriger une entreprise. Et je l’ai fait au sein de grands groupes où j’ai acquis des compétences et découvert tous les métiers à travers la direction du Service client et Business développement, R&D… Rapidement, à l’âge de 36 ans, je suis devenu Directeur Général d’ADP Italie durant plus de 7 ans. Cette expérience internationale était une étape professionnelle importante afin de pouvoir déjà travailler en anglais, mais aussi pour avoir une autre vision de l’entreprise. Après cette étape, j’ai eu certes d’autres expériences en tant que Directeur Général dans de grands groupes, mais à un moment donné, j’ai voulu devenir à la fois entrepreneur et investisseur.
J’ai d’ailleurs préféré reprendre des sociétés existantes, plutôt que de créer une entreprise ex nihilo qui aurait pris plus de temps et qui n’aurait pas été rapidement rentable. D’autant qu’en France, il y a beaucoup de belles entreprises à céder, notamment parce que leurs dirigeants partent à la retraite et cherchent donc la relève. J’ai ainsi racheté plusieurs sociétés les unes après les autres, puis je les ai regroupées car elles avaient toutes le même projet, à savoir qu’elles comprenaient toutes des solutions pour les professionnels itinérants. Chacune d’entre elles a apporté un savoirfaire supplémentaire, et aujourd’hui, j’ai même choisi de reprendre encore une 5ème société.
GPO Magazine : Qu’est-ce qui vous attire lors du rachat d’une entreprise, et sur quels critères ?
Fabien Bréget : Je décide de racheter une entreprise en fonction de plusieurs critères : le logiciel, le parc clients et les personnes. Il s’agit toujours de sociétés qui font du software : l’objectif est de trouver des logiciels qui viennent compléter notre portefeuille de produits et permettent d’offrir plus de services à nos clients actuels. Ces derniers ont naturellement des besoins et nous y répondons assez bien en leur proposant une gamme assez étendue de services. Par ailleurs, l’aspect territorial est important et nous avons pour objectif d’offrir nos solutions Nomadia à toujours plus de clients, qu’ils soient en France ou à l’étranger.
Nous sommes en effet persuadés que des économies importantes peuvent être effectuées grâce à nos solutions et que ces dernières ont un impact positif sur l’environnement. En effet, actuellement, il n’y a que 30 % d’entreprises qui sont équipées de solutions de gestion d’intervention avec un itinéraire optimisé. Les économies sont de l’ordre de 800 euros par mois par professionnel sur le terrain, ce qui est énorme, et en plus cela contribue à améliorer fortement le bilan carbone.
Je trouve qu’il est dommage que certaines entreprises ne soient même pas au courant de ces solutions là. Le parc clients est également intéressant, car pour Nomadia il s’agit-là de la valorisation de l’entreprise rachetée, et l’entreprise cible peut profiter de tous nos produits et ensemble de solutions.
GPO Magazine : Quels sont les challenges auxquels vous avez dû faire face lors de vos rachats ?
Fabien Bréget : Le challenge le plus important est autant la communication à avoir vis-à-vis des collaborateurs de l’entreprise rachetée que la communication en interne au sein de Nomadia, afin d’informer nos salariés des conséquences de ce rachat. Il faut beaucoup communiquer sur la stratégie. Il convient également de rassurer les clients de la société rachetée sur la continuité de l’entreprise et sur le fait que nous allons leur apporter une valeur ajoutée supplémentaire. Enfin, il faut intégrer l’entreprise dans les process actuels (communication, outils de gestion… ) et créer des synergies.
GPO Magazine : Comment obtient-on l’adhésion de collaborateurs venus d’horizons différents ?
Fabien Bréget : Chaque entreprise a son histoire, chaque collaborateur a son vécu et il ne faut pas faire abstraction du passé de chacun. Il faut savoir reconnaître le travail effectué et ne pas être critique. Il ne faut pas arriver en terrain conquis et appliquer d’emblée ses solutions. Il faut être à l’écoute avant de changer quoi que ce soit afin de comprendre les efforts de l’entreprise et les process mis en place. Par la suite, il convient de communiquer sur la stratégie : organiser des réunions et échanger avec les nouveaux salariés est un bon moyen de leur montrer que nous avons un projet commun. Il y a des collaborateurs qui sont attachés à leur marque et il faut progressivement les amener à accepter la marque Nomadia y compris les codes, le logo, les supports de l’entreprise…. Notre logo représente une hirondelle qui symbolise la mobilité, la rapidité (collaborateurs itinérants) et la fidélité (vraie relation avec nos clients).
GPO Magazine : À votre avis, quelles sont les clés de la réussite en matière de croissance externe ?
Fabien Bréget : Au préalable, il faut oser et prendre des risques. Il faut voir beaucoup d’entreprises afin d’avoir le choix de celle qui nous correspond le mieux (état de veille). Il faut ainsi confronter sa vision d’entreprise à celle de l’entreprise cédante. Et il convient de trouver une solution cohérente proche de notre stratégie. La valorisation est un point important : trouver une valorisation qui soit satisfaisante pour les deux parties en présence. Il faut payer le juste prix : il y a des indicateurs de marché à ce sujet.
Mais il faut réussir à convaincre le cédant car le montant de la cession peut être un point de blocage. Il convient également d’être transparent et de faire en sorte que l’entreprise cédante adhère à notre projet. Les valeurs d’entreprise de l’entreprise cible doivent être assez proches des nôtres. Notre projet est inspirant : nous offrons des solutions au marché pour sauvegarder l’environnement, le climat… Ce sont là des valeurs qui fédèrent. Pour moi, le capital humain est crucial : l’attention que l’on porte aux clients et à nos collaborateurs est essentielle.
GPO Magazine : Face au risque cyber globalement de plus en plus significatif dans les entreprises, comment sensibilisez-vous vos collaborateurs ?
Fabien Bréget : Le « hacker » peut agir de différentes façons : soit faire du « hacking social », soit s’attaquer à nos logiciels. Nous avons mis en place un certain nombre d’actions afin de sensibiliser nos collaborateurs à ce risque. D’abord, il existe une formation spécifique des collaborateurs en interne (à l’aide d’applications logicielles) avec des mises en situation de « hacking » (simulation d’attaques en conditions réelles, de mails malveillants) afin de voir s’ils tombent dans le panneau. Il n’y a évidemment pas de sanctions à la clé : ces simulations sont faites pour les sensibiliser au risque cyber. Nous faisons des campagnes avec l’envoi de fausses attaques afin de leur indiquer les comportements à avoir. Nous avons des outils de formation de mise en situation qu’il faut adapter en permanence avec de la veille sécurité. L’idéal est de réaliser un audit avec l’identification de nos points de vulnérabilité afin d’obtenir des informations clés pour améliorer la cybersécurité.
GPO Magazine : Quels enseignements tirez-vous des différentes crises successives ?
Fabien Bréget : Nomadia s’est avérée résiliente aux crises car nos produits sont restés indispensables à la survie des entreprises qui les ont même encore plus utilisés. En effet, au moment de la crise du prix du carburant, les entreprises se sont rendues compte qu’il fallait investir sur des produits d’optimisation de tournée afin de réduire leurs coûts en interne comme les frais généraux de déplacement. Elles ont eu besoin d’équipements pour optimiser les déplacements et réduire les kilomètres parcourus grâce aux algorithmes d’optimisation de tournée. La crise énergétique va malheureusement s’amplifier incitant les entreprises à investir dans des solutions telles que les nôtres. Concernant la crise du Covid, elle nous a permis de progresser sur les outils de travail à distance, un peu comme toutes les entreprises.
GPO Magazine : Vous êtes une « entreprise à mission », comment gérez-vous la transition écologique ?
Fabine Bréget : La raison d’être de Nomadia est d’aider nos clients à atteindre leurs objectifs RSE, et tous nos outils ont pour objectif d’optimiser les déplacements des commerciaux sur le terrain (sectorisation et planification en amont). Ainsi, nous avons des algorithmes d’optimisation de tournées qui permettent de réduire significativement de 20 à 30 % les émissions de CO2. Au niveau RSE, sur le plan social (réduction du stress et des accidents), nos solutions vont permettre d’établir un planning qui tienne compte de tous les éléments de transport routier. Les durées d’intervention avec l’intelligence artificielle permettent d’avoir un équilibre de vie personnelle car les tournées sont bien faites et bien pensées. En outre, notre app mobile de Protection du Travailleur Isolé (PTI DATI) protège le collaborateur itinérant tout au long de sa journée, en générant une alerte dès qu’un incident se présente (chute, malaise). Je suis convaincu que nos solutions entraînent des gains pour l’entreprise cliente et pour leurs collaborateurs. En outre, cela contribue à donner une image de l’entreprise positive, car elle prend en compte les problématiques RSE.
GPO Magazine : Dans les années à venir, quels grands défis devra affronter Nomadia ?
Fabien Bréget : Nous sommes l’un des leaders français des solutions de mobilité pour les professionnels itinérants et nous souhaitons devenir leader européen en accélérant le nombre d’acquisitions. Le premier grand défi sera l’intégration d’autres entreprises étrangères pour vraiment passer à l’échelon supérieur. Nous voulons aussi accompagner les clients qui souhaitent déployer nos solutions dans toutes leurs filiales à l’international. La cybersécurité est un autre défi important car il faut toujours faire attention à ce qui peut arriver demain et nous investissons sur ce point. Continuer à innover est un autre de nos défis. On se challenge en permanence afin de faire évoluer nos solutions et rester à la pointe de la technologie avec aujourd’hui de plus en plus d’IA.
GPO Magazine : Comment vous ressourcez-vous en dehors de Nomadia ?
Fabien Bréget : Le sport, en particulier la course à pied, est une façon pour moi d’évacuer le stress. Je me lève parfois à 6 h du matin pour faire un footing en milieu de semaine. Auparavant, je faisais de la compétition au niveau national, ce qui a pu me rendre résistant et résilient dans mes fonctions de dirigeant. Au quotidien, il faut une certaine rigueur de vie pour gérer une entreprise. D’ailleurs, j’engage les collaborateurs de Nomadia à pratiquer un sport quel qu’il soit, et j’en ai converti quelques-uns. Cela fait partie maintenant de leur hygiène de vie et cela me fait très plaisir qu’ils se sentent bien dans leur peau. Au niveau de Nomadia, nous participons tous les ans à des compétitions, notamment la course des Lumières (lutte contre le cancer), au mois de novembre.
Chiffres clés 2023 de Nomadia
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