Décarbonation de la chaîne d’approvisionnement : menace ou opportunité pour l’innovation du secteur ?
La décarbonation de la chaîne de valeur représente un enjeu crucial dans la lutte contre le changement climatique. Face à l’urgence environnementale, les entreprises sont de plus en plus incitées à réduire leur empreinte carbone, non seulement pour répondre aux attentes des consommateurs et des régulateurs, mais aussi pour garantir leur pérennité à long terme.
Des pressions et des attentes croissantes
Les consommateurs sont de plus en plus sensibilisés aux enjeux environnementaux et attendent des entreprises qu’elles prennent des mesures concrètes pour réduire leur impact écologique. En Europe, par exemple, 90 % des consommateurs souhaitent que les marques s’engagent à les aider à mieux consommer1. Cette demande croissante exerce une pression sur les entreprises pour qu’elles adoptent des pratiques plus durables.
De plus, les régulateurs mettent en place des législations de plus en plus strictes concernant les émissions de gaz à effet de serre (GES). Les entreprises doivent ainsi anticiper et se conformer à ces régulations pour éviter des sanctions financières et des dommages à leur réputation.
Les enjeux du scope 3 pour les entreprises
La mesure de l’empreinte carbone tout au long de la chaîne de valeur est une tâche complexe en raison de la multiplicité des acteurs impliqués et de la diversité des processus. Contrairement aux émissions directes, facilement quantifiables (Scopes 1 et 2), les émissions indirectes (Scope 3) représentent un défi majeur. Le Scope 3 inclut toutes les émissions liées à la chaîne d’approvisionnement, à l’utilisation des produits et à leur fin de vie. Par exemple, pour une entreprise comme Auchan Retail, 96 % de son empreinte carbone est attribuée au Scope 32 et il ne s’agit pas d’un cas isolé. En effet, l’écrasante majorité (92 %) des émissions divulguées par les entreprises européennes en 2022 concernaient le Scope 3, l’utilisation de produits vendus (57 %) et l’achat de biens et services (17 %) étant cités comme les principaux points chauds des entreprises.3
En matière de mesure des émissions, les méthodes de calcul varient, incluant des approches physiques, telles que l’utilisation de données de consommation d’énergie et de carburant, ou des approches monétaires basées sur les données financières et comptables de l’entreprise. L’adoption d’une approche physique est préférable et recommandée en première instance. Cependant, collecter des données sur toute la chaîne de valeur n’est pas une mince affaire pour les entreprises. Il peut en effet être difficile d’identifier toutes les parties prenantes et récolter toutes les données. Il est donc parfois nécessaire d’utiliser des estimations.
Le Scope 3 est donc souvent considéré comme le plus difficile à mesurer et à réduire, car il implique une grande variété d’acteurs et de processus, mais il est également très important pour comprendre l’impact global de l’activité économique sur l’environnement.
L’avènement de l’IA réduit la complexité de la mesure des émissions
L’évaluation des trois scopes est donc indispensable pour avoir une vision complète de l’empreinte carbone liée à l’entreprise et à sa chaîne de valeur. L’avènement de plateformes digitales de calcul de l’empreinte carbone intégrant l’intelligence artificielle (IA) réduit la complexité de la mesure des émissions, facilitant une évaluation précise des émissions du scope 3. En effet, il est impossible pour une entreprise de réduire efficacement ses émissions du scope 3 sans collaborer avec la chaîne d’approvisionnement et les parties prenantes clés. La technologie peut jouer un rôle crucial en facilitant la collaboration, en centralisant la collecte des données liées aux émissions, et en fournissant des informations précises sur celles-ci.
En utilisant des plateformes digitales, il est possible de cartographier le périmètre organisationnel et d’identifier les interlocuteurs clés pour collecter les données d’émission, identifier les principales sources et opportunités d’optimisation pour réduire les émissions. La technologie améliore également la collaboration avec la chaîne de valeur pour obtenir les données manquantes et permet d’analyser les émissions de manière rapide et précise. En résumé, la technologie est un outil puissant pour la décarbonation, facilitant l’analyse des données, la mesure, l’identification des opportunités d’optimisation et la réduction des émissions de carbone.
Une opportunité d’innovation et de différenciation pour les retailers
La décarbonation est un impératif essentiel pour améliorer la compétitivité de l’entreprise. En intégrant les données sur les émissions dans la stratégie de l’entreprise, il est possible de suivre de manière plus précise la chaîne d’approvisionnement, de stimuler l’innovation et l’optimisation. Cette approche novatrice permet une gestion des ressources plus efficace, renforce la réputation de l’entreprise et ouvre la voie à de nouvelles opportunités commerciales et durables. Grâce à cette approche intégrée, l’entreprise peut garder sa compétitivité en s’adaptant aux enjeux du changement climatique et atteindre ses objectifs de développement durable. En adoptant des pratiques collaboratives pour réduire leur empreinte carbone, les retailers peuvent développer de nouveaux produits et services écologiques, se démarquer de la concurrence et renforcer leur positionnement stratégique.
La décarbonation de la chaîne d’approvisionnement est décisive pour réduire l’empreinte carbone du secteur. Si les entreprises ou groupes comptant moins de 750 salariés4 peuvent, pour l’instant, omettre cette divulgation lors de la première année de préparation de leur déclaration, elles ont tout intérêt à enclencher les mesures et la mise en place de stratégies car cette transformation bénéfique pour l’environnement répond aussi aux attentes croissantes des consommateurs, et offre des opportunités d’innovation, de compétitivité et de rentabilité.
Par Sébastien Nunes, Président de ClimateSeed, plateforme technologique pour réduire l’empreinte carbone
1 Etude européenne Oney et OpinionWay sur la consommation raisonnée, Février 2020
2 Source Ecovadis : www.resources.ecovadis.com/fr/blog/le-scope-3-reprsente-96-des-emissions-d-auchan-retail.
3 Source CDP
4 Source Commission européenne : www.ec.europa.eu/info/13765-Normes-europeennes-dinformation-en-matiere-de-durabilite