Incarner ses données pour les valoriser
Les statistiques d’évolution des data sont sans appel. Selon McKinsey Global Institute, le volume de données mondiales a doublé tous les trois ans jusqu’ici. Une progression fulgurante qui n’en est qu’à ses débuts, d’autant que de nouvelles technologies apparaissent régulièrement, multipliant le nombre de points de contact entre l’entreprise, ses clients et ses prospects. L’IoT, l’internet des objets, en est le parfait exemple, au même titre que l’utilisation de la voix pour les moteurs de recherche. La progression va s’accélérer, une étude IDC de 2018 prévoit même une multiplication des données par cinq d’ici 2025, en particulier avec le développement de l’IoT.
Pour l’entreprise, l’ère de la base des données clients ne contenant que quelques informations succinctes relatives à l’identité et aux coordonnées fait définitivement partie d’un passé révolu.
« Avec l’explosion du digital et du web, les entreprises peuvent avoir 500 fois plus de points de contact avec leurs clients et prospects : tous les comportements peuvent être traqués, le périmètre des prospects s’est très élargi et le nombre de personnes suivies a été multiplié », souligne Grégoire Frémiot, chief revenue officer de Mediarithmics, société française qui a mis au point une plateforme technologique de data marketing permettant de collecter, structurer, protéger et activer la donnée. « En plus de l’énorme progression du volume des données, s’ajoute une autre difficulté qui est le traitement et l’exploitation en temps réel afin de réagir de manière personnalisée, au bon moment et par le bon canal, aux actions que le client est en train de faire », poursuit-il.
C’est par exemple le cas sur les sites de vente en ligne où des offres sont « poussées » sous les yeux de l’internaute lorsqu’il consulte une page, en fonction de sa navigation, de son profil, de ses habitudes d’achat ou encore des promotions que le vendeur souhaite mettre en avant. En substance, la relation client est placée sous le signe du multicritère et du multicanal rendant indispensable une cohérence dans la communication avec le client.
« Une solution technologique unique, type plateforme, permet de rassembler toutes les données d’où qu’elles viennent et de les utiliser de manière intelligente dans la relation avec le client, dans le cadre d’une communication personnalisée et sans excès de pression contre-productive », ajoute Grégoire Frémiot.
Le recours à une CDP (Customer Data Plateforme) est un moyen pour établir un profil de communication avec chaque client et prospect : type d’outil auquel il est sensible (mail, SMS, call center, etc.) ou fréquence de contact optimale par exemple.
Prédire et prescrire
Collecter un volume croissant de données n’a d’intérêt que si l’entreprise peut les valoriser, notamment par leur exploitation. « Des méthodes et des outils existent pour analyser toutes ces données mais aussi, et c’est particulièrement intéressant pour l’entreprise, pour anticiper et par conséquent prescrire des actions correctives », fait remarquer Emmanuel Vandenbesselaer, directeur de clientèle de Socio Data Management, un spécialiste du traitement et de l’analyse de données multi-sources et leur valorisation par des outils applicatifs. La mise en place d’une stratégie d’exploitation des données dans l’entreprise est indispensable pour en tirer le meilleur parti, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui.
« Notamment à cause de la profusion des données et des difficultés techniques qui en découlent, même les entreprises ayant déjà une certaine maturité sur le sujet n’exploitent que 10 à 15 % de la valeur de leurs données », ajoute-t-il.
Le champ d’exploitation des données de l’entreprise est encore immense, d’autant que des technologies telles que la Business Intelligence ou encore le Deep Learning apportent un éclairage supplémentaire en matière de Data Intelligence.
« Nous avons développé un simulateur bayésien* qui permet à l’entreprise, à partir de l’identification des leviers contributifs au succès d’un produit ou d’un service et leur articulation, de simuler de manière prédictive les objectifs qui pourraient être atteints par l’activation d’un ou plusieurs leviers, tout en tenant compte des contraintes par exemple en matière logistique, budgétaire ou encore stratégique », conclut Emmanuel Vandenbesselaer.
Reprendre la main
Attention toutefois : pour faire « parler la donnée » sans fausse note, il y a notamment deux prérequis à respecter. En premier lieu, réaliser un audit de la donnée en amont. Quelles sont les données dont je dispose, de quelle manière et avec quels outils sont-elles aujourd’hui collectées et stockées, quelles sont celles dont je pourrai disposer à l’avenir, autant de questions à se poser au préalable. Cet audit va permettre au passage, de s’assurer de la conformité légale par rapport notamment au RGPD.
Autre préalable, la réappropriation des données par l’entreprise. Face à la complexité technique, certaines entreprises confient à d’autres leurs données et leur traitement, sans toujours suivre forcément avec précision ce qu’elles peuvent devenir. Pour une entreprise, se réapproprier ses données, adopter une Data Management Platform, c’est aussi reprendre la main sur tous les points de contacts entre la marque et ses utilisateurs. D’autant que, dans le cadre de la transformation numérique, la valeur d’une entreprise passera par la manière dont elle sera capable de valoriser ses données.
* L’adjectif « bayésien » fait référence au mathématicien britannique Thomas Bayes, et dans la plupart des cas au théorème de Bayes, un résultat de base en théorie des probabilités.
La composante psychologique
Il s’agit donc bien, au travers des outils de collecte et d’analyse, d’incarner la donnée par des profils toujours complets. Il y a quelques temps encore, les stratégies marketing s’appuyaient sur des données démographiques : âge, formation, localisation, revenu, profession par exemple. Désormais, grâce aux data, l’heure est plutôt au ciblage psychographique selon les critères de personnalité, de valeurs, d’attitude ou encore d’intérêts. En clair, en exploitant des données démographiques l’entreprise savait qui achetait ses produits ou ses services. Avec l’approche psychographique, l’entreprise peut comprendre pourquoi ses produits sont achetés. Un changement beaucoup plus stratégique qu’il n’y paraît puisque il sera possible d’identifier les raisons du succès – ou de l’échec – d’un produit, de détecter les signaux faibles d’un changement de comportement du consommateur, voire de prédire un retournement de situation. |