Dématérialisation des processus financiers : quelles sont les priorités ?

Portée par différents éléments conjoncturels, la digitalisation des processus financiers devrait, dans les mois à venir, s’accélérer. Les entreprises pourront à cet effet s’appuyer sur différentes technologies dont certaines sont particulièrement innovantes.
La maturité digitale des entreprises dépend de différents éléments, dont leur taille et leur activité. Selon le Baromètre Konica Minolta de la sérénité numérique 2025, réalisé en partenariat avec l’Institut Occurrence (groupe Ifop), seulement 44 % des ETI ont déjà mis en place des stratégies numériques et 33 % sont en cours de déploiement. Les PME pour leur part ne seraient que 29 % a avoir déjà une stratégie numérique en place.
Cependant, selon le baromètre 2024 sur la transformation numérique des TPE et PME françaises publié par France Num, les dirigeants de TPE et PME affichent à nouveau une confiance solide dans les bénéfices du numérique, alors qu’ils étaient assez circonspects sur le sujet en 2023. Plus de 79 % (+3 points) d’entre eux considèrent que le digital est un véritable atout pour leur activité, notamment en termes de croissance et de rentabilité.
« Plus globalement, aujourd’hui, la plupart des entreprises sont équipées d’un ERP ou d’une solution de gestion pour la comptabilité, la finance ou la facturation, précise Fabien Pérard, DSI Corporate de Docaposte. Cependant, nombre de ces outils ne sont pas à jour ou pas utilisés de manière optimale. Pour que ces entreprises relèvent les défis qui se présentent à elles aujourd’hui, elles vont devoir véritablement mener leur révolution digitale ».
La réforme sur la facturation électronique, levier de digitalisation des processus comptables
Cette révolution est d’autant plus nécessaire à mener pour se mettre en conformité avec les réglementations. La réforme sur la facturation électronique, qui va se mettre progressivement en place dans les entreprises à compter de septembre 2026, devrait ainsi accélérer cette digitalisation.
Selon l’étude de Konica Minolta, 61 % des DAF sont bien informés de la loi, ce qui indique une sensibilité particulière à l’adoption numérique dans leurs fonctions. En revanche, il est observé un recul significatif du niveau de préparation des entreprises à la réforme, qui passe d’une note de 2,7 sur 5 en 2023 à 2,3 sur 5 en 2024. À ce jour, seulement 42 % des DAF se déclarent prêts.
Considérée comme une contrainte par nombre d’entreprises, cette réforme peut néanmoins leur être profitable. « Nous observons en effet que de nombreuses entreprises prennent le parti de faire de la réforme sur la facturation électronique une opportunité de digitaliser l’ensemble de leurs processus et ce, quelle que soit leur maturité digitale », observe Sabrina Hué, Directrice de projet Facturation électronique chez Julhiet Sterwen.
« Par exemple, certaines ont actuellement des processus de gestion de leurs factures différents dans chacune de leurs filiales. D’autres n’ont digitalisé qu’une partie de leur chaîne de facturation. Elles vont désormais profiter de leur transition vers la facturation électronique pour élargir cette digitalisation à d’autres processus, comme la réception des commandes et l’imputation, les harmoniser, mettre en place des systèmes de Workflows et de validation, etc. Elles vont ainsi améliorer la gestion de leurs processus de facturation, limiter les erreurs par exemple sur les imputations comptables, renforcer leur prévision de trésorerie, réduire leurs délais de paiement… », souligne-t-elle.
Au-delà de la mise en conformité réglementaire, la digitalisation des processus comptables participe aussi à la conformité de l’entreprise avec les normes comptables et fiscales. Elle contribue également à l’optimisation des processus de clôture, réduisant ainsi les délais et améliorant la précision des états financiers.
Les RPA au chevet des systèmes d’information vieillissant
Dans le cadre de la digitalisation de leurs processus financiers, certaines entreprises font en premier lieu le choix de mettre en place des technologies de RPA (Robotic Process Automation). « Elles permettent notamment aux entreprises ayant des systèmes d’information vieillissants et qui n’ont pas les ressources nécessaires pour migrer vers une solution tout intégrée, comme un ERP, d’automatiser leurs processus financiers de bout en bout, explique Fabien Pérard. Il s’agit déjà pour ces entreprises d’une véritable voie de progrès, générant des gains de productivité importants ».
Les outils de Business Intelligence pour renforcer l’analyse des données
La mise en place de logiciels de Business Intelligence, de planification budgétaire et d’analyse des données financières sont pour leur part indispensables pour optimiser les processus financiers et faciliter les prises de décisions.
« Ces outils permettent notamment de croiser et de consolider différentes sources de données pour avoir des analyses financières plus fines, précise Fabien Pérard. Leur mise en place et leur exploitation optimale nécessitent néanmoins que les entreprises centralisent leurs données financières dans un environnement unique tel qu’un Data Warehouse. Il s’agit là d’un véritable chantier qui peut les obliger à urbaniser le système d’information ».
L’intelligence artificielle pour gagner en prédictibilité
L’intelligence artificielle, bien qu’encore peu répandue dans certaines entreprises, suscite également un intérêt croissant de la part des fonctions financières. « Aujourd’hui, toutes les entreprises veulent mettre en place de l’IA, constate Fabien Pérard. Dans la finance, l’IA est d’abord utilisée pour automatiser des tâches répétitives, améliorer la productivité des collaborateurs et leur permettre de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée comme l’analyse des chiffres. Cette technologie permet par exemple de réaliser du lettrage automatique de factures, ou de faire des prévisions de trésorerie ».
L’IA est également plébiscitée dans la prévention des risques et ce d’autant plus actuellement. Au regard de l’environnement économique, commercial et financier actuel, les entreprises ont également besoin de gagner en agilité et en prévisibilité pour accompagner leurs prises de décisions et leur stratégie.
« Par exemple, elles doivent être en capacité d’ajuster leurs prévisionnels en tenant compte aujourd’hui de l’augmentation des droits de douanes, explique Jean-Baptiste Auzou, Chief Product Officer chez Cegid. Elles ont également besoin de renforcer leur visibilité sur l’évolution de leur trésorerie pour adapter leurs décisions d’investissements ou de gestion de leurs stocks, en fonction de l’environnement économique et financier. À cet effet, il leur faut s’appuyer sur des outils leur permettant de sortir des prévisions de trésorerie très rapidement, tenant compte notamment d’éléments conjoncturels présents ou d’anticiper sur ceux à venir. En embarquant de l’IA dans leur système d’information et en particulier dans leur outil de gestion de trésorerie, elles seront mieux à même d’analyser des volumes de données clients et de gestion importants ».
L’intelligence artificielle pour limiter la fraude
Cette digitalisation des processus doit néanmoins s’accompagner d’un renforcement de la sécurité des données financières, souvent sensibles. La démarche est d’autant plus nécessaire face au développement actuel des risques cyber et de fraudes. Selon le baromètre France Num, près d’un dirigeant sur deux exprime d’ailleurs des craintes face aux risques de piratage, témoignant d’une prise de conscience de l’importance de protéger les données sensibles.
Pour y faire face, les entreprises mettent en place des dispositifs de sécurité renforcés, tels que l’usage d’antivirus certes, mais aussi des solutions de chiffrement des données, des contrôles d’accès stricts et bien entendu des systèmes de sauvegardes poussés.
« Les technologies d’intelligence artificielle permettent également aujourd’hui de mettre en place des modèles de Machine Learning capables de détecter des anomalies comme des transactions frauduleuses ou des opérations inhabituelles sur des comptes clients, précise à ce sujet Jean-Baptiste Auzou. Elles peuvent également suggérer des corrections d’anomalies, sans pour autant remplacer l’humain à qui revient la prise de décision ».
La qualité de la donnée, un impondérable
L’exploitation optimale de ces outils et technologies reposent sur un Data Management de qualité. « L’utilisation de l’IA impose une donnée de bonne qualité, rappelle Fabien Pérard. Elle est indispensable pour éduquer les modèles de prévision. Pour ce faire, il faut cartographier les flux de données, mettre en place des moyens de mesures de qualité, responsabiliser l’ensemble des acteurs en démontrant leur rôle comme maillon d’une grande chaîne et animer cette communauté ».
Les entreprises doivent donc mener un travail de qualification de leurs référentiels de données et les enrichir. Cette démarche est d’ailleurs un prérequis dans le cadre du passage à la facturation électronique, du moins en ce qui concerne les données clients et fournisseurs.
|