Comment croître à l’international ?

Pour développer son business à l’étranger, il faut s’implanter progressivement, souvent en nouant d’abord des partenariats sur place avec des acteurs ou distributeurs locaux avant d’y créer une filiale. L’export demande également de s’armer de patience et de persévérance, d’être curieux et ouvert d’esprit pour s’adapter aux spécificités socio-économiques des pays ou marchés ciblés.

Opportunités d’affaires, relais de croissance… Pour les entreprises tricolores, l’export ou l’implantation sur les marchés étrangers peuvent être source de fort développement commercial et de revenus conséquents. Encore faut-il bien préparer son internationalisation et cibler les marchés ou pays porteurs, au potentiel intéressant ? « Si l’export est l’apanage des grands groupes, la démarche est plus compliquée pour les PME et certaines ETI selon leur taille », indique Daniel Weizmann, président du Medef Île-de-France.

En cause : la crainte de se lancer à l’étranger avec la notion de distance, les différences linguistiques et culturelles, la méconnaissance des réglementations douanières, l’incertitude des délais de paiement, etc.

S’appuyer sur plusieurs organismes d’accompagnement

Daniel Weizmann, président du Medef Île-de-France« Des solutions à ces interrogations existent pourtant. Les entreprises peuvent s’appuyer sur les conseils délivrés par les organismes d’accompagnement comme Business France, les CCI, Bpifrance, le Medef…, ainsi que sur des rencontres informelles lors de salons spécialisés, mais beaucoup moins sur les aides financières qui restent limitées », explique Daniel Weizmann. Pour ce dernier, « il faut considérer l’internationalisation comme un investissement et s’assurer que sa trésorerie permette d’établir un budget, et adopter en conséquence un business plan pour l’export avec une étude de retour sur investissement ».

S’implanter de façon graduelle par un premier bureau de liaison

En attendant, les entreprises ont plusieurs solutions graduelles pour s’implanter à l’étranger. La première est de créer un simple bureau de liaison ou de représentation en s’attachant les services d’un agent commercial exclusif pour développer le business. « C’est le premier stade de l’internationalisation. Ce statut particulier a l’avantage d’éviter en général la fiscalité du pays », souligne Daniel Weizmann. Avantor, l’un des leaders mondiaux d’équipements des laboratoires de recherche dont il a été dirigeant, a ainsi agi au départ notamment en Algérie et en Tunisie. Puis, lorsque les affaires démarrent, le plus important pour un chef d’entreprise est d’entrer en contact avec les clients sur place en se rendant régulièrement dans le pays.

Les États-Unis, un marché très dynamique orienté sur l’impact « business »

L’autre approche de l’international est de sceller un partenariat avec des distributeurs locaux. C’est le cas d’Exotec, concepteur, fabricant et intégrateur de solutions d’automatisation et de robotique pour les process d’entrepôt, notamment au Japon. « Simultanément à la création de notre filiale sur place, nous avons rapidement trouvé des partenaires sur lesquels nous nous sommes appuyés pour promouvoir nos systèmes », confirme Arthur Bellamy, responsable des ventes et du marketing global de Exotec.

Arthur BELLAMY, Responsable des ventes et du marketing global de ExotecMême démarche aux États-Unis, devenu son marché phare qui représente plus de 50 % de son chiffre d’affaires Monde, en créant une filiale et en s’alliant à deux partenaires, intégrateurs de systèmes automatisés. « C’est un marché très dynamique où les acteurs économiques sont très orientés sur le profit. Les américains qui sont décontractés mais très exigeants cherchent à comprendre l’impact business que l’on peut leur apporter », relève Arthur Bellamy.

En revanche, l’expérience d’Esker, spécialiste de la digitalisation et de l’automatisation des process de gestion d’entreprise, a tourné court au début outre-Atlantique. « Nous avons cherché des distributeurs qui ne nous ont pas satisfait. Il a fallu attaquer cet immense marché très concurrentiel différemment en changeant de stratégie pour racheter finalement, au bout de trois ans, quatre concurrents américains », révèle Jean-Michel Bérard, CEO et président du directoire de Esker.

Sept ans de présence à Singapour avant de gagner de l’argent


Jean-Michel BÉRARD, CEO et président du directoire de EskerÀ l’autre bout du monde, Esker a néanmoins décidé de s’implanter directement à Singapour pour couvrir l’ensemble des pays d’Asie du Sud-Est, entraîné par de grandes entreprises clientes. « Nous y avons créé une filiale avec l’appui de Business France et du réseau de CCI à l’international ainsi que du Singapour Development Board. Après avoir effectué quelques ventes, il a fallu cependant sept ans pour que notre filiale gagne de l’argent », expose Jean-Michel Bérard.

Autre préconisation : « Créer une division export dans l’entreprise n’est pas nécessaire. Il faut au contraire impliquer tous les cadres de l’entreprise dans la stratégie à l’international et faire preuve de curiosité et d’ouverture d’esprit pour aller à l’étranger », conseille Jean-Michel Bérard. Esker trouve cependant « trop compliqué pour l’heure d’effectuer une démarche d’implantation en Chine et au Japon en raison d’un grand fossé culturel et linguistique », selon le dirigeant.

La fiscalité liée à la comptabilité de l’entreprise en Chine

Kbrw, éditeur de logiciels de gestion d’entrepôt, tente, lui, la Chine en venant de créer une filiale à Shanghai. Comme Exotec au Japon qui a été entraîné par certains grands clients comme Uniqlo, Kbrw s’implante dans l’empire du Milieu à la demande de grands groupes français déjà sur place. L’entreprise découvre les spécificités chinoises.

Philippe ROMANO, CEO de Kbrw« Avec des modèles d’éditeurs de logiciels très différents, l’écosystème est tout autre que le nôtre. La comptabilité des entreprises et la fiscalité sont très liées pour les pouvoirs publics. Heureusement, nous avons été conseillés par Business France et éclairés sur les aspects juridiques, comptables et fiscaux par d’anciens dirigeants d’éditeurs de logiciels qui connaissent bien le pays », avoue Philippe Romano, CEO de Kbrw.

Quant à l’Europe, elle n’est pas si simple que ça pour s’y développer. « Sa fragmentation en une multitude de pays, de cultures, de langues… constitue une vraie difficulté et demande de s’identifier en local dans chaque pays. L’Angleterre notamment n’est pas un marché aisé où le plus dur est de décrocher un premier contrat », prévient Arthur Bellamy. « Le marché d’outre-Manche de l’édition de logiciel qui représente le premier marché des américains en Europe est complexe et très concurrentiel », conclut Philippe Romano.

Bruno Mouly

Journaliste économique, avec près de 20 ans d'expérience en journalisme économique et en communication d'entreprise. Spécialisé en numérique, achats logistiques et mobilité. Il collabore également avec les Échos et le JDD.

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