Comment rendre intelligentes les données du Big Data

Pour certains, le Big Data serait même le « pétrole du xxie siècle ». Placées sous le signe des quatre V – volume, vélocité, variété et valeur – les Big Data font naître beaucoup de projets, et d’espoirs, en rendant possible une relation client toujours plus personnalisée. Encore faut-il pouvoir dompter l’inflationexponentielle du nombre de données et entirer la quintessence afin que les directions marketing puissent en nourrir leurs actions. Pour celles-ci, l’enjeu est de pouvoir présenter des offres contextuelles, appropriées et rentables, au bon moment et par le bon canal, et même au bon endroit grâce à la géolocalisation. Des outils, comme par exemple des CRM intégrant des solutions s’appuyant sur l’exploitation du Big Data, permettent désormais une utilisation intelligente de ces données brutes. 

Les bases de données composées d’un fichier d’adresses et de noms font résolument partie du passé. À l’ère du Big Data, les bases s’enrichissent de l’historique client ou encore de toutes les interactions de celui-ci avec l’entreprise. Encore faut-il savoir ce qu’il est possible d’en faire en vue d’une stratégie marketing.

S’assurer de la qualité des données
« L’efficacité de la stratégie marketing repose essentiellement sur la qualité des données et non sur leur quantité », analyse Stéphane Martis, directeur analytics chez Experian Marketing Services France, expert mondial de la qualité des données, de l’analytics et du marketing cross-canal. Les entreprises en sont de plus en plus conscientes et sont 96 % à déplorer que leurs données clients et prospects comportent des inexactitudes (source : enquête sur la qualité des données Experian Marketing Services). « La qualité des données devient un enjeu fort pour les entreprises d’autant que le volume de datas s’accroît de manière exponentielle chaque année », poursuit Stéphane Martis. Dans ce contexte, il est devient impératif de nettoyer les fichiers pour éviter les doublons, d’identifier les datas pertinentes, de s’assurer de leur fiabilité, et tout cela en permanence. « Il est également important de structurer et organiser ses bases de données puis de construire des segments clients, des modèles et des indicateurs opérationnels qui puissent être facilement exploités ensuite par les services marketing », note Stéphane Martis.
En résumé, l’action marketing doit pouvoir s’asseoir sur une base de données fiabilisée pour être efficace, mais aussi pour éviter des erreurs, toujours préjudiciables. Désormais, les entreprises cherchent des solutions pour mieux exploiter leur Big Data. C’est d’ailleurs pour y répondre qu’Experian Marketing Services vient de lancer, début mars, la Data Quality Platform. Celle-ci combine la capacité de gérer rapidement de grandes quantités de données et de les analyser grâce à des référentiels. L’outil permet ainsi de fiabiliser les données, mais aussi de déceler des problèmes, des incohérences, et donc de les résoudre, avant toute exploitation par les services marketing.

L’intérêt des modèles prédictifs
« Les modèles prédictifs permettent d’exploiter intelligemment le Big Data dans une approche cross-canal notamment », précise Sylvain Harault, senior account consultant chez Pegasystems.
« La mise en place d’un modèle prédictif va, par exemple, permettre d’envoyer un signal de probabilité d’achat pour un client donné, et à un moment précis », poursuit-il. Dans le même esprit, il est possible de déceler très tôt les signes annonçant qu’un client est prêt à changer de fournisseur. Dans ce cas, une offre de rétention lui sera faite au bon moment. « Le modèle adaptatif permet aussi une amélioration permanente de la connaissance client puisque chaque interaction avec un canal, quel qu’il soit, vient alimenter le système », poursuit Sylvain Harault. C’est ainsi que Pegasystems a lancé la solution Pega Next-Best-Action-Marketing, gérant toutes les relations avec les clients sur tous les canaux entrants et sortants. Elle évalue en permanence le client, la situation et les objectifs globaux de l’entreprise pour recommander dynamiquement, au service marketing, des actions ou des offres pertinentes. Il est par exemple possible, en combinant analyse prédictive et adaptative, et la géolocalisation, de proposer au client la bonne offre, au bon moment, par le bon canal, et au bon endroit !

Un référentiel client pour valoriser le contenu
« Pour parvenir à gérer la masse de données dont on dispose, il est primordial de construire un référentiel client unique de qualité », explique Olivier Piettre, co-fondateur et directeur général de Follow the Sun, éditeur de la solution CRM360°. Alors que les données de clients se multiplient et que les canaux de communication se diversifient, il est essentiel de faire le tri entre les informations pertinentes et celles qui ne le sont pas. Il est ainsi possible, par exemple, de déceler le potentiel d’un client en termes d’objectifs. « Je préfère parler de smart data », ajoute-t-il en insistant sur l’importance qu’il faut accorder à cette étape. La donnée client est bien au centre de la stratégie digitale de l’entreprise. L’intégration d’une solution CRM peut alors permettre de décliner des actions marketing, des campagnes ou encore des programmes de fidélité pour ne citer que quelques exemples. « Cela permet d’avoir davantage de créativité et de réactivité sur le plan marketing, mais aussi de continuer à nourrir la base de la connaissance client en temps réel, avec la prise en compte permanente des nouvelles interactions », poursuit Olivier Piettre. Enfin, ces solutions de connaissance client CRM sont accessibles également aux petites entreprises. Grâce au SaaS notamment, comme c’est le cas pour CRM360°, ces solutions modulables existent, dont les tarifs varient en fonction du nombre de contacts en base.  

L’intégration avec les outils CRM
Micropole est une importante entreprise de services du numérique qui accompagne ses clients dans les domaines de la Business Intelligence, de l’e-business, de l’ERP et du CRM. À ce titre, Micropole a réalisé une cartographie inédite de plus de 250 solutions CRM existantes en Europe. « Nous avons pu constater que le marché du CRM se transformait profondément sous l’impulsion du digital et que l’offre s’élargissait, notamment pour tenir compte du potentiel offert par le Big Data », analyse Raphaël Bénoliel, directeur des practises CIM et CRM chez Micropole, qui a coordonné cette cartographie. Il y a quelques années seulement, les outils de CRM évoluaient de façon assez simple entre les plate-formes de centres d’appel, la gestion des emails sortants et les outils dédiés à la gestion client.  « Aujourd’hui, de nouvelles fonctionnalités comme la recommandation de l’offre bâtie sur l’analyse du Big Data sont venues s’ajouter », explique-t-il. Les éditeurs de CRM en tiennent compte de plus en plus malgré la complexité du sujet. Par exemple, il faut pouvoir stocker et  analyser des données de natures très différentes, et les réorganiser pour pouvoir les utiliser rapi­dement et à bon escient. « Cela suppose aussi une réorganisation des entreprises, peut-être autour d’une direction de la relation client qui prendra de plus en plus d’importance », estime Raphaël Bénoliel. En tout cas, la vulgarisation des solutions CRM orientées Big Data est bien en marche.    

Réorganiser le système d’information
Pour Romain Chaumais, co-fondateur d’Ysance, agence conseil en technologie digitale, les entreprises doivent aussi évoluer dans leur approche, en particulier en réorganisant leur système d’information. « De manière classique, le système d’information est davantage focalisé sur les processus et la production, et a des difficultés à s’orienter vers le service client : il faut alors construire la partie digitale de l’information », explique-t-il. Concrètement, Ysance préconise la création d’une plate-forme digitale propre, structurée autour de trois piliers complémentaires que sont le CRM, l’e-commerce et le digital marketing. « La satisfaction client est un aspect important : le client accepte en quelque sorte que l’entreprise sache de plus en plus de choses sur lui, mais en retour, il attend que ce soit pour mieux le servir », indique Romain Chaumais. La mise en place d’une plate-forme digitale pour exploiter le Big Data doit donc s’apparenter à « une raffinerie de la donnée digitale » qui va permettre à l’entreprise d’être plus efficace, et aux clients d’être toujours mieux servis.
Mais si la relation client est le domaine où l’exploi­tation du Big Data est le plus avancé, c’est loin d’être le seul champ d’application. « En fait nous évoluons dans un monde toujours plus digitalisé, où des capteurs enregistrent toujours plus de données, et c’est valable aussi dans le monde de l’entreprise », poursuit-il. Un grand constructeur automobile a ainsi utilisé les datas des badgeuses pour améliorer son organisation de production.
En fait, il n’y a pas que le Big Data, mais aussi des « Over Data ». « Ce sont ces  données moins volumineuses et plus souterraines, qui peuvent pourtant être très utiles pour améliorer un processus de production, renforcer une stratégie RH ou encore surveiller son e-reputation », conclut Romain Chaumais.

L’élaboration d’un programme marketing
« Pour aller toujours plus loin dans l’ultrapersonnalisation de la relation client, il faut d’abord exploiter l’intelligence de la donnée client », précise Guillaume Chollet, PDG de Loyalty Expert, agence spécialisée dans le développement de campagnes de marketing direct personnalisées, en BtoB. Pour mettre en place une stratégie de distinctive marketing tirant profit des possibilités offertes par le Big Data, Guillaume Chollet préconise une approche en trois étapes : construire les données, élaborer un programme et enfin mettre au point un « moteur » et des moyens pour y parvenir. « La data est devenue le cœur de la mise en application de la stratégie digitale, et change philosophi­quement la manière d’aborder le marketing relationnel », poursuit Guillaume Chollet pour qui le « marketing de masse » est mort. Dans les organisations, cela a des conséquences. « Il faut que le marketing se réapproprie la data pour que l’entreprise puisse être davantage dans l’action et pas seulement dans l’analyse », ajoute-t-il. D’autant que le Big Data orienté marketing digital est d’une redoutable puissance. Par exemple, il est possible, grâce à une analyse prédictive basée sur l’historique d’une relation client, de prévoir avec plusieurs mois d’avance, le moment où un client se détournera de l’entreprise. Il suffira alors de traiter le client « en décrochage » potentiel de manière différenciée et adaptée à sa situation.
De même, ces technologies vont bien au-delà du seul monde numérique. « Grâce à cette ultrapersonnalisation de la relation, on peut aussi rendre le papier intelligent puisque la communication imprimée, qui reste très efficace, sera utilisée au moment le plus opportun », conclut le responsable de Loyalty Expert.

Humaniser la relation client grâce au digital
De nouveaux outils apparaissent aussi, s’appuyant sur le Big Data, et permettant de nouveaux modes de communication. La société Consistent, éditeur de solutions pour la relation client multicanal, vient de lancer en France le service Dialwink qui fait appel à une nouvelle technologie, le WebRTC.
« En résumé, cette technologie permet d’associer dans un même outil la puissance du web, la convivialité de l’échange téléphonique et les avantages que l’on peut tirer d’une exploitation intelligente de la collecte des données », explique Alban Sauvanet, porte-parole de Consistent. Concrètement, le visiteur d’un site web marchand peut à tout moment, sans avoir à décrocher un téléphone, dialoguer avec un conseiller via un simple clic de souris. En fait c’est un peu comme si dans un magasin « physique », on s’adressait à un vendeur pour avoir le bon conseil. « La solution que nous avons développée permet de faire en sorte que le client entre en contact avec le vendeur, spécialisé dans le produit qui l’intéresse, qui, de plus, le connaîtdéjà puisqu’il dispose des données le concer­nant », poursuit Alban Sauvanet. Pour l’entreprise utilisatrice, le gain de temps et d’effi­cacité est évident, mais aussi pour le client d’autant que la solution est multicanal. Enfin, le WebRTC est simple à installer puisque tout se passe via un navigateur. « C’est une techno­logie nouvelle, mais dont on parle beaucoup comme une révolution, notamment aux États-Unis », conclut Alban Sauvanet.
Une révolution certes, mais qui permet, en ajoutant de l’humain dans un monde digital, de revenir aux fondamentaux du commerce. Reconnaître un client, l’appeler par son nom, savoir ce qui l’intéresse et lui faire des bonnes offres, ce sont les recettes de la fidélisation que les bons commerçants pratiquent depuis que le commerce existe !

Laurent LOCURCIO

                                   

Comment organiser le Big Data dans l’entreprise ?

En exploitant les données de paiement en temps réel, la géolocalisation et les données clients, une banque peut proposer à son client une offre contextualisée. Ainsi, le client qui vient de faire un plein d’essence sur la route des vacances en payant avec sa carte peut se voir proposer une offre de réduction sur le déjeuner du restaurant d’autoroute partenaire de la banque ! Ce n’est là qu’un exemple de la relation one-to-one que permet l’exploitation du Big Data, pour peu que le client accepte d’être informé et géolocalisé.
« Pour parvenir à de tels résultats, il faut, qu’en amont, l’entreprise soit capable d’organiser la collecte et le traitement de données très variées, provenant de bases structurées et non structurées, et qui soient analysées et mises en lien en temps réel avec des outils métiers comme les CRM par exemple », indique Pascal Hary, Sales Development Director chez Oracle, qui fournit aujourd’hui des solutions autour du Big Data et de leur exploitation.
« L’évolution technologique est un catalyseur qui favorise la mise en place de ce genre de projet dans les entreprises, mais au-delà de l’outil, il est important qu’elles se fassent accompagner afin de définir leurs besoins et prévoir une organisation spécifique afin de bien utiliser le Big Data », poursuit-il. Pour l’entreprise, il sera important que la technologie et l’organisation déployées autour de ses Big Data soit ouverte afin de s’intégrer dans les appli­cations métiers, et notamment le CRM, mais pas seulement. « Faire collaborer le Big Data avec les applications métiers permet d’être plus efficace dans beaucoup de domaines comme celui de la relation commerciale, mais aussi des ressources humaines ou encore de la supply chain », conclut Pascal Hary.

Laurent Locurcio

Journaliste économique, il a notamment collaboré avec la presse spécialisée dont La Tribune, Le Point, Le Monde, LSA, Sport Eco, et bien entendu GPO Magazine. Il a également participé au lancement de titres de presse et a été rédacteur en chef  d’un important magazine d’entreprise. Auteur également de livres d’entreprises, il intervient aussi auprès d’étudiants en formation multi-médias.

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