Dématérialisation : l’État accélère le mouvement avec la loi Elan

La dématérialisation des démarches et des documents ne cesse de progresser. En particulier par la volonté des pouvoirs publics qui font évoluer régulièrement les réglementations pour impulser le rythme. Des collectivités aux services de l’État, en passant par les entreprises et les particuliers, c’est en fait toute la société qui doit suivre le mouvement.


Partant du constat que seulement 62 % des démarches administratives étaient actuellement numérisées en France, le gouvernement a décidé en 2019 de mettre un coup d’accélérateur en dressant une liste de 250 démarches administratives qui devront être dématérialisées à l’horizon 2022.

Une liste qui concerne les démarches des particuliers mais aussi d’autres à caractère économique comme la création d’entreprise en ligne, l’envoi dématérialisé de factures aux acheteurs publics via Chorus Pro, la déclaration d’échanges de biens intracommunautaires et autres déclarations douanières, sans oublier diverses demandes liées aux contrats de travail.

Au-delà de ce cap général, l’État profite de toutes les occasions pour donner un tour de vis supplémentaire lorsque qu’il restructure certains secteurs spécifiques. La loi Elan du 23 novembre 2018 en est le parfait exemple. Celle-ci a pour objectif principal de restructurer le secteur du logement social en France, de simplifier et faire évoluer les procédures pour « construire plus, mieux et moins cher », ou encore d’améliorer le cadre de vie, grâce notamment à la transition énergétique.

Vers le tout numérique

Ce n’est pas tout puisque derrière l’acronyme Elan se cache en fait la loi portant sur l’« évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ». C’est pourquoi ce même texte législatif impose, par exemple, la dématérialisation des autorisations d’urbanisme, à partir du 1er janvier 2022, pour toutes les communes de plus de 3 500 habitants.

À ce titre elles devront recevoir et instruire, par voie dématérialisée, les demandes de permis de construire, les déclarations préalables et les certificats d’urbanisme. L’intention est louable : fluidifier le parcours des dossiers, permettre un gain de temps dans les procédures, améliorer l’archivage, la traçabilité et la recherche de documents. Au passage, dégager des ressources internes pour les services de l’État comme pour ceux des collectivités, grâce à la dématérialisation, figure parmi les bénéfices attendus au moment où les ressources internes sont comptées.

Le casse-tête de la numérisation

Il faut par ailleurs bien prendre en compte le fait que la majeure partie des documents concernés ont une valeur légale et doivent de fait être conservés pendant un certain nombre d’années. Techniquement, cela ne pose pas trop de souci pour les documents qui sont, ou qui seront nativement dématérialisés parce que issus de démarches réalisées en ligne. Bien qu’il faille bien entendu savoir les indexer correctement pour assurer leur traçabilité et la recherche documentaire, sans oublier les questions de sécurité d’archivage et de transmission.

Le problème de taille réside plus du fait de la coexistence d’un flux papier et d’un flux numérique pouvant constituer un même dossier. C’est par exemple le cas en matière d’urbanisme où il faudra numériser les documents papiers actuels et les archives récentes pour que l’ensemble d’un dossier soit dématérialisé. Un travail qui peut vite atteindre des proportions très importantes : pour la seule ville de Paris, les instructions et autorisations d’urbanisme représentent 25 tonnes de papier par an. Volume important certes, mais pas forcément étonnant dans un système administratif français parfois décrié pour la lourdeur de ses procédures papier.

Toutefois le législateur permet l’intervention de prestataires externes sur ce sujet. Une option pertinente notamment pour les communes et les institutions de taille plus modeste qui ne disposent pas forcément des moyens humains et matériels nécessaires.

« Notre métier est notamment de numériser et d’archiver des documents d’entreprises mais aussi de collectivités. En résumé, notre objectif, dans le cadre d’une prestation de ce type auprès d’une commune, est de mettre en œuvre la numérisation fidèle et la copie fiable : ce procédé permet d’assurer la pérennité des documents numérisés et offre la possibilité de détruire sans risques l’original papier : depuis septembre 2020, la loi permet aux collectivités de se séparer légalement de leurs documents papiers dès lors qu’elles ont conclu une convention de numérisation avec un opérateur agréé, ce qui est notre cas, et que les documents numérisés soient stockés dans un SAE (Système d’Archivage Electronique) », confirme Alexandra Jackson, responsable Développement Commercial Est & Luxembourg de Novarchive.

Un rythme difficile à tenir

Pascal Landreat« Nous sommes concernés par la dématérialisation des documents d’urbanisme mais de manière indirecte, puisque nous avions mutualisé ce service au sein de l’intercommunalité, et c’est à cet échelon que sont pris en compte les changements à opérer », explique Pascal Landréat, maire de Pont-Sainte-Marie (Aube), une commune de plus de 5 000 habitants. « En ce qui concerne la dématérialisation d’une manière générale, si cela apporte une simplification au niveau de l’usager, même si ce n’est pas toujours évident notamment pour les personnes âgées, elle est assez difficile à gérer en interne en termes notamment d’organisation et de formation », constate-t-il.

La mise en place de nouveaux processus de dématérialisation s’est accélérée ces dernières années dans divers aspects de la gestion communale. La crise sanitaire est venue ajouter un degré de complexité car il n’est pas aisé d’organiser des formations pour le personnel dans un tel contexte.

« Il est clair que le rythme imposé pose problème car nous devons à chaque fois réorganiser nos services mais aussi acheter des logiciels, de nouveaux matériels et organiser des formations », fait remarquer Pascal Landréat.

Dans tous les cas, le processus général de dématérialisation est lancé au niveau de l’État qui n’entend pas s’arrêter de sitôt. En octobre dernier, un rapport de la Direction Générale des Finances Publiques sur « la TVA à l’ère du digital » vient conforter l’intention du gouvernement d’élargir le champ d’obligation de la facture électronique à toutes les transactions domestiques entre les entreprises. Le principe d’une mise en œuvre entre le 1er janvier 2023 et le 1er janvier 2025 étant retenu.

Dans son rapport, la DGFIP met en avant les gains financiers pour les entreprises – l’émission d’une facture électronique coûte un euro à l’entreprise contre une dizaine d’euros pour la version papier – mais pas seulement. Parmi les quatre objectifs fixés par cette mesure figure aussi la facilitation, à terme, des déclarations de TVA par le pré-remplissage. Au passage, le gouvernement pourra aussi affiner « la connaissance au fil de l’eau de l’activité des entreprises afin de favoriser un pilotage plus fin des actions de politique économique ». Dernier objectif clairement identifié, « lutter contre la fraude fiscale et diminuer l’écart de TVA au moyen de recoupements automatisés ».

En d’autres termes, la dématérialisation permet aussi à la France de rentrer des ressources supplémentaires au moment où les besoins budgétaires s’envolent pour limiter les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire.

Dans ce contexte, le rythme du déploiement de la dématérialisation en France n’est pas près de baisser !

Laurent Locurcio

Journaliste économique, il a notamment collaboré avec la presse spécialisée dont La Tribune, Le Point, Le Monde, LSA, Sport Eco, et bien entendu GPO Magazine. Il a également participé au lancement de titres de presse et a été rédacteur en chef  d’un important magazine d’entreprise. Auteur également de livres d’entreprises, il intervient aussi auprès d’étudiants en formation multi-médias.

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