Vers une nouvelle ère des congés payés : réformes, rétroactivité et transparence
Dans le cadre de l’harmonisation avec le droit européen, le Code du Travail permet désormais aux salariés d’acquérir des jours de congés payés pendant leurs arrêts de travail, quelle qu’en soit la cause (maladie professionnelle ou non, accident du travail ) et la durée.
Cette réforme marque une avancée en matière de droits des salariés et témoigne de l’engagement des autorités à adapter le droit français aux normes européennes. Elle va permettre de résoudre deux complexités majeures pour les employeurs à la suite de la jurisprudence de la Cour de cassation sur le sujet (arrêts 13/09/2023) : le régime de report des congés payés en cas de maladie qui exigera un formalisme accru, les délais de forclusion et de prescription encadrant désormais les actions des salariés.
Quels sont les grands changements en matière de congés payés ?
Les dispositions du Code du travail ont été modifiées, accordant désormais aux salariés en arrêt maladie 2 jours ouvrables de congés payés par mois, avec un plafond de 24 jour ouvrable par an. Pour ceux en accident du travail ou maladie professionnelle, ils bénéficient de 2,5 jours ouvrables par mois, soit 30 jours ouvrables par an, même en cas d’arrêt continu de plus de 12 mois.
Une période de report de 15 mois est instaurée pour permettre aux salariés de prendre les congés acquis pendant une période où ils n’ont pas pu les poser en raison d’un ou plusieurs arrêts maladie.
La loi prévoit également une application rétroactive, à partir du 1er décembre 2009, pour ces nouvelles règles d’acquisition et de report de congés pour les salariés en poste.
Les employeurs vont rencontrer divers défis pour s’adapter à ces règles complexes, notamment la gestion des droits aux congés payés et du report, l’évaluation des congés à régulariser, la décision d’informer immédiatement les salariés ou d’attendre une demande de clarification sur les droits antérieurs, et l’acquisition d’outils tels que des logiciels de paie et des systèmes d’information sur les ressources humaines (SIRH) pour assurer une conformité avec la nouvelle loi concernant le suivi des congés payés.
Cette mesure contribuera-t-elle à assurer une gestion plus transparente des congés payés ?
Cette législation peut favoriser une gestion plus transparente des congés payés au sein des entreprises, principalement grâce à l’obligation faite à l’employeur d’informer le salarié de ses droits à chaque reprise du travail, ainsi que des dates limites de report pour leur utilisation. Cette mesure permettra au salarié d’avoir une vision claire de ses droits, tandis que l’employeur pourra mieux organiser la prise de congés.
Cependant, à moins d’utiliser un système d’information sur les ressources humaines (SIRH) pour clarifier ces informations, la communication se fera principalement à travers les bulletins de paie. Il pourrait être nécessaire, à mon avis, de différencier plusieurs compteurs de congés payés en fonction de leurs dates limites de prise, ce qui risque de compliquer la lecture des bulletins de paie, alors même que le gouvernement envisage de simplifier ces documents.
De même, la règle de report des congés non pris sur une période de 15 mois exige des entreprises une plus grande transparence en communiquant chaque année sur les périodes de prise des congés payés. En effet, bien que le salarié ait un délai de 15 mois pour prendre ses congés à son retour de maladie, il devra les prendre pendant les périodes définies par l’entreprise.
Comment la rétroactivité de la loi jusqu’en 2009 affectera-t-elle les salariés concernés et leurs droits à congés payés ?
La loi énonce clairement qu’elle s’applique rétroactivement à partir du 1er décembre 2009.
Ainsi, les règles d’acquisition des congés payés en cas de maladie, plafonnées à 24 jours ouvrables par an, ainsi que le report de 15 mois des congés payés, sont rétroactives. Cette rétroactivité ne concerne que les congés payés acquis pendant les arrêts maladie, excluant les arrêts pour accident du travail dépassant douze mois.
Cependant, cette rétroactivité est soumise à certaines limitations :
- Un salarié ne peut pas obtenir plus de 24 jours ouvrables de congés payés par année d’acquisition, même avec l’acquisition rétroactive due à la maladie.
- En cas d’arrêt maladie prolongé sur plusieurs années, les règles de report de 15 mois peuvent entraîner la perte des droits acquis antérieurement.
Ces mesures visent à protéger financièrement les entreprises contre d’éventuels rappels massifs de jours de congés.
Ces dispositions requièrent une analyse approfondie, ce qui peut être complexe tant pour les entreprises que pour les salariés. Pour les salariés toujours en poste, la loi prévoit un délai de forclusion de deux ans à compter de la publication de la loi pour agir en justice et réclamer leurs droits à congés payés, si l’employeur ne régularisait pas de lui-même.
Pour les salariés ayant quitté l’entreprise avant la publication de la loi, aucune disposition spécifique n’est prévue. Il semble que les règles de prescription ordinaires s’appliquent, selon une décision du Conseil d’État récente.
Par Patricia Pierre, en charge du pôle Social & RH au sein du Groupe Exponens