Le défi de la transition numérique pour les directions des achats

Dans le contexte économique actuel, la transformation numérique des services Achats s’impose désormais comme un pilier et un moteur de l’innovation et de l’efficacité des entreprises. Un constat révélé par le dernier baromètre annuel présenté par le Conseil national des achats (CNA), qui portait sur le succès de la transformation digitale des directions Achats et les défis qui restent à relever.

Créé en 2020 par InsidBoard, le baromètre annuel DPS (Digital Procurement Success) observe chaque année les pratiques des directions Achats en matière de digitalisation. Pour cette troisième édition, ce sont ainsi plus de 6 000 décideurs achats issus d’entreprises de 100 collaborateurs ou plus, tous secteurs d’activité confondus, qui ont été interrogés par le CNA. En complément, une enquête a été réalisée auprès d’un groupe de 50 « jeunes acheteurs » en fin d’études supérieures spécialisées ou ayant moins de 2 ans d’expérience professionnelle dans le domaine des Achats.

« L’édition 2023 marque une véritable prise de conscience de la profession quant au défi digital », comme l’a souligné Jean-Luc Baras, président du Conseil national des achats (CNA), lors de la présentation des résultats de l’étude le 13 décembre dernier devant une assemblée de décideurs Achats.

Une volonté de mettre en oeuvre des projets de digitalisation

Soutenue par des partenaires comme CreditSafe, Jicap, Esker, Jaggaer et l’Adra, cette 3e édition du baromètre DPS a mis en lumière des tendances profondes quant à l’évolution des pratiques au sein des entreprises. Dès sa première parution en 2020, une conviction forte émergeait déjà avec 65 % des projets digitaux au sein des directions Achats jugés critiques ou stratégiques. Cette tendance s’est confirmée l’année suivante, avec plus d’un décideur Achats sur deux qui affirmait utiliser le digital comme levier pour promouvoir la culture de la performance au sein de ses équipes.

En 2023, ce sont désormais 92 % des décideurs Achats qui considèrent la transformation digitale comme une opportunité majeure pour accroître la valeur ajoutée de leur profession. Mais malgré cette prise de conscience croissante, il reste encore beaucoup à faire, avec moins d’une direction Achats sur deux qui déclare avoir engagé sa transformation digitale en 2023. La profession a pourtant conscience de l’urgence d’agir avec 37 % des répondants qui déclarent avoir un projet de digitalisation en cours, pointant du doigt l’inertie digitale d’environ une direction sur cinq.

Un manque de moyen financier

Il est intéressant de noter les disparités entre les niveaux de digitalisation des directions Achats selon la taille de leur entreprise. Les grandes entreprises et le secteur public, portés par une politique volontariste, affichent le niveau de digitalisation le plus avancé. Les PME quant à elles semblent devancer les ETI, démontrant ainsi leur agilité à se transformer, malgré des moyens parfois limités. Il est donc primordial que les ETI rattrapent leur retard, compte tenu de la proportion importante de projets digitaux en cours dans cette catégorie d’entreprises.

En ce qui concerne le financement de ces projets, seuls 20 % des décideurs Achats estiment avoir des moyens financiers suffisants pour mener à bien leur transformation digitale. Cependant, avec 43 % des budgets en progression, plus de 60 % des directions Achats orientent leurs investissements vers cette transformation. Les grandes entreprises continuent quant à elles d’investir massivement dans la digitalisation de leurs services Achats, et les PME, bien que disposant de moins de ressources, produisent un effort supérieur pour poursuivre leur transformation.

Un investissement stratégique

En matière de choix stratégique d’investissement, les priorités des directions Achats sont claires : le digital doit faciliter les tâches quotidiennes des acheteurs et améliorer la qualité de leurs décisions grâce à une meilleure analyse des données. Le digital soutient en effet la mise en oeuvre des normes règlementaires, et contribue par son apport en données à mettre en place les actions stratégiques des acheteurs

Un point de vue porté par Jean-Nicolas Lintz, directeur des Achats Groupe Demathieu Bard qui souligne que « le digital et l’Intelligence Data qui l’accompagne sont des accé lérateurs de la transformation des métiers Achats ». Une idée partagée par Joël Aznar, président de l’association ExQI et directeur de la Data Gouvernance Schneider Electric pour qui « l’IA permet à l’acheteur de passer d’intuitions à des décisions Data Driven ». Avec une nécessité de conduite du changement. En effet, « le besoin de pédagogie auprès des équipes reste très présent pour progresser dans les domaines d’analyse et de traitement des données », souligne Julien Blazy, directeur Méthodes & Performances Achats Eiffage.

Avec un ROI parfois difficile à évaluer

L’évaluation du ROI de la transformation digitale reste un défi pour de nombreuses directions Achats. Si 80 % d’entre elles reconnaissent son importance, seule la moitié affirme être capable de le mesurer. Une légère majorité manifeste sa volonté d’y parvenir, même si la difficulté à mesurer ce ROI reste un obstacle pour certains.

Chiffres clés

  • 20 % des décideurs Achats estiment avoir les moyens financiers nécessaires pour mener à bien leur transformation digitale
  • 43 % des budgets des directions Achats sont en progression, témoignant d’une volonté d’investir dans la transformation digitale
  • 37 % des répondants ont déclaré avoir un projet de digitalisation en cours, tandis que près de 20 % sont encore en situation d’inertie digitale
  • Seulement près de 1 sur 5 décideurs interrogés juge suffisant le financement de sa digitalisation.

Source : Baromètre DPS – CNA

 

Repenser l’intégration de l’IA dans les directions des achats

Malgré l’adoption rapide des innovations les plus récentes en intelligence artificielle (IA) par les directions des achats pour optimiser leurs activités, celles-ci peinent à opérer une transformation profonde et significative. Pourtant, cette transformation s’avère indispensable afin de relever efficacement les défis contemporains tels que la maîtrise des dépenses, les achats durables, la responsabilité sociale, la réduction des risques et le renforcement de la souveraineté, entre autres.
Christophe Tricot

Cette situation découle de la difficulté à appréhender pleinement la complexité du métier des achats lorsque l’on explore les opportunités offertes par les nouvelles technologies. Bien que l’utilisation des technologies d’IA permette déjà d’améliorer la performance en optimisant les activités, les progrès se limitent souvent à la numérisation des documents, à l’automatisation des tâches routinières et à l’analyse des données pour réduire les risques et planifier les stocks. Des applications qui demeurent limitées et ne répondent pas entièrement aux enjeux actuels. D’autant que se concentrer uniquement sur l’amélioration de l’existant tend à uniformiser les pratiques et à appauvrir les spécificités propres à chaque entreprise.

Pour initier une transformation significative avec l’IA, il est nécessaire de prendre du recul et de concevoir la fonction Achat dans sa globalité. Cela inclut une compréhension approfondie des marchés, ainsi que la gestion proactive des relations fournisseurs en créant un vivier d’entreprises à piloter, à animer et à développer. Il est également important de formaliser et de mettre en oeuvre une politique durable et éthique, activités qui requièrent des compétences constamment actualisées, et qui reflètent les valeurs et les convictions de l’entreprise.

Ainsi, une méthode d’évaluation simple et pragmatique émerge pour évaluer les opportunités offertes par l’IA : dans quelle mesure cette solution appauvrit, renforce ou démultiplie les savoir-faire des équipes ? Adopter une approche systématique et créative permet d’exploiter pleinement le potentiel de l’IA, qui ne doit pas être perçue uniquement comme un outil d’amélioration de l’efficacité opérationnelle, mais comme un levier pour valoriser et amplifier les savoir-faire.

Par Christophe Tricot, Président fondateur de La Forge, startup studio dédié à l’intelligence artificielle – Docteur en Intelligence Artificielle

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