Éviter l’AVC organisationnel : la communication interne comme remède

La communication interne, c’est le système sanguin de l’entreprise : elle irrigue, alerte, nourrit. Quand elle bloque, toute l’organisation se fragilise. Trop souvent réduite à un outil de diffusion, elle est pourtant un levier stratégique majeur. Décryptage.

Notre cœur fait circuler le sang, élimine ce qui doit l’être, oxygène les cellules et alimente chaque partie du corps en énergie. Pour survivre, nous avons besoin que ce réseau soit fonctionnel. Si une artère se bouche, c’est l’AVC ou l’infarctus. Et si une partie du corps n’est plus irriguée, elle meurt.

C’est la même chose dans l’entreprise : l’organisation est un grand réseau qui, pour fonctionner correctement, a besoin que l’information circule, qu’elle monte, redescende, et vice-versa.

La communication interne est un sujet vital qui irrigue toutes les strates de l’entreprise. Cela implique de réfléchir aux artères et veines de circulation (les processus pour que l’information circule correctement), au niveau de transparence que l’on souhaite instaurer (pour éviter des bouchons qui risquent d’imploser) et aux liens avec la culture et les valeurs de l’organisation.

Mais concrètement, quels sont les bénéfices d’une communication interne efficiente ? Et à l’inverse, que risque l’organisation lorsqu’elle se bouche ?

Enrichir les membres : instaurer transparence et feedback

Les plus grandes différences de perception entre managers et collaborateurs portent sur le niveau d’explications données par les managers – que ce soit sur l’utilité du travail ou sur les décisions prises, d’après une étude de l’ICAM de 2020 sur le sens du travail et les pratiques de management.

Un collaborateur qui comprend pourquoi on lui demande de faire quelque chose, et à quoi ça sert, sera toujours plus motivé et engagé et acceptera mieux les décisions difficiles.

L’APEC le confirme : son étude de 2022 sur les pratiques managériales indique que « Les cadres attendent de leur manager encore des efforts, avec en tête, des efforts en termes de communication à 33 % et de reconnaissance à 32 % ».

Ainsi, en plus d’une demande plus importante sur le pourquoi du travail et des décisions, la reconnaissance fait cruellement défaut dans le travail : on dit quand ça ne va pas mais rarement lorsque ça va… Le feedback positif reste une denrée rare, alors même qu’il booste l’implication. Or, le feedback comme l’explication des décisions ou la transmission d’une vision, c’est du sang enrichi !

Et les retours positifs doivent circuler à tous les niveaux : jusqu’au collaborateur qui a concrètement agi (et pas juste au commercial ou dirigeant qui reçoit les félicitations), mais aussi vers sa hiérarchie (parfois le client remercie l’opérationnel et l’information ne remonte pas). La reconnaissance ne doit pas s’arrêter à un étage.

Nourrir le cœur : encourager l’innovation et l’amélioration des processus

C’est au plus près du terrain que le collaborateur est apte à proposer des innovations et des axes d’amélioration. Dans les services c’est lui qui est en contact avec le client, dans un point de vente, en support client. S’il y a production de biens, c’est également lui qui est à même de savoir ce qui pourrait être amélioré dans la chaîne pour gagner en temps et qualité.

Encore faut-il que l’information remonte, et qu’elle redescende, comme la respiration elle doit faire une boucle :

  • Ainsi, si l’information ne remonte pas ou que les collaborateurs ne sont pas motivés à être source de proposition, l’entreprise se coupe d’innovations ou d’optimisations importantes – qui en plus d’améliorer la qualité de vie au travail de ses salariés – est source d’une meilleure productivité et qualité.
  • Et il est aussi nécessaire que l’information redescende : que l’on montre ce qui a été retenu – ou non – et surtout, pourquoi.

C’est cette boucle qui donne envie de continuer à proposer. Sinon, les membres ne sont plus nourris, ils s’assèchent.

Prévenir les caillots : faire remonter les alertes et les dysfonctionnements

De la même manière, si les informations sur les problématiques ne sont pas remontées et prise en compte, un petit problème peut devenir un très gros problème. Et quand les collaborateurs n’osent plus parler, ou voient qu’on ne les écoute pas, les caillots s’accumulent dans le système.

Si les collaborateurs ont peur de remonter un dysfonctionnement, cela va petit à petit gangrener la bonne marche de l’entreprise. Et s’ils se rendent compte que leur retour n’est pas pris en compte, ou pire encore, que celui qui signale une difficulté est pénalisé ou perçu comme “le problème”, plus personne ne dira rien. Et les dysfonctionnements vont s’aggraver en silence.

Le style de management est donc central. Il doit créer un climat de confiance : accompagner en aidant à trouver une solution plutôt que chercher un coupable et sanctionner.

Et surtout, il faut mettre en place des process simples et clairs pour faire remonter les problèmes, les irritants du quotidien, les idées, afin de motiver les collaborateurs. Avec un retour systématique. Parce qu’un système où les flux sont clairs, c’est un système qui respire.

Renforcer le système : prendre soin du climat social et de la santé mentale

En période de crise ou de réorganisations, l’information est souvent tenue secrète durant un certain temps. On garde les choses en haut, “le temps que ce soit sûr” – mais en bas, ça bruisse. On sent qu’il se passe quelque chose. Et le silence alimente les fantasmes et l’incertitude.

Résultat : les rumeurs explosent, la peur s’installe. Le flou devient anxiogène. Le sang est chargé et malade. Et ce stress diffus finit par impacter profondément la santé mentale des collaborateurs et instaure un climat anxiogène dans l’entreprise.

En-dehors des périodes difficiles, un manque de transparence au quotidien créé également un mal-être permanent dans l’organisation. Il y a des caillots à plein de niveaux ! Cela dégrade la confiance, l’autonomie, l’envie de s’impliquer des collaborateurs. Cela nuit à l’ambiance, freine la collaboration, et abîme l’image de l’entreprise, qui perd en attractivité.

Ainsi une communication interne bien pensée, soutenue par un management cohérent et des processus adaptés, c’est une entreprise qui respire. Cela permet :

  • Des collaborateurs motivés à œuvrer pour la vision commune de l’entreprise et présents en cas de coup dur. Ils seront des ambassadeurs de l’entreprise : autant pour mettre en valeur les produits que pour son attractivité. Et le tout avec une réduction du turn-over !
  • Une qualité de vie au travail améliorée : climat social épanouissant, réduction du stress et échanges de qualité entre les collaborateurs générant une meilleure collaboration et réussite des projets.
  • Moins d’erreurs, moins d’oublis et de temps perdus : les apports centraux d’une information qui circule bien et qui reste dans l’entreprise grâce à des process utiles et efficaces.

La bonne circulation de l’information est donc une condition de santé globale pour l’organisation. Elle touche aussi à un enjeu de fond trop souvent négligé : la préservation de la connaissance dans l’entreprise dans un contexte de turnover élevé, sujet qui mériterait un article à part entière !

Alors quelle est la santé de la communication interne dans votre entreprise ? Comment circule-t-elle ? Et quel point pourrait être amélioré ou repensé ?

Par Laure Brignone, fondatrice d’UneÉtincelle et auteure du podcast Visions – un monde du travail en mutation

 

 

 

 

 

 

 

 

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